Deux partis politiques ont tenu le week-end dernier en Allemagne leurs congrès qui pourraient changer le sort des élections générales en septembre prochain. Le premier est un petit nouveau, Alternative pour l’Allemagne. Il vient d’être créé par des adversaires déterminés de la monnaie unique européenne. Le second est un vieux parti, plus que centenaire. Le Parti social-démocrate, SPD, se bat contre des sondages défavorables qui le mettent loin derrière Angela Merkel et ses amis chrétiens-démocrates.
Depuis la création de la République fédérale en 1949, le paysage politique est resté très stable. Quelques nouvelles formations ont tenté de s’imposer de temps en temps face aux deux grands blocs constitués par la démocratie-chrétienne au centre droit et la social-démocratie au centre gauche. Mais peu sont parvenues à s’implanter durablement, à deux exceptions près : les Verts à partir des années 1980 et, après la réunification de 1990, la gauche radicale, Die Linke, qui est, en partie au moins, un avatar du parti communiste d’Allemagne de l’Est.
Dernièrement, le parti des Pirates a connu quelques succès dans des scrutins régionaux mais sa réussite même l’a plongé dans une crise intérieure qui lui laisse peu de chances pour les élections générales. Alternative pour l’Allemagne réussira-t-elle là où d’autres ont échoué ? A son congrès de constitution, le parti a revendiqué déjà 7000 adhérents, qui appartiennent, semble-t-il, essentiellement, aux couches supérieures de la population. Ses électeurs eux-mêmes pourraient venir des franges eurosceptiques de la démocratie-chrétienne (CDU-CSU) et du Parti libéral (FDP).
Son président-fondateur est un professeur d’économie, Bernd Lucke, qui a repris à son compte tous les arguments allemands contre l’euro. Alternative pour l’Allemagne ne se veut pas un parti anti-européen. Il développe les thèmes de ces Allemands qui pensent que l’euro leur coûte cher et que l’intégration européenne est condamnée à la faillite si elle place sur le même plan les pays vertueux et prospères du nord et les pays laxistes du sud. Le rapport de la Banque centrale européenne qui est censé montrer que les Allemands sont plus pauvres que les Grecs ou les Slovaques a apporté de l’eau au moulin de ceux qui ne veulent pas payer pour les autres.
Il est peu probable que Alternative pour l’Allemagne réussisse du premier coup à entrer au Bundestag en dépassant la barre des 5% de voix aux élections de septembre. Mais ce pari n’en représente pas moins un danger pour la coalition noire-jaune (CDU-CSU/FDP) s’il la prive des quelques points qui feront la différence. Et il risque d’encourager les eurosceptiques de la coalition gouvernementale à hausser le ton.
Personnellement, Angela Merkel n’a pas trop de soucis à se faire. Elle est largement plus populaire (environ 75 % d’opinions favorables) que son concurrent social-démocrate Peer Steinbrück, qui plafonne à 25%. La chancelière a de fortes chances de se succéder à elle-même. La question est de savoir avec quelle majorité. Dans les sondages la démocratie chrétienne fait la course en tête (41%) et son avance à tendance à augmenter. Le FDP qui a traversé une grave crise accuse un léger mieux qui pourrait lui éviter d’être éliminé du Bundestag (5%). Il n’est pas certain que ce soit suffisant en nombre de députés.
A gauche, la situation est difficile. Si les Allemands votaient dimanche prochain, le SPD obtiendrait 26% des suffrages et les Verts 14%. Pas assez pour avoir une majorité. Avec 7% des voix, la gauche radicale serait en position de faire l’appoint mais les Verts comme les sociaux-démocrates excluent de faire alliance avec elle.
Angela Merkel ne peut que s’en réjouir. Dans la meilleure des hypothèses pour elle, elle aura le choix de ses partenaires. Comme le constatait récemment l’hebdomadaire Der Spiegel, avec un mélange d’admiration et de regret, la situation est telle que la chancelière ne pourra être remplacée que le jour où elle aura elle-même décidé de passer la main.