Angela Merkel hésite. Elle avait laissé entendre qu’elle se prononcerait à l’automne sur une nouvelle candidature à la chancellerie aux élections de septembre 2017. Elle a remis au début de l’année prochaine l’annonce de sa décision, sinon sa décision elle-même qui est peut-être déjà prise. Les sondages ne sont pas bons pour la chancelière. Seule une minorité d’Allemands interrogés dans la dernière étude d’opinions est favorable à un quatrième mandat pour Angela Merkel qui termine sa onzième année à la tête du gouvernement allemand. Elle a gouverné avec les sociaux-démocrates (SPD), puis avec les libéraux et de nouveaux avec le SPD.
L’élection du président de la République, un tournant ?
2017 pourrait être l’occasion d’un changement d’alliance. En février sera élu un nouveau président de la République, après la décision de Joachim Gauck de ne pas se représenter pour des raisons d’âge et de santé. Le poste est surtout protocolaire mais dans l’histoire politique de la RFA l’élection du chef de l’Etat par « l’Assemblée fédérale » — une institution réunie spécialement à cet effet regroupant les députés au Bundestag et autant de délégués des Länder —, a souvent été le signal d’une nouvelle donne. En 1969, l’élection du social-démocrate Gustav Heinemann grâce aux voix des libéraux avait ouvert la voie à l’arrivée au pouvoir de la coalition libérale-socialiste de Willy Brandt et Walter Scheel.
C’est pourquoi le choix des candidats à la présidence de la République sera cette fois encore scruté avec attention. Y aura-t-il à l’Assemblée fédérale une majorité pour une nouvelle coalition ? Une coalition « de gauche », rouge-rouge-verte, dite encore « R2 verte », regroupant le SPD, la gauche radicale Die Linke et les écologistes ? Ou un accord entre la démocratie-chrétienne et les Verts qui laisserait présager un gouvernement, inédit au niveau fédéral, entre Angela Merkel et les écologistes ?
L’idée en avait déjà couru après les dernières élections législatives de 2013. Daniel Cohn-Bendit, alors coprésident du groupe écologiste au Parlement européen, et le politologue Claus Leggewie avaient pris position pour un gouvernement « noir-vert », seul capable à leurs yeux de mener les réformes profondes dont l’Allemagne a besoin. L’idée avait paru prématurée.
Une idée qui fait son chemin
Quatre ans plus tard, elle semble avoir mûri. Au niveau régional, des expériences de coopération entre la démocratie-chrétienne et les Verts ont été mises en place. En Hesse, sous la direction de la CDU, et depuis le début de l’année, dans le Bade-Wurtemberg, avec le seul ministre-président écologiste d’Allemagne, Winfried Kretschmann. Le nom de ce catholique plutôt conservateur mais défenseur de l’environnement, à la tête depuis 2012 d’un des Länder les plus riches d’Allemagne, circule pour la présidence de la République. Angela Merkel l’a invité à dîner en tête à tête à la chancellerie, le dimanche 21 septