En 2020, plus de vingt pays africains devaient organiser des élections. Mais à cause du Covid-19, plusieurs d’entre eux ont reporté ces élections, d’autres les ont maintenues avec des mesures sanitaires strictes. Alors que le coronavirus n’était encore qu’à ses débuts, le Togo, la Guinée et le Mali ont tenu leurs élections présidentielles respectivement en février, mars et avril. De même, les élections générales au Burundi se sont tenues en mai et les élections présidentielles en Malawi en juin. Avec l’augmentation catastrophique des cas de Covid-19, qui n’a pas épargné le continent africain à partir de juillet, les pays qui devaient organiser des élections après cette date se trouvent confrontés à un vrai défi : faut-il maintenir les élections au nom de la démocratie dans ce temps d’insécurité, de dangerosité et d’inquiétude ou bien faut-il les reporter ?
Les principaux obstacles à la sécurité des élections se manifestent par la présence d’un grand nombre de personnes dans les bureaux de vote et le grand risque est celui de la santé des personnes âgées et à faible immunité. C’est pourquoi les pays qui optent pour le maintien des scrutins doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour mener des élections crédibles en toute sécurité, comme le maintien de la distanciation sociale ou la fourniture d’équipements de protection individuelle.
En juin, l’Éthiopie a décidé de reporter les élections parlementaires et régionales, et le Tchad a fait de même pour les élections législatives. Le Kenya, la Gambie, la Tunisie, l’Ouganda, le Nigeria et la Zambie ont suspendu les élections tandis qu’au Ghana l’inscription sur les listes électorales a été retardée. Le risque réel dans le report des élections selon la Fédération Internationale des Droits Humains (FIDH) est que cette pandémie soit utilisée à des fins politiques et serve des intérêts individuels, comme au Congo où le report du scrutin présidentiel a permis à Joseph Kabila de rester deux années supplémentaires au pouvoir.
En Ouganda, le président Museveni a suspendu les élections présidentielles et législatives prévues en mars 2021. Au Burundi, les élections présidentielles ont eu lieu, mais la légitimité du scrutin est mise en cause selon certains chercheurs de l’IDEA (International Institute for Democracy and Electoral Assistance) à cause de l’absence d’observateurs internationaux qui n’ont pas pu se déplacer à cause de la situation sanitaire mondiale. En addition à cela, ce phénomène pourrait bien se répéter en Tanzanie où les élections présidentielles et parlementaires se dérouleront en 2021.
L’Afrique du Sud a, pour sa part, trouvé une solution qui a encouragé les citoyens à participer aux élections : les personnes âgées et ceux qui ont des problèmes de santé peuvent voter avant les autres citoyens. Cette initiative fut un succès en Corée du Sud qui a eu le plus fort taux de participation depuis 30 ans avec 66,2% de votants. Néanmoins, on ne peut pas appliquer la même solution dans tous les pays d’Afrique, continent à la population jeune, il faut appliquer une solution différente selon la particularité de chaque pays
Des élections corrompues :
Si on cherche dans les dictionnaires la définition du mot « élection », on trouve que toutes les définitions commencent par le mot « choix » ; mais est-ce vraiment le cas pour les élections africaines de 2020 ? Le choix du peuple africain a-t-il été validé ? Ou bien l’avidité et la corruption des politiciens sont illimitées au point de transgresser le choix du peuple et leur droit de voter ?
Commençons par le Togo, qui a été le premier pays africain ou les élections présidentielles ont eu lieu (le 22 février 2020). Le président Faure Gnassingbé, qui est à la tête du pays depuis 2005 suite au décès de son père, a gagné les élections avec 70,78% de voix, contre 19,46% voix obtenues par son rival Agbéyomé Kodjo, pour débuter un quatrième mandat. Suite à cela, les résultats furent contestés par Kodjo qui accusa Gnassingbé d’avoir falsifié les résultats et d’avoir bourré les urnes. Le 21 avril, Kodjo fut arrêté à domicile par les forces de l’ordre après trois convocations à la gendarmerie auxquelles il ne s’était pas rendu « pour raison de santé ». Vivant aujourd’hui dans la clandestinité, il revendique toujours sa « victoire ».
Un mois plus tard, le 20 mai 2020, au Burundi, Évariste Ndayishimiye, poulain de l’ancien président Pierre Nkurunziza (qui a été au pouvoir pour une quinzaine d’années), remporte avec succès les élections présidentielles avec 71,45% de voix, contre son adversaire Agathon Rwasa qui n’a obtenu que 25,15% des voix. Assurément, le peuple burundais espérait tourner la page de Pierre Nkurunziza, président autoritaire qui a poussé 400000 Burundais à fuir le pays et qui a causé de nombreux conflits entre le peuple révolté et les autorités, causant de nombreux morts. Malheureusement, le même scénario se répète avec Ndayishimiye, beaucoup plus dur envers le peuple et les journalistes. En addition à cela, le Conseil de Sécurité a retiré le Burundi de son agenda politique, ce qui a causé l’inquiétude des militants des droits de l’homme au Burundi et dans le monde.
En octobre, deux scénarios identiques se sont déroulés en Guinée et en Côte d’Ivoire. En effet, les deux présidents furent élus pour un troisième mandat. Alpha Condé a été élu en Guinée avec 59,49% de voix contre 33,50% pour son principal opposant Cellou Dalein Diallo. Le scrutin, très controversé, a donné lieu à d’importantes manifestations anti gouvernementales dès la fin des opérations de vote. Les rues de Conakry se sont transformées en scène de guerre entre les forces de l’ordre et les partisans de Diallo, qui ont revendiqué sa victoire avant même l’annonce des résultats officiels.
Non loin, en Côte d’Ivoire, on retrouve la même situation, mais avec des chiffres plus étonnants. Le président Alassane Ouattara a remporté les élections présidentielles ivoiriennes avec 94,27% des voix. Des manifestations ont rempli les rues d’Abidjan et de Yamoussoukro bien avant les élections, lors de la présentation d’Alassane Ouattara aux élections présidentielles pour un 3ème mandat, vu qu’il n’est pas apprécié par une partie du peuple ivoirien qui l’accuse de corruption. Suite à son élection, la colère des Ivoiriens a augmenté et certains affirment que les résultats sont truqués. Des heurts entre les forces de l’ordre ivoiriennes et les manifestants, dont la plupart sont des jeunes, ont eu lieu. Les villes principales du pays ont sombré dans le chaos et de nombreux ivoiriens souhaitent renverser Alassane Ouattara.
Enfin, l’année 2020 s’est terminée avec un coup d’Etat au Mali perpétré par les forces armées maliennes qui ont renversé l’ex-président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, au pouvoir depuis 2013. Suite à cela, les forces armées ont annoncé de nouvelles élections présidentielle et législatives pour 2022, un espoir pour le pays ravagé par le terrorisme et l’instabilité sécuritaire.
2020 fut donc une année assez difficile et instable pour tout le continent africain qui a été ravagé par la corruption et l’orgueil des politiciens qui leur a fait oublier le peuple pour seul but d’atteindre « la position suprême ». Espérons de meilleures élections en 2021, où beaucoup de pays s’apprêtent à organiser des scrutins comme la République Centrafricaine en février, suivi par le Bénin, l’Éthiopie, le Congo, le Tchad, le Cap-Vert, et d’autres.
Sasha Moghrabi et Amjad Marhaba.