En attendant Godot-Merkel

Deux mois après les élections législatives du 24 septembre l’Allemagne n’a toujours pas de nouveau gouvernement. Angela Merkel expédie les affaires courantes avec les sociaux-démocrates du SPD qui ne voulaient plus gouverner avec elle. Ils sont en train de changer d’avis mais après l’échec des pourparlers exploratoires avec les libéraux et les Verts, tout doit recommencer à zéro. Les plus optimistes espèrent que la nouvelle – grande – coalition sera en place à Noël. Une dirigeante de la CDU estime toutefois que les véritables négociations avec le SPD ne débuteront pas avant janvier 2018.
En attendant, rien de sérieux ne pourra se passer dans l’Union européenne. Emmanuel Macron avait été accusé d’être trop pressé quand il a fait son grand discours européen à la Sorbonne deux jours après le scrutin allemand. Il va devoir patienter. Le Conseil européen de décembre avait pour objectif de fixer un calendrier pour l’examen des premières réformes proposées par le président français. Donald Tusk, le président du Conseil européen, avait présenté un projet à ce sujet. Il faudra revoir les ambitions à la baisse. Car même si elle a encore de bonnes chances de rester à la chancellerie, Angela Merkel n’est pas en mesure de prendre des décisions engageant son pays pour les prochaines années.
L’échec de la coalition dite « jamaïcaine », s’il retarde la formation d’un gouvernement stable à Berlin, a au moins un avantage pour l’UE. Il évacue l’hypothèque que faisait peser sur la politique européenne de l’Allemagne la présence de libéraux dans la coalition, qui plus est au poste de ministre des finances. Sous l’impulsion de son nouveau président, Christian Lindner, le Parti libéral (FDP) a pris des positions eurosceptiques contraires à sa tradition afin d’aller glaner des voix du côté des populistes. Il est opposé à toutes les mesures de renforcement de la zone euro proposées par la France.
Ce n’est pas le cas de la démocratie-chrétienne et a fortiori du SPD. Angela Merkel et ses amis politiques ont toujours été sceptiques face à l’idée de transformer l’UE en une « communauté de transferts », c’est-à-dire dans l’optique allemande en une « pompe à finances » depuis l’Allemagne vers les Etats membres du sud de l’Europe.
Depuis la crise de 2008, elle a toutefois donné la priorité à la sauvegarde de la zone euro sur le strict respect de l’orthodoxie financière. Elle n’a pas opposé une fin de non-recevoir aux idées d’Emmanuel Macron même si elle fera tout pour en atténuer la portée. Elle est prête à discuter des propositions concrètes que le président de la République a avancées dans de nombreux domaines pratiques de la coopération. Le SPD ne peut que la conforter dans cette bonne disposition.
Reste que ce n’est pas pour demain. Les turbulences politiques en Allemagne font perdre un temps précieux alors que tout le monde s’accorde à penser que 2018 sera cruciale pour l’Union. C’est la dernière année avant les élections européennes et le renouvellement de la Commission. Les opinions publiques n’y sont peut-être pas très sensibles mais malgré tous ses défauts, le scrutin européen pourrait être un moment de mobilisation. Si les Allemands ne sont pas au rendez-vous, tous les efforts français seront vains.