C’est un peu comme un ballon de baudruche », explique Jonathan Pollack, chercheur à la Brookings Institution, un think tank onathande Washington. Quand on appuie sur une extrémité, le reste se déforme.Cette comparaison colorée venait en réponse aux interrogations d’un membre de l’assistance, osées après une heure de discussions sur le thème « Crise en Crimée et réponse des Etats-Unis en Asie de l’Est. » « Ca fait un moment que je suis assis sur cette chaise, et je viens de réaliser soudainement que je ne suis pas sûr de savoir de quoi on parle », commence l’intervenant. « Parle-t-on de la Crimée ? Parle-t-on de la Chine ? » poursuit-il en relevant la présence de plusieurs spécialistes de l’Asie de l’Est dans le panel d’experts. « Parle-t-on de la relation entre les deux ? Quelle est donc l’idée qui se trouve derrière l’organisation de cette conférence ? »
Le ballon de baudruche, c’est la politique étrangère des Etats-Unis ; son extrémité, c’est la Crimée ; la main qui la presse est celle de Vladimir Poutine, le président de la Russie.
La « question fondamentale » qui se pose à ce panel d’experts, développe M. Pollack, est ainsi de savoir comment la politique étrangère des Etats-Unis dans le monde, et en particulier en Asie de l’Est, est affectée par les évènements en Ukraine.
Cette problématique est d’une importance immédiate. La conférence organisée par la Brookings Institution a lieu à la veille de la tournée qui conduira Barack Obama, le président des Etats-Unis, au Japon, en Corée du Sud, en Malaisie, et aux Philippines ; et ce tout juste un mois après l’annexion de la Crimée.
Pour identifier les ramifications de la crise ukrainienne sur l’Asie de l’Est, Jeremy Shapiro, ancien responsable au département d’Etat, a réunit autour de lui des chercheurs aux profils divers. Kenneth Lieberthal, ancien conseiller spécial du président William Clinton, et Jonathan Pollack sont tous deux spécialistes de la Chine. Steven Pifer, ambassadeur des Etats-Unis en Ukraine de 1998 à 2000, est spécialiste de la Russie et des affaires européennes. Michael O’Hanlon est un expert des questions de défense américaine et de sécurité internationale.
Les experts du panel reconnaissent unanimement que les évènements en Ukraine ont créé une nouvelle réalité internationale. Ce « déplacement tectonique, » selon les mots de M. O’Hanlon, aura des répercussions, directes et indirectes, dans le monde entier. En Asie de l’Est, cette nouvelle donne pourrait affaiblir la stratégie américaine de « pivotement » (ou « rééquilibrage »), en entraînant un « siphonage » des ressources vers d’autres zones prioritaires. Plus généralement, les leçons tirées de la crise ukrainienne et de la réponse des Etats-Unis à l’annexion de la Crimée pourraient modifier les perceptions et les actions des protagonistes sur le théâtre asiatique.
La nouvelle politique européenne des Etats-Unis
Les évènements en Ukraine ont durablement remis en cause la stratégie des Etats-Unis en Europe. Les Etats-Unis ont réduit le nombre d’unités stationnées sur le Vieux continent au cours des vingt-cinq dernières années, rappelle Steven Pifer. « D’une présence militaire qui incluait quatre divisions lourdes en Allemagne à l’apogée de la guerre froide, [il ne subsiste] aujourd’hui [que] deux brigades dans toute l’Europe ».
Cette politique de désengagement militaire progressif reposait sur le postulat que la Russie « était une puissance plus bénigne » et que l’intégration des pays périphériques dans des structures européennes et transatlantiques garantirait la stabilité des frontières.
Ces axiomes ont été ébranlés par l’intervention des forces armées russes en Ukraine, qui a provoqué « la plus grande crise entre l’Est et l’Ouest depuis la fin de la guerre froide ». « On s’attendait à ce que la Russie entreprenne quelque chose pour déstabiliser le gouvernement [ukrainien] », explique M. Pifer. « Mais on s’attendait beaucoup plus à ce qu’ [elle] utilise les leviers économiques. Et en fait, elle at sauté ce chapitre pour aller directement à l’occupation militaire de la Crimée. »
La « gueule de bois post-impériale » de la Russie, comme l’a qualifiée Fiona Hill, une collègue de M. Pifer et auteur d’un récent ouvrage sur Vladimir Poutine, a lancé une réorientation de la politique européenne des Etats-Unis.
