Alexis Tsipras à la recherche d’un nouveau souffle

Le premier ministre grec Alexis Tsipras a remanié, le samedi 5 novembre, son gouvernement dans la perspective d’une nouvelle manche de négociations avec les créanciers du pays. Il a écarté de leurs postes les ministres les plus hostiles aux réformes exigées par les bailleurs internationaux, l’eurogroupe et le Fond monétaire international. Une nouvelle tranche de 2,8 milliards d’euros vient d’être débloquée par le Mécanisme européen de stabilité (MES) mais la Grèce compte toujours sur l’ouverture de négociations à propos d’une diminution de sa dette qui représente encore près de 180% du PIB.

Le premier ministre grec Alexis Tsipras
Bloomberg

Après avoir été réélu par le congrès de son parti, Syriza, le premier ministre grec Alexis Tsipras dont la popularité est en chute libre, a tenté de se donner un peu d’air en remaniant son gouvernement. Les principaux ministres, notamment celui des finances Euclide Tsakalotos, qui a négocié avec les créanciers internationaux de la Grèce depuis la volte-face du chef de la gauche radicale en juillet 2015, restent à leur poste.

Chaises musicales

Mais en recourant principalement au jeu des chaises musicales, Alexis Tsipras marginalise les membres du gouvernement les plus réticents à mettre en œuvre les réformes exigées par les Européens et par le Fond monétaire international. La principale victime du remaniement est le ministre de l’éducation, Nikos Filis, qui quitte le gouvernement. Sa disgrâce n’a rien à voir avec la situation financière de la Grèce. Il s’était simplement mis à dos la puissante Eglise orthodoxe.
Les ministres de l’énergie et de la marine marchande changent de portefeuille parce qu’ils traînaient les pieds pour privatiser les sociétés nationales de l’électricité et de l’eau, d’une part, le port du Pirée, d’autres part. Le ministre du travail passe aux affaires européennes. Victime des manifestations qui ont accompagné la réforme du marché du travail, il est remplacé par son adjointe.

Un signal aux créanciers

Le signal envoyé aux créanciers internationaux est clair, renforcé par l’entrée au gouvernement de Stergios Pitsiorlas, jusqu’alors président de l’office des privatisations : Alexis Tsipras entend poursuivre la mise en application des demandes de ses collègues européens et du FMI, afin de rester dans l’épure du troisième plan d’aide de 86 milliards d’euros décidé en 2015. Le MES vient de décider l’octroi d’une nouvelle tranche de 2,8 milliards, mais 1,2 milliard seulement a déjà été versé.
Pour les tranches suivantes, une décision doit être prise d’ici à la fin de l’année. Elle est liée à la poursuite des réformes. Pas moins de 93 mesures devraient être votées par le parlement grec, la Vouli, soit trois à quatre par jour. La gauche radicale, alliée aux Grecs indépendants (nationalistes de droite) n’ayant que quelques voix de majorité depuis les élections anticipées de septembre 2015, chaque vote est âprement disputé.
Et pourtant depuis un peu plus d’un an, nombre de réformes ont été adoptées. La liste en est impressionnante. Elle va de l’augmentation de la TVA et de diverses taxes à la diminution des indemnités journalières des fonctionnaires en déplacement en passant par le plafonnement à 1,4 milliard d’euros par an des dépenses de santé. Pour les Grecs, en particulier pour les retraités, la potion est amère. Sans doute faudrait-il faire la distinction entre les réformes annoncées par le gouvernement, celles qui ont été votées par le parlement et celles qui ont été effectivement mis en œuvre. Les administrations, jusqu’au plus haut niveau, ne témoignent pas toujours d’un très grand zèle dans l’application de décisions impopulaires.

Mécontentement grandissant

Il n’en demeure pas moins que le mécontentement, qui prend souvent la forme de la résignation, s’est accru vis-à-vis d’un gouvernement qui avait été élu la première fois en janvier 2015 sur un programme de rupture avec les exigences des créanciers. Selon un sondage publié par Avgi, le journal de Syriza, 90% des Grecs seraient mécontents de l’équipe au pouvoir. Si des élections avaient lieu maintenant, la gauche radicale serait cinq à dix points derrière la Nouvelle démocratie (centre droit).
La situation économique continue de se détériorer même si le gouvernement compte sur une croissance de 2,7% l’année prochaine. C’est sur cette base qu’il a construit le prochain budget qui devrait dégager un excédent primaire (avant paiement des intérêts de la dette) de 2%, soit un résultat supérieur à ce que demandent les créanciers (1,75). Toutefois cette anticipation est jugée « pas sérieuse » et socialement « inapplicable » par le président de la Banque de Grèce, l’ancien ministre des finances de la coalition entre le centre-droit et les sociaux-démocrates, Yannis Stournaras.
Depuis 2008, le PIB grec a reculé de 25%. Le chômage a diminué de deux points mais atteint toujours 25% de la population active, avec un pic à 50% chez les jeunes. Alexis Tsipras se raccroche à l’espoir que les créanciers accepteront une diminution de la dette. Il compte sur l’appui du FMI pour obtenir ce succès politique contre l’opposition de Berlin. L’Allemagne a une position apparemment contradictoire. Elle refuse une diminution de la dette dont le FMI est partisan mais elle insiste sur la participation du FMI au programme de soutien à la Grèce, car la présence du FMI est pour elle un gage de sérieux. S’il est peu probable que le gouvernement allemand change d’avis avant les élections de septembre 2017, le premier ministre grec renforce une position de négociation bien précaire, en montrant que même dans les jeux de politique intérieure, il est guidé par la volonté de satisfaire aux conditions de ces créditeurs.