La victoire de Emmanuel Macron à l’élection présidentielle française n’est pas seulement un soulagement pour tous les européens en raison de la catastrophe évitée (Le Pen Présidente), mais un signal rationnel d’espoir que la France retrouve son rôle de facteur dynamique de l’intégration, comme à l’époque de Jacques Delors et de François Mitterrand. Trois éléments doivent être soulignés.
1. Avoir gagné plus de 60% de l’électorat avec un programme mettant l’accent, contre les tentations défensives et protectionnistes, sur la relance européenne est un résultat inespéré.
On n’attire pas assez l’attention sur le fait que de nombreux leaders démocratiques ont l’illusion de combattre les extrémistes et populistes en ayant recours à un populisme modéré ; Macron n’a, quant à lui, rien concédé : on ne peut pas changer les règles de la gouvernance économique européenne si on ne met pas d’abord de l’ordre dans l’économie nationale en réformant celle-ci. On ne sera jamais assez crédible dans les négociations avec les pays créditeurs et l’Allemagne si les pays endettés ne reconnaissent pas cette priorité. Les commentaires allemands et la logique ne permettent pas d’illusion sur ce point-ci.
2. Parvenir à gagner des élections (tendues comme rarement dans une démocratie) en défendant l’idée d’une France et d’une Europe ouvertes à la mondialisation en tant qu’opportunité — certes à réglementer — a été extrêmement courageux. Ce choix a été d’autant plus courageux vu le contexte de grande transformation économique mondiale, où la Chine, l’Inde et les économies émergentes ont montré leur plus grande capacité que les occidentales à bénéficier de l’ouverture et du libre-échange. Choix d’autant plus à contre-courant après que la victoire de Trump aux Etats-Unis, le Brexit et la vague populiste et extrémiste dans plusieurs pays européens ont montré l’impact politique irrationnel et dangereux du malaise diffusé et justifié entre autres par l’augmentation des inégalités et la fragilisation des classes moyennes. C’est une attitude de l’esprit qu’Emmanuel Macron a su communiquer. Il a su parler aux demandes de sécurité sans glisser vers la sécurisation ; il a promis une protection contre les excès, sans rien concéder au protectionnisme suicidaire qui se diffuse trop sur un continent où une partie des élites masque, par le protectionnisme et les boucs émissaires, son incapacité à réformer les politiques publiques en faveur des groupes sociaux déstabilisés.
Certes, le populisme n’est pas battu, et le défi d’une solide majorité parlementaire n’est pas gagné ; mais, en cela, Macron s’est montré comme le plus « social-démocrate scandinave » des leaders de l’Europe latine.
3. Macron a avancé des propositions concrètes pour la relance européenne, trois en particulier. Il avait déjà montré son engagement pour la défense du caractère politique de l’Euro, en se battant comme ministre, en 2015, contre les propositions de « Grexit » avancées par le ministre des finances allemand Wolfgang Schäuble.
Il propose en 2017 une relance du couple franco-allemand sur une base plus réaliste que François Hollande en 2012, lequel a inévitablement échoué. Il a aussi donné une base plus ouverte à cette relance car il sait que, les rapports de force avec l’Allemagne ayant tellement changé, seule une dynamique collégiale et collective enracinée dans plusieurs pays européens (grands et petits) permettra que le gagnant des élections fédérales allemandes de septembre, quel qu’il soit, converge vers un programme européen visant à accroître l’engagement pour la solidarité européenne, notamment concernant le chômage des jeunes.
Emmanuel Macron a évoqué des objectifs essentiels pour l’UE : la coopération dans le domaine de l’anti-terrorisme, le contrôle des frontières, la politique d’immigration, mais aussi le digital, l’Erasmus élargi aux apprentis, la politique industrielle. Il a aussi fait mention de la méthode de l’intégration différenciée - pas seulement dans le domaine de la défense - en tant qu’expression d’une volonté politique de leadership à la hauteur des responsabilités nouvelles de l’Europe dans un monde instable. Sa capacité à nouer des alliances au Conseil européen sera vite testée.
Avec l’élection de Macron, l’Europe ne sort pas encore de sa crise d’efficacité et de légitimité. Mais elle dispose des trois messages politiques concrets précités, qui sont porteurs d’espoir pour les citoyens européens et nos partenaires partout dans le monde.