Selon M. Pifer, celle-ci repose sur le triptyque « soutenir l’Ukraine » (par un apport financier), « punir la Russie » (par des sanctions), et « rassurer/ renforcer les alliés de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) ». L’un des éléments clefs de cette stratégie, actuellement en discussion, est le stationnement de troupes permanentes sur le territoire des « nouveaux » Etats membres de l’OTAN, en rupture avec le consensus qui avait prévalu au sein de l’alliance en 1997.
Mais, comme le note M. Pifer, la crise ukrainienne mobilise désormais une part importante des ressources – en termes de temps, de capital politique et de moyens financiers – de l’administration Obama. Ainsi, s’interroge-t-il, « dans quelle mesure cette crise pourrait-elle compliquer [la stratégie de] rééquilibrage (rebalance) vers l’Asie ? »
Trois ans après : l’état du « pivotement »
Les conséquences des évènements ukrainiens sur le « rééquilibrage » sont, pour les experts du panel, contrastées. D’abord parce que cette stratégie a une envergure réduite ; ensuite parce que les contours mêmes de cette politique restent aujourd’hui incertains.
Bien qu’axe majeur du cadre stratégique défini au cours du premier mandat de Barack Obama (au même titre que le « reset » avec la Russie), le « rééquilibrage » n’a été suivi que d’effets modestes.
« En premier lieu, » constate Michael O’Hanlon, le « rééquilibrage » (qu’il préfère au terme de « pivotement ») « n’a jamais consisté en une redistribution importante de ressources ». Selon ses propres estimations, seulement 10 milliards de dollars (sur un budget de défense de 600 milliards de dollars) ont été réalloués à la région Asie-Pacifique dans le cadre de cette stratégie. Dans cette perspective, les effets de la crise ukrainienne sur le « rééquilibrage, » bonnes ou mauvaises, ne peuvent être que limités.
Dans les « mauvaises nouvelles », M. O’Hanlon note que le peu d’élan qui portait cette stratégie a été stoppé. Cet arrêt, de son aveu, est dû à des facteurs multiples, parmi lesquels le renouvellement du personnel à la tête du département d’Etat et la réduction du budget militaire global des Etats-Unis. Dans les « bonnes nouvelles », M. O’Hanlon insiste au contraire sur le fait que « le rééquilibrage n’ayant jamais été quelque chose d’énorme […] réinsuffler de l’énergie ne devrait pas être terriblement difficile ».
Et pour lui, c’est bien le caractère « modeste » de ce rééquilibrage qui en fait son relatif succès. « Je ne pense pas, » explique-t-il, « que nous souhaitions [développer une politique] trop ostensible à l’égard de la Chine, ou que nous prétendions quitter le Moyen-Orient pour de bon. »
C’est justement toute l’ambigüité de la stratégie de « rééquilibrage », dont le contenu reste largement indéfini depuis sa création, en novembre 2011. Comme l’explique Jonathan Pollack, « si […] le rééquilibrage était une déclaration politique ambitieuse, c’était une vision très incomplète et ça reste, dans ses principaux aspects, une vision abstraite ».
« L’idée [à la base de cette stratégie], résume Kenneth Lieberthal, était de redynamiser l’attention accordée à la région Asie-Pacifique après une énorme concentration sur l’Irak, l’Afghanistan et la ‘guerre contre la terreur, à la suite du 11 septembre 2001. » Et comme il le rappelle, s’accorder sur une stratégie unique pour l’Asie n’était pas chose aisée. « Toute personne qui a travaillé au Conseil de sécurité national ou à la direction du département d’Etat ou du département de la Défense et qui a essayé de concevoir une politique intégrée pour l’ensemble de l’Asie sait que nous n’avons jamais était capable de faire ça de manière efficace. »
Ainsi, pour M. Lieberthal, la stratégie de « redynamisation » (qu’il préfère, lui, au terme « rééquilibrage ») est loin de se résumer aux 10 milliards de dollars évoqués par son collègue, Michael O’Hanlon. « Les mots et l’attention comptent, » insiste-t-il.
