Près d’un an et demi se sont écoulés depuis le début du mouvement révolutionnaire libanais. Pourtant rien n’a changé. Au contraire, la situation du Liban a empiré. La crise économique, politique et sociale bat son plein dans un pays où c’est désormais plus de la moitié de la population qui vit sous le seuil de pauvreté. La classe politique, conspuée par la rue, s’accroche au pouvoir et refuse d’apporter les réformes tant attendues. Le système confessionnel est bloqué et la situation semble inextricable.
Le gouvernement d’Hassan Diab, démissionnaire depuis sept mois, continue de gérer les affaires courantes, faute d’un nouveau cabinet. En effet, l’ancien premier ministre Saad Hariri, qui a démissionné au début de la révolution, est chargé de former un nouveau gouvernement mais bute sur les revendications des principaux partis politiques, lesquels refusent de perdre en influence. Pendant ce temps, la situation empire. Les Libanais ne disposent de l’électricité que quelques heures par jour (c’est pourtant une exigence majeure pour l’octroi de l’aide internationale), la monnaie locale s’écroule, passant à plus de 10000 livres pour un dollar alors que le taux officiel est à 1500 ; les prix des produits de consommation courante s’envolent, certains sont multipliés par six ! La situation n’est plus vivable et la flamme de la révolution se ravive.
Déjà, il y a quelques semaines, d’importantes manifestations suivies d’affrontements avec les forces de l’ordre à Tripoli (au nord du pays) dénonçaient les restrictions imposées pour tenter de limiter l’épidémie de Covid-19, aggravant la situation des foyers les plus précaires. On dénombre plusieurs morts lors de ces échauffourées. Début mars, alors que le dollar atteint sur le marché noir un record historique, des routes sont bloquées, toujours à Tripoli. Le mouvement s’étend progressivement et une semaine plus tard, le mardi 9 mars, c’est tout le pays qui est bloqué. On assiste à d’immenses embouteillages, les automobilistes mettent 2 heures pour faire seulement 4 km. L’armée est alors déployée pour éviter que la situation ne perdure.
Mais la détermination des Libanais est réelle, en témoigne cet homme qui s’est immolé le lundi 8 mars à Tyre dans le sud du pays. Malgré la pression de la rue, la pression des dignitaires religieux [1]e et la pression internationale, la classe politique libanaise ne semble pas prendre la mesure de la gravité de la situation. L’incertitude est aujourd’hui totale quant au devenir de la mobilisation et plus largement du pays.