Une fois de plus, les attentes entre Berlin et Paris divergent. La France, soucieuse de renouveler au plus tôt sa flotte de Rafale, insiste sur le développement d’un démonstrateur mis en service en 2025. L’Allemagne, au contraire, se concentre sur le système de manière holistique puisqu’elle n’envisage un renouvellement de ses « Eurofighter » qu’à échéance de 2036 et les connaisseurs des relations franco-allemandes pourraient y voir la confirmation d’un cliché bien connu : la France attache de l’importance à pouvoir agir rapidement ; l’Allemagne est intéressée par la solution globale, même si elle prend un peu plus de temps. Ici aussi, les conceptions stratégiques de la guerre aérienne du futur divergent manifestement – à moins que les seules considérations en la matière ne se limitent à des aspects matériels en soutien à la politique industrielle ?
Le système de combat aérien du Futur est envisagé comme une interconnexion de systèmes, un « system of systems ». Il se compose essentiellement de trois éléments et doit être disponible en 2040 [1] : l’avion de combat habité (de la 6e génération), des plateformes non-habitées, c’est- à-dire des drones qui accompagnent l’action du pilote et sont dirigés par celui-ci, ainsi qu’un système protégé pour la communication entre les différentes unités et d’autres systèmes (Air Combat Cloud). C’est ainsi que le système de combat aérien du Futur représente une « opportunité unique pour assurer et étendre durablement la souveraineté européenne en termes de sécurité et de défense », comme l’indique la Fédération allemande de l’aéronautique et de l’espace (Bundesverband der Deutschen Luft- und Raumfahrtindustrie – BDLI) dans une prise de position commune [2] . Il serait par ailleurs « le seul garant pour élever l’expertise technologique à un niveau supérieur et asseoir la création de valeur ajoutée industrielle sur une base binationale ».
Défense v/marché : la question des exportations
Comme le souligne l’ambassadrice Anne-Marie Descôtes dans sa contribution, le succès des deux projets dépend entre autres de « perspectives réalistes d’exportation [...] si toute perspective d’exportation au-delà de l’UE est bloquée par principe ou rendue totalement aléatoire par l’évolution de débats de politique intérieure dans l’un des pays partenaires, c’est la viabilité à long terme de ce programme qui est mise en cause » [3] Ce document de travail du BAKS n’a toutefois pas reçu un accueil unanimement favorable de la part des membres du gouvernement fédéral. Sa thèse principale et celle de son gouvernement est la suivante : des perspectives réalistes d’exportation sont élaborées sur la base de « procédures claires, efficaces et prévisibles pour les exportations. C’est précisément l’objectif de cet accord, qui doit créer les conditions indispensables à la viabilité de nos programmes communs » [4].
À ce sujet, l’ambassadrice de France défend le même avis que le Président exécutif (CEO) d’Airbus Defence and Space qui affirmait dans la Süddeutsche Zeitung [5] : « Si [la question des perspectives d’exportations] n’est pas résolue, aucun des projets franco-allemands n’aboutira [6]. »
L’objectif du Traité d’Aix-la-Chapelle était justement de s’atteler à cette tâche : « Les deux États élaboreront une approche commune en matière d’exportation d’armements en ce qui concerne les projets conjoints. » Les deux gouvernements ont en effet conclu dès le mois d’octobre 2019, un accord « relatif au contrôle des exportations en matière de défense ». Il est convenu entre autres qu’aucune Partie contractante ne s’oppose à un transfert ou à une exportation vers une tierce partie voulue par l’autre Partie contractante, sauf de façon exceptionnelle, « lorsque ce transfert ou cette exportation porte atteinte à ses intérêts directs ou à sa sécurité nationale. Si l’une des Parties contractantes a l’intention de s’opposer à un transfert ou à une exportation, elle en informe l’autre Partie contractante dès que possible [...]. Les Parties contractantes organisent immédiatement des consultations de haut niveau pour partager leurs analyses et trouver des solutions appropriées. Dans ce cas, la Partie contractante opposée à un transfert ou à une exportation met tout en œuvre pour proposer des solutions de remplacement » [7]
Par ailleurs, « les Parties contractantes appliquent le principe « de minimis » avec un seuil en pourcentage unique de produits destinés à l’intégration fixé à 20 % de la valeur du système final qui fait l’objet d’une exportation ou d’un transfert ». La transposition de ce principe est entrée en vigueur le 1er avril 2020 côté allemand [8]..