Mais même la dimension conceptuelle du « rééquilibrage » demeure indéterminée. Le flou qui entoure la stratégie américaine en Asie est mis en exergue par la pluralité lexicale utilisée pour la décrire. Comme le rappelle Kenneth Lieberthal, trois termes sont utilisés concurremment : « pivotement », « rééquilibrage » et « redynamisation ». « Rééquilibrage » était le nom originel de cette stratégie. Mais, comme M. Lieberthal le révèle, « [ce nom] était franchement source de litiges au sein de l’administration. » Au contraire, « il y en avait certains au sein de l’administration, mais pas à la Maison Blanche, qui voulait appeler ça un ‘pivotement’ ». M. Lieberthal reconnaît l’attraction que peut exercer « pivot », un terme « plus tapageur, plus malin. Qui ne se fiche pas d’un rééquilibrage quand on peut pivoter ? » s’exclame-t-il. « Un troisième terme qui a été utilisé, et qui je pense aurait dû être utilisé depuis le début car il décrit vraiment ce que nous voulions faire, est ‘dynamiser’. Vous savez, nous ne sommes jamais partis d’Asie ! Malheureusement, […] ‘le pivot’ s’est très vite imposé. »
La différence substantielle entre ces termes, utilisés le plus souvent de manière interchangeable (à tort, selon Kenneth Lieberthal), laisse ainsi deviner une politique à géométrie variable. Chacun de ces mots crée des attentes et des interrogations, aux Etats-Unis comme en Asie de l’Est, à l’aune desquels la stratégie sera évaluée. Par exemple, une politique du « pivotement » vers l’Asie, au sens littéral, contient le postulat que les Etats-Unis « pivotent », c’est-à-dire se désengagent des autres théâtres d’opérations. Ainsi, demande M. Lieberthal, dans quelle mesure le succès du « pivotement » dépendra-t-il de l’absence de crise majeure en Europe et au Moyen-Orient ? A l’opposé du spectre stratégique, une politique de « redynamisation », plus flexible et moins contraignante, peut au contraire admettre des distractions de cet ordre.
Dans cet esprit, mesurer l’impact de la crise ukrainienne sur la stratégie américaine en Asie est un exercice largement subjectif. Il dépend, pour l’essentiel, de ce que l’on considère, la version maximaliste (« pivotement ») ou la version minimaliste (« redynamisation ») de cette stratégie.
Les leçons de la crise ukrainienne pour le théâtre asiatique
Néanmoins, comme le relève Jonathan Pollack, candide, « le monde d’aujourd’hui », et à la veille de la tournée de Barack Obama, « n’a pas la même allure. L’Asie est différente et les Etats-Unis le sont aussi, en comparaison […] de ce qu’ils étaient au moment du lancement de la politique [de rééquilibrage] ». A son échelle, la crise ukrainienne participe de cette reconfiguration de l’Asie de l’Est, en influençant la perception et potentiellement le comportement des acteurs régionaux. En effet, si les situations en Crimée et dans les territoires asiatiques disputés ne sont pas analogues, les pays de la région tirent les leçons des évènements en Ukraine et de la réaction des Etats-Unis. « Il y a beaucoup de discussions, en particulier à [Washington], explique Jeremy Shapiro, [sur] la réaction de l’administration Obama à la crise en Ukraine. […] [Les gens] la voient comme décevante, comme une voix forte agitant un petit bâton. » Cette passivité relative, demande M. Shapiro, ne renforce-t-elle pas la hardiesse de la Chine dans ses velléités territoriales ? Dans le même temps, n’inquiète-t-elle pas les alliés des Etats-Unis dans la région ?
Michael O’Hanlon voit la réaction des Etats-Unis à la crise en Crimée comme un signal plutôt positif pour l’Asie de l’Est, même si elle suscite des inquiétudes à la fois en Chine et dans les pays alliés. « Je pense que la manière avec laquelle M. Obama a géré [la crise en] Ukraine et les leçons que les gens essayeront d’en tirer pour les territoires disputés [dans les mers de Chine orientale et méridionale] sont finalement bonnes. […] Je crois que c’est un message équilibré que la Chine et nos alliés ont besoin d’entendre. […] Je ne suis pas sûr qu’on doive aller en guerre contre la Chine à la première altercation. » Au contraire, poursuit M.O’Hanlon, « nous devons montrer de la retenue et être judicieux concernant l’usage de la force militaire pour répondre à des crises qui, bien que sévères, pourraient ne pas être la fin du monde. Et en plus, » ajoute-t-il, « l’Ukraine n’est pas formellement un allié ».
