Fêter à Paris le prince saoudien Mohammed Ben Salman responsable au Yémen de milliers de morts et d’une effroyable crise humanitaire, en Syrie bombarder Bachar al-Assad, est-ce bien cohérent ? Ici les affaires, là la morale.
On affiche l’ambition d’une grande politique étrangère indépendante, par opposition à celle menée durant les deux quinquennats précédents. Mais en même temps, nous continuons de vouloir nous comporter comme les meilleurs élèves de la classe atlantique, et même aujourd’hui comme le meilleur ami de Monsieur Trump au passé électoral que l’on sait.
Nous condamnons les Russes pour leur soutien à Bachar al-Assad. Aujourd’hui, les choses étant ce qu’elles sont, peut-on prétendre restaurer un certain ordre en Syrie sans passer par Bachar al-Assad (au début du moins) ? Pour ne pas en arriver là, il aurait fallu, au tout début du drame syrien, rechercher avec Moscou un compromis pour la Syrie. Cela n’a pas été fait. Tandis que les Russes envoyaient ensuite des forces militaires sur le terrain, les Occidentaux se bornaient à la fourniture d’armes à des rebelles divisés et de plus en plus noyautés par Al-Qaïda. Sept ans après le début de la guerre, des frappes nous donnent peut-être bonne conscience, mais elles aggraveront encore la situation au lieu d’y remédier.
Monsieur Poutine a une passion, celle d’une Russie redevenant une grande puissance malgré ses frontières réduites. Après l’avoir aidé au commencement, l’Europe n’a cessé de le provoquer en cherchant en particulier à attirer dans l’Union européenne, voire l’OTAN, les Républiques ex-soviétiques, notamment l’Ukraine. Vint l’annexion de la Crimée. L’Europe et la Russie ont chacune leur responsabilité dans le mauvais état actuel de leurs relations. Les voici prises dans un engrenage redoutable. Halte au feu, si l’on peut dire ! Il est grand temps de mettre fin aux surenchères. Il serait préférable que la France s’y emploie, plutôt que de participer à la « russophobie » ambiante.
Notre politique étrangère doit avoir pour priorité l’intérêt de la France et la paix. Elle ne peut se faire à coup d’a priori. Elle ne vaudra qu’en étant indépendante. L’indépendance n’est pas une question de circonstances. Elle implique de penser par soi-même et de parler avec tous. Il serait grand temps de réagir contre les dérives actuelles.