Avec l’Iran, le chemin est le but

Les négociateurs du P5+1 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité plus l’Allemagne) et de Téhéran se sont séparés, lundi 24 novembre, sans s’être mis d’accord sur la limitation du programme nucléaire de l’Iran et la levée des sanctions qui frappent ce pays depuis une dizaine d’années.
C’est un échec mais pas une rupture. Les négociateurs se sont donnés jusqu’à sept mois de plus pour régler les points sur lesquels achoppent encore les pourparlers. Un mauvais accord serait meilleur que pas d’accord du tout, entendait-on avant la dernière série de négociations qui viennent de se tenir à Vienne. Mais un « mauvais accord » aurait été difficile à faire accepter aussi bien par le Congrès des Etats-Unis que par le Guide suprême Ali Khamenei et ses partisans.
En attendant, l’accord intérimaire qui limite l’enrichissement de l’uranium et permet un assouplissement des sanctions reste en vigueur. L’Iran ne pourrait pas utiliser le nouveau délai pour gagner du temps et poursuivre, de manière masquée, son programme nucléaire militaire, s’il le voulait. Le report a aussi sur un échec avéré l’avantage de garder la Russie dans la négociation, malgré les tensions existant entre Moscou et les Occidentaux sur d’autres sujets.
Rien ne dit que les positions se seront rapprochées quand les négociateurs se retrouveront fin juin 2015. La ratification d’un accord, quel qu’il soit, par le Congrès américain risque d’être encore plus difficile avec la majorité républicaine qui s’installera dans les deux chambres en janvier. Certains sénateurs préparent déjà de nouvelles sanctions contre Téhéran. Barack Obama aura la possibilité de mettre son veto.
Pour le président américain, l’ajournement des négociations est un revers. Barack Obama comptait sur un accord avec l’Iran pour engranger un succès diplomatique dont il a bien besoin et pour changer totalement la donne au Moyen-Orient. Plus le temps passe, plus la fin de son mandat approche et plus il aura de mal à imprimer sa marque.
La coopération tacite entre l’Iran et les Etats-Unis contre les djihadistes de l’Etat islamique va toutefois se poursuivre. Les deux pays ont le même intérêt à combattre les sunnites radicaux, qui cherchent à rompre l’équilibre avec les chiites et leurs alliés en Irak et en Syrie protégés par Téhéran. Un accord sur le nucléaire aurait ouvert la voie à un réalignement des alliances dans toute la région. L’Iran a intérêt à voir son statut de puissance régionale reconnue tandis que Barack Obama voudrait entrer dans l’Histoire comme celui qui a mis fin à l’hostilité entre Washington et Téhéran, qui dure depuis 1979 et la rupture des relations diplomatiques à la suite de la prise d’otages à l’ambassade américaine de Téhéran.
Aucun des deux principaux protagonistes n’a cru pouvoir faire le saut mais aucun n’a voulu couper les ponts.