Le score de Marine Le Pen au premier tour de l’élection présidentielle française, le dimanche 22 avril, attire tous les regards des commentateurs politiques à l’étranger. Ceux-ci se demandent si la France a rejoint le peloton des Etats européens où la droite populiste a une influence politique déterminante, voire participe au pouvoir. Ou si le Front national est une exception française.
Il y a un fond commun à tous ces partis : une méfiance vis-à-vis de l’Europe telle qu’elle a évolué au cours des dernières années, un dénigrement des élites accusées d’ignorer les vrais préoccupations de la population, une hostilité à l’immigration qui prend souvent des allures xénophobes ou islamophobes. Ces trois composantes se retrouvent quelle que soit la situation particulière des pays.
La crise financière et économique a aggravé ces tendances. Elle a provoqué une paupérisation des couches sociales les plus exposées à la mondialisation et fragilisé des groupes qui, depuis les trente glorieuses, croyaient leur avenir et ceux de leurs enfants assuré. Les formations populistes, particulièrement à l’extrême de la droite, offrent des explications faciles et de remèdes simplistes. Dans certains Etats, elles sont englobées dans les paris traditionnels qui contrôlent en leur sein des tendances extrêmes. C’est le cas en Allemagne, par exemple, où la démocratie chrétienne s’est toujours efforcée d’empêcher l’émergence d’une force politique à sa droite. Malgré quelques ratés, elle y est parvenue, faisant en sorte que l’extrémisme de droite n’ait pas d’élus nationaux. C’est le cas aussi en Espagne, où le Parti populaire propose un échantillon complet de toute la droite.
Le passé dictatorial de ces deux pays est une explication.
Elle ne vaut pas pour l’Autriche dont la passé national-socialiste n’empêche pas le Parti libéral (FPÖ) d’être, selon les sondages, le premier parti d’u pays, devant les sociaux-démocrates du SPÖ et les conservateurs du ÖVP, qui gouvernent ensemble. En 2000, le chancelier conservateur, Wolfgang Schüssel, avait provoqué l’indignation des ses collègues européens en formant une coalition avec le FPÖ dirigé alors par Jörg Haider. L’Autriche avait alors été mise à l’index de l’Union européenne pendant plusieurs mois.
En une décennie, les thèmes de la droite extrême européenne se sont banalisés. Non seulement ils ne provoquent pas la même condamnation mais ils sont acceptés par une fraction de la population beaucoup allant bien au-delà de ses électeurs.
La droite classique, qu’en France on appelle « droite républicaine », a largement contribué à cette banalisation. Elle ne répugne plus à accepter les partis populistes de droite comme force d’appoint et elle reprend sans vergogne leurs slogans voire leur vocabulaire. L’objectif affiché est de « siphonner » les voix de la droite extrême au profit de la droite classique. La manœuvre n’est pas toujours couronnée de succès. Elle a fonctionné pour Nicolas Sarkozy en 2007. Elle a échoué au premier tour de l’élection présidentielle cette année.
Elle n’est pas sans risque. Loin de réduire l’influence du populisme de droite elle légitime ses excès et parfois renforce son influence électorale. Elle crée un climat glauque qui ne favorise pas la solution des vrais problèmes mais crée de nouvelles illusions génératrices de nouvelles frustrations qui alimentent le vote protestataire. Les campagnes électorales ne créent pas les meilleures conditions pour brise ce cercle vicieux.