Le mystérieux train vert venu de Pyongyang qui est entré le 26 septembre en gare de Pékin dans le plus grand secret transportait bien à son bord le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un. C’était le premier déplacement à l’étranger du dictateur depuis son accession au pouvoir en 2011. Il a fallu attendre son retour dans son pays pour que soit mise en scène, images à l’appui, sa rencontre solennelle avec le président chinois Xi Jinping, trois semaines après l’annonce – non encore confirmée - d’un sommet historique, fin mai, entre Kim Jong-un et le président américain Donald Trump. L’offensive diplomatique du dirigeant nord-coréen prend donc de l’ampleur. Elle est renforcée par la visite de Kim Jong-un à Pékin, qui vise à associer la Chine au processus en cours.
Il était hors de question pour Pékin de rester en dehors du jeu, au moment où se prépare peut-être un bouleversement stratégique dans sa zone d’influence. Si la relation entre la Chine et la Corée du nord s’est détériorée depuis plusieurs années en raison des gesticulations belliqueuses de Kim Jong-un, que Pékin n’a pas hésité à condamner en votant en faveur des sanctions décidées par les Nations unies, le dirigeant nord-coréen sait que sa marge de manœuvre n’est pas extensible et qu’une brouille durable avec la Chine, dont dépend largement son économie, serait contraire à ses intérêts. Il sait aussi qu’il ne saurait modifier ses relations avec les Etats-Unis sans l’accord de Pékin. Il lui était donc indispensable d’obtenir le feu vert de son puissant voisin avant de s’engager plus avant.
La voie sera longue et semée d’embûches vers une éventuelle dénucléarisation de la péninsule, objectif affiché par Kim Jong-un. Mais le chemin parcouru ces derniers temps est spectaculaire. Il y a quelques mois ce n’était que bruit de bottes, tirs de missiles et essais nucléaires du côté de Pyongyang. Le dirigeant nord-coréen multipliait les menaces à l’égard des Etats-Unis. Donald Trump répondait sur le même ton. Depuis le début de l’année le discours a changé. Il y eut d’abord les Jeux olympiques d’hiver à Pyeongchang en Corée du Sud, marqués par des gestes de bonne volonté. Il y eut ensuite l’accord sur un sommet intercoréen entre Kim Jong-un et son homologue sud-coréen Moon Jae-in, dont la date vient d’être fixée au 27 avril. Il y eut enfin l’invitation faite à Donald Trump, transmise par les Sud-Coréens, de rencontrer personnellement le dirigeant nord-coréen. Un climat de détente s’est ainsi installé entre Washington et Pyongyang.
Le déplacement de Kim Jong-un à Pékin s’inscrit dans cette dynamique. Celle-ci peut-elle conduire, à terme, à une neutralisation des armements nucléaires et à l’instauration d’une véritable paix dans la région ? Nombreux sont ceux qui en doutent. Ils ne croient pas à la sincérité du dirigeant nord-coréen qui, selon eux, ne songe qu’à gagner du temps et n’est certainement pas prêt à renoncer, même en échange de garanties de sécurité pour son pays, à son arsenal militaire. On peut comprendre un tel scepticisme. La détente qui s’amorce paraît d’autant plus illusoire que, du côté américain, les « faucons » se sont emparés des leviers de commande. Mais rien n’est joué. Il est encore temps de prendre Kim Jong-un au mot et, sans baisser la garde, de donner la priorité à la négociation sur l’épreuve de force.