Or, son application concernant les armes de guerre, qui figurent en annexe, est explicitement exclue. En Allemagne, une différence est faite entre une catégorie d’« armes de guerre » et une catégorie d’ « autres biens d’armement » [9]
Au sujet des « consultations de haut niveau » prévues en cas de doute, on a établi un « comité permanent ». Celui-ci existe depuis novembre 2019 et réunit côté allemand des représentants du ministère fédéral de l’Économie et de l’Office fédéral de l’économie et du contrôle d’exportation qui en dépend, du ministère fédéral de la Défense, du Ministère fédéral des Affaires étrangères et de la Chancellerie fédérale.
Avec ces projets d’envergure, complexes et ambitieux, la France et l’Allemagne se trouvent désormais au début d’une nouvelle phase de coopération en matière d’armement. Ils exigent un engagement durable et de taille. Cet engagement repose par ailleurs sur une approche ambitieuse intrinsèquement liée aux obligations qui découlent du Traité d’Aix-la- Chapelle de « s’efforcer de renforcer la capacité d’action autonome de l’Europe » [10].
Or, les expériences passées conduisent légitimement à se poser la question de savoir si et dans quelles circonstances les conditions sont réunies pour assurer le succès de ces objectifs ambitieux.
En ce qui concerne le système de combat aérien du Futur, le succès de ces « projets d’exception » (selon les termes de Florence Parly) est considéré par Berlin comme une « condition fondamentale pour une industrie de l’aviation allemande et européenne compétitive » [11].
Néanmoins, pour pouvoir mesurer cette prise de position officielle à sa juste valeur, on ne peut faire l’impasse sur le fait que le rôle et le poids de l’industrie de l’armement ne sauraient être plus différents qu’entre ces deux pays. Cela a aussi des conséquences dans la pratique de la coopération et mérite donc qu’on y accorde une attention toute particulière.
Des politiques industrielles différentes dans l’armement
Pendant de longues années, l’industrie de l’armement française était largement détenue par l’État. Celui-ci a certes réduit sa mainmise, mais il conserve encore un rôle déterminant dans cette « industrie stratégique », qui incorpore désormais les technologies de l’information ainsi que la gestion des « infrastructures critiques » qui en dépendent. « Nous avons sans doute ces dernières années trop souvent considéré qu’il s’agissait là de solutions commerciales [lorsqu’il était question de technologie], de sujets simplement industriels ou marchands [déploiement de la 5G, le cloud pour stocker les données, ainsi que les systèmes d’exploitation], alors que nous parlons là d’infrastructures stratégiques pour nos économies évidemment et pour nos armées » « [12] ,
comme le concédait le Président Macron lors de son Discours le 7 février 2020 sur la stratégie de défense et de dissuasion devant les stagiaires de la 27e promotion de l’Ecole de guerre. L’industrie de l’armement, et c’est un aspect crucial de cette réflexion, ne saurait être séparée de la stratégie de sécurité et de défense du pays, et relève donc de la responsabilité politique. Ainsi, les liens entre les hauts fonctionnaires de l’État et les dirigeants d’entreprises sont étroits, ce qui s’explique aussi, mais pas exclusivement, par la formation identique des cadres de la fonction publique et privée.
À l’opposé, en Allemagne, l’industrie de l’armement a toujours été et continue d’être majoritairement du ressort du secteur privé. À la différence de la France, il existe depuis toujours une distance clairement affichée entre la direction des armements du ministère fédéral de la Défense, d’une part, et l’industrie, d’autre part. On ne voulait pas apparaître tantôt comme lobbyiste (de l’industrie dans la Bundeswehr) ou comme auxiliaire (du Ministère par rapport à l’industrie). La Bundeswehr se considérait par ailleurs comme un client important à la recherche de l’offre la plus avantageuse en termes de coûts. Le mot magique est « off the shelf ». Pourquoi lancer le développement de nouveaux produits coûteux, alors que des produits qui font l’affaire sont déjà disponibles « sur étagère », et qui plus est, à moindre prix. Conformément à la devise de la loi générale budgétaire fédérale de 1969, il s’agit d’utiliser les moyens budgétaires disponibles de façon économique et économe [13]
Cela convenait tout particulièrement aux loyaux atlantistes, fervents alliés des États-Unis d’Amérique, qui, depuis longtemps et le plus souvent, disposent de ces « produits finis ». Néanmoins, au cours des années 1980, Bonn commençait aussi à défendre les projets européens, pour des raisons pas totalement déconnectées d’intérêts ayant trait à la défense de sa politique industrielle, et afin de réduire sa dépendance à l’égard de l’industrie des États-Unis, qui étaient alors engagés dans leur « Revolution in Military Affairs » [14].
La peur du dépassement technologique était en effet palpable.
Or, le déroulé des projets européens multilatéraux était aussi insatisfaisant aux yeux des Allemands. Pour cette raison, en 2014 la nouvelle ministre de la Défense Ursula von der Leyen avait fait appel à des entreprises de conseil externes pour examiner en détail une sélection de projets d’armement, et, face aux conclusions, a dû se rendre à l’évidence que « les systèmes d’armement sont livrés avec des années de retard, coûtent des milliards d’euros de plus que prévu, sont souvent défectueux et la qualité laisse à désirer » [15].
De toute évidence, la gestion de ces projets d’armement par le Ministère ne fonctionnait pas. Ces constats ne renforcèrent pas la confiance entre la Bundeswehr et l’industrie quant à leur coopération.
Mais aujourd’hui, l’Allemagne ne se préoccupe plus seulement d’acheter le moins cher possible. Ainsi, le document stratégique le plus récent « pour le renforcement de l’industrie de sécurité et de défense » du 12 février 2020 évoque la nécessité de disposer d’une « industrie de sécurité et de défense innovante, efficace et compétitive, comme pierre angulaire pour assurer la capacité de l’Allemagne et de l’UE de participer à des alliances et à des projets de coopération. Et ceci notamment dans le cadre de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) ».
Naturellement, « des économies d’échelle pourront être faites » tout en « protégeant des technologies clé nationales ». Ainsi, côté allemand on continue à miser sur une mise en concurrence compétitive en matière d’armement, conformément au droit national des marchés publics, même « s’il faut prendre en considération le fait que le marché des biens de sécurité et de défense constitue un marché spécifique du fait du rôle particulier de l’État », pour lequel ne s’appliquent pas « les mêmes conditions de mise en concurrence ». Dans d’autres États en revanche « les imbrications entre État et industrie de la défense – peut-être plus que pour n’importe quel autre type d’industrie – sont évidentes, quand il n’y a pas, de manière plus affirmée, un lien de domination par l’État » [16].
La controverse sur les exportations
Dans ce contexte, la question des exportations d’armement joue un rôle particulier. La position de la France est claire : « Le marché européen seul ne suffit pas pour rendre économiquement viables les gros projets franco-allemands et européens en matière d’armement. » Cela signifie-t-il que sans exportations il pourrait ne plus y avoir ni de système de combat aérien du Futur (SCAF) ni de Système de Combat Terrestre Principal (Main Ground Combat System – MGCS), ni même de projets d’armement avec la France tout court ? Du côté allemand, l’affaire s’annonce plus compliquée. En total accord avec les arguments exposés par l’ambassadrice Descôtes, les députés verts Katja Keul (député au Bundestag) et Reinhard Bütikofer (député européen) confirment que « la politique d’exportation d’armements constitue actuellement l’un des sujets les plus controversés entre l’Allemagne et la France ». Néanmoins, ils ne souhaitent pas réduire la dépendance de l’Europe envers les États-Unis d’Amérique en matière d’armement, « en augmentant la dépendance envers l’Arabie Saoudite. La sécurité européenne et son financement ne doivent pas dépendre d’exportations » [17]
Faut-il donc accepter des coûts plus élevés pour des développements propres ? Des économies seraient bien évidemment bien reçues. Cependant elles « ne devraient pas être atteintes par davantage d’exportations mais par une mise en commun des systèmes » [18] , d’après les députés. Or, le SCAF et le MGCS sont déjà, tous les deux, des mises en commun de systèmes, une interconnexion de systèmes (« system of systems »). Quel est le message que les Verts souhaitent faire passer sans véritablement oser en prononcer les mots ?
Les exportations d’armement constituent un sujet très sensible en Allemagne. D’un côté, les sondages menés au fil des années montrent une opposition persistante à l’encontre des exportations d’armement. De l’autre, force est de constater qu’il n’y a pas de consensus au sein du gouvernement en matière de politique d’exportation d’armement, parce que les ministères concernés (économie, défense, affaires étrangères) ne sont pas toujours d’accord entre eux et parce que le Conseil de sécurité fédérale, un comité interministériel fédéral qui décide des exportations, se réunit en secret en se contentant d’informer le Parlement de ses décisions. Les partis de la coalition ne se sont pas non plus réellement accordés sur une politique commune d’exportations [19].
Les « Principes politiques du gouvernement fédéral applicables aux exportations d’armes de guerre et d’autres biens d’armement » [20] sur lesquels les partis de la coalition ont pu s’accorder, déterminent au départ ceci : « Dans le domaine des exportations de biens d’armement, le gouvernement fédéral mène une politique d’autorisation responsable et restrictive [21].. »
Mais cette affirmation est contradictoire ou du moins ambiguë. En effet, les mêmes principes comportent en même temps l’acceptation d’un renforcement de la coopération dans l’UE, en vue d’une « convergence des décisions visant les exportations de biens d’armement » et l’approfondissement d’une « coopération sur le plan de la défense économique des États membres », « dans le cadre d’une Union de la défense européenne » [22] .
Les responsables côté français et allemand devront s’accorder (une fois pour toutes au risque de voir cette question refaire surface à intervalles réguliers) sur la question de savoir comment relier d’une part les intentions annoncées en faveur d’un approfondissement de la coopération en matière d’économie de la défense dans le cadre d’une Union de la défense européenne qui n’existe pas (encore), avec, d’autre part, la position de Paris selon laquelle seules les exportations rendent économiquement viables des projets d’armement communs. Pour justifier leur positionnement en matière de politique d’exportation d’armements, Paris et Berlin se réfèrent tous deux explicitement à la « position commune 2008/944/PESC » de l’UE du 8 décembre 2008, qui définit huit critères concernant les exportations d’armements vers des États tiers. Chacun prétend respecter de façon stricte ces huit critères. Cela étant, il est évident que Berlin se focalise sur les restrictions d’exportations tandis que Paris garde la nécessité de ces exportations en ligne de mire.
Les Allemands, qui critiquent les exportations d’armements, voient comme le premier objectif de la coopération d’armement en Europe d’« d’éviter les exportations d’armement problématiques » (c’est-à-dire vers des régimes autoritaires et des zones de crises), et non « le renforcement de la compétitivité de l’industrie de l’armement ». Des restrictions de la liberté d’entreprendre pour faire respecter cet objectif seraient non seulement légitimes mais nécessaires. « Sur ce point les partenaires comme la France et la Grande-Bretagne doivent aussi faire des concessions » [23] .
Des structures de décision totalement hétérogènes
Les décideurs en matière d’exportations d’armements se doivent aussi de toujours prendre en considération des questions de responsabilité éthique. Ainsi la politique d’armement comporte une dimension de principe, qui ne facilite pas la négociation et qui porte à négliger les aspects sécuritaires ayant trait à l’exportation d’armements. Ceci concerne aussi bien les négociations entre participants allemands que les négociations avec les partenaires français, qui ont tendance à être en position de force au cours des discussions stratégiques.
Enfin, outre les considérations éthique et morale qui caractérisent le débat allemand sur l’industrie de l’armement, il y a un autre élément qui a trait à la culture politique des deux pays. Non seulement les liens entre l’industrie et la politique de défense présentent de grandes différences entre les deux pays, mais la manière dont la politique de défense est définie et mise en œuvre dans la pratique suit des règles très différentes, qui ne facilitent pas la coopération [24]
La coordination entre les différents ministères allemands est compliquée et souvent semée d’embûches car le principe de domaine de compétence des ministères (Ressortverantwortlichkeit) interdit qu’un ministère se déclare compétent au détriment d’un autre, ou même que ce soit même la Chancellerie qui décide. Cet aspect est renforcé dans le cas d’un gouvernement de coalition en Allemagne, où il s’agit d’obtenir le consensus des partenaires de la coalition, qui se partagent souvent la responsabilité pour les sujets relevant d’un même domaine. Ainsi, le ministère des Affaires Étrangères est détenu par un ministre social- démocrate du SPD (Sozialdemokratische Partei Deutschlands), alors que le ministère de la Défense est dirigé par la présidente chrétienne-démocrate de la CDU (Christlich Demokratische Union Deutschlands). De plus, l’autorisation pour l’exportation d’armes dépend du ministère fédéral de l’Économie. De cette manière la pratique du consensus en Allemagne, en particulier sur des sujets sensibles comme l’exportation d’armes, comporte toujours une dimension politique [25] même si l’on s’en défend. Il n’est alors pas étonnant que pour certains partenaires français peu familiers des détails de la politique allemande, les Allemands soient difficiles à appréhender. De ce fait, la coopération avec le partenaire français s’avère également difficile, puisque du côté allemand les connaissances de la politique française et de son fonctionnement ne sont pas toujours très étendues.
S’ajoute à cela par exemple que la ministre de la Défense est la commandante en chef de la Bundeswehr, et non la Chancelière (rôle qui ne lui incombe qu’à la suite de la déclaration de guerre). Ceci a pour conséquence que la Chancellerie est certes l’interlocuteur adéquat – en théorie mais nullement en pratique – pour le commandant en chef français, à savoir le président de la République, qui est le seul et unique responsable en matière de politique de sécurité et de défense
Inversement, il ne suffit pas pour les collaborateurs compétents du ministère de la Défense responsable en Allemagne, de se concerter pour des questions importantes avec leurs collègues à Balard, puisqu’en cas de doute ceux-ci finiront toujours par s’adresser à l’Élysée. D’après les règles de l’administration, les contacts formels doivent se faire « à niveau équivalent », à la différence près que les niveaux ne sont en l’occurrence pas adéquats. En outre, si le Président français est la dernière instance en matière de politique d’armement en France, en Allemagne c’est au Bundestag (la chambre basse du Parlement allemand) qu’incombe un rôle décisif. Au sein du Bundestag le comité du budget doit donner son aval sur les projets d’armement dont le montant dépasse 25 millions d’euros.
En bref, la coopération sur le plan de l’armement et de la politique de sécurité est difficile. Ceci est aussi imputable au fait que les entités bureaucratiques sont structurées de façon différente et disposent de compétences distinctes. Ainsi, le « Délégué Général pour l’Armement » (DGA) dirige au ministère français des Armées un Département puissant, compétent pour la politique de l’armement dans sa globalité. Au ministère allemand de la Défense les compétences en matière de politique d’armement sont réparties entre plusieurs départements ou services : le département des équipements, qui est compétent pour l’équipement et la coopération en matière de matériel de défense, le département des technologies de l’information responsable pour les aspects spécifiques qui figurent dans son intitulé, le département de la planification qui définit les besoins en capacités, ainsi qu’un nouveau Centre « Pilotage stratégiques Armement ».
Il n’est donc pas étonnant que les configurations de compétences relatives aux ressources humaines des deux côtés soient constituées différemment. Tandis que le DGA considère qu’il est de son ressort de gérer la coordination, y compris d’un projet d’armement de grande envergure du type FACS, ni les équivalents allemands au ministère de la défense, ni ceux au ministère de l’économie ne s’estiment compétents. Cela complique la coopération46. De surcroît, cela crée l’impression que les Allemands et les Français ne dialoguent pas d’égal à égal en la matière, ce qui nourrit la méfiance.
Dans son article l’ambassadrice Descôtes s’est exprimée de manière diplomatique à ce sujet, en qualifiant la politique allemande d’exportation d’armes d’« imprévisible » et son système de contrôle des exportations d’« incalculable » d’une part, tout en appelant de ses vœux « des solutions pragmatiques et responsables fondées sur la confiance mutuelle, comme le prévoit le Traité d’Aix-la-Chapelle » [26]
Elle fait donc appel à la confiance mutuelle ! Force est de constater que celle-ci semble avoir été perdue quelque part en chemin.
A SUIVRE
N.B. Les intertitres sont de la rédaction de Boulevard Extérieur