Là se trouvent les limites de l’analogie.
En Asie de l’Est, les Etats-Unis entretiennent un système d’alliances militaires bilatérales avec les principaux partenaires de la Chine. Comme le rappellent MM. O’Hanlon et Lieberthal, ces traités contraindraient la puissance américaine à l’action en cas de conflit dans la région. Et pour M. Lieberthal, « ces différences sont très claires pour les Chinois ». De plus, le nouveau « modèle d’agression » russe qui consiste à créer, selon Jeremy Shapiro, « une ambigüité considérable autour de la question de savoir si une agression a effectivement eu lieu ou non », n’est pas très instructif pour la Chine. D’après M. Lieberthal, le gouvernement chinois « ne pourrait par exemple pas absorber Taiwan sans provoquer de résistance majeure. »
Plus largement, « ce qui est arrivé en Ukraine est, dans toute ses dimensions, une source de problème pour la Chine, » continue-t-il. Les évènements mêmes, et la réaction des Etats-Unis et de la Russie sont en effet en contradiction avec l’ensemble des principes de la République populaire. « D’abord, les Chinois détestent la notion de révolution populaire (from below) soutenue et reconnue comme légitime par l’Occident. […] Deuxièmement, […] les Chinois ont toujours dit que l’intégrité territoriale est extrêmement importante, donc ils n’aiment pas l’idée d’un référendum rapide en Crimée, jugé illégal par le gouvernement central, […] et ostensiblement soutenue par les forces soviétiques (sic). […] Et troisièmement, ils ont une politique stricte de non-intervention dans les affaires intérieures des autres pays. […] En fait, poursuit M. Lieberthal, il n’y a rien que [la Chine] puisse voir d’un œil positif. » Et ce constat l’empêche de soutenir un camp ou l’autre. « Si on regarde leurs déclarations jusqu’à aujourd’hui, on s’aperçoit que la position de la Chine est claire : elle n’a pas de position ». Puis il confie : « en privé, j’ai entendu des responsables chinois dire, en substance, que si on ne pouvait pas cerner leur position [sur la crise en Ukraine], alors ils avaient articulé cette position avec succès ». Toutefois, prévient M. Lieberthal, « si la situation se détériore, si les sanctions sont étendues des proches de Poutine et de la banque russe à des sanctions structurelles […], alors les Chinois se trouveront dans une situation différente. Car les Chinois, et l’administration de Xi en particulier, perçoivent les relations avec la Russie comme […] un contrepoids à leur dépendance envers les Etats-Unis. »
Ainsi, une attitude plus ferme des Etats-Unis vis-à-vis de la Russie pourrait bien renforcer les relations entre la Russie et la Chine ; ce qui, de fait, diminuerait l’impact des sanctions dans le cas où elles viendraient à être étendues. Du point de vue de la Chine « le gaz russe sera potentiellement plus disponible et moins cher si la Russie n’a plus de débouchés vers l’Europe, » explique Kenneth Lieberthal. La Chine « pourrait ainsi être prête à prendre la relève » de l’Union européenne. Et comme le rappelle Jonathan Pollack : « Poutine se rendra en Chine le mois prochain. Il a laissé entendre un peu partout que la collaboration avec la Chine sera étendue ».
Une escalade des tensions entre les Etats-Unis et la Russie pourrait alors modifier les rapports de force en Asie de l’Est. Mais, tempère M. Pollack, nous n’en sommes pas encore là. « L’Ukraine deviendra seulement l’enjeu le plus important pour la région entière si les récents évènements préfigurent une ‘aliénation stratégique’ durable entre les Etats-Unis et la Russie, ou bien sûr, entre la Russie et l’Europe. » Toutefois, précise-t-il, « nous voulons nous assurer que les options de M. Poutine restent aussi limitées que possibles dans la région Asie-Pacifique. »
Coincé dans un duel avec la Russie, les Etats-Unis sont conscients de la nécessité de ménager la Chine. Bien qu’ils attendent des garanties fortes en termes de sécurité, beaucoup de partenaires des Etats-Unis dans la région vont aussi dans ce sens. L’objectif de l’administration Obama en Asie de l’Est, résume Kenneth Lieberthal, est alors d’apporter des assurances « d’une manière crédible pour les alliés et partenaires de la région, en évitant toutefois de tomber dans le piège qui consisterait à faire de la Chine la cible de cette politique au lieu d’en faire une composante centrale. » Et « ce qui ressemble à une distinction rhétorique est en fait fondamentale, » explique-t-il, puisque les pays de la zone ne veulent pas « avoir à choisir entre les Etats-Unis ou la Chine. » En conséquence, conclue-t-il, « le vrai test pour l’administration [américaine] dans les mois et les années à venir, sera de savoir s’il elle sera capable de rester du côté constructif de ce qui est une ligne très floue. »
La tournée asiatique d’Obama, qui s’inscrit dans le cadre de la stratégie de « rééquilibrage », devrait fournir les premiers indices.
Le message d’Obama à l’Asie de l’Est
Dans ce contexte international difficile, quel message Barack Obama devrait-il donc porter en Asie de l’Est ? Pour Jonathan Pollack, si « l’Ukraine sera dans toutes les têtes, [elle] ne devrait pas dicter l’agenda du président durant ce voyage ». Au contraire, « l’objectif central du président Obama pour cette tournée est de démontrer, premièrement, que le rééquilibrage conserve une force conséquente et une vraie importance stratégique et, deuxièmement, que [le rééquilibrage] n’est pas un mot de code pour l’endiguement de la Chine ».
Ensuite, les Etats-Unis devront favoriser « une conversation stratégique plus complète dans l’ensemble de la région Asie-Pacifique », dans laquelle les Etats-Unis sont « trop contraints par les relations bilatérales. » Dans le même temps, la puissance américaine devrait discuter avec ses alliés du « partage du fardeau et des responsabilités, à un moment où [sa] capacité à maintenir une stratégie mondiale est de plus en plus remise en question ». Cette redistribution des efforts entre alliés permettra, selon M. Pollack, de « revenir sur l’exubérance de la mise en œuvre de la stratégie de rééquilibrage, qui a largement été ‘survendue’ et qui ne reflétait pas, vue rétrospectivment, des options réalistes ». Enfin, les Etats-Unis doivent renforcer leur rôle d’arbitre, en particulier dans le but de rapprocher ses alliés. « Le meilleur exemple est l’anomalie choquante que constitue l’incroyable froideur des relations entre la Corée [du Sud] et le Japon., » affirme M. Pollack.
Les Européens suivront également ce déplacement de près. Pour Steven Pifer, ils seront attentifs aux possibles annonces de déploiement de ressources en Asie de l’Est. Car, précise-t-il, « les ressources […] ne sont pas infinies : » celles allouées à cette région devront venir d’autres théâtres d’opérations, et en particulier d’Europe. Toutefois, M. Pifer note que le type de ressources militaires déployées par les Etats-Unis est différent en Asie et en Europe. Ainsi, le renforcement de l’Asie de l’Est, où l’accent est mis sur les unités aériennes et navales, pourrait n’avoir que peu d’effets sur l’Europe, où les forces au sol sont plus importantes.
Mais ce que les Européens attendront le plus, ce sont des déclarations sur la mise en œuvre des accords issus de la réunion de Genève du 17 avril. Inévitablement, explique M. Pifer, « la question va être posée au président : êtes-vous maintenant prêt pour des sanctions plus sévères, en coordination avec l’Union européenne ? »
*** La Brookings Institution est l’un des plus vieux et des plus influents centres de recherche de Washington. Il fut créé en 1916 par Robert Brookings, un philanthrope, afin d’évaluer et améliorer la politique économique du gouvernement fédéral. Sans ligne partisane, la Brookings est toutefois considérée comme un think tank de centre gauche. Ses études et recommandations portent sur l’économie, les affaires étrangères, la gouvernance et le développement. La Brookings était à la première place du classement mondial des think tanks en 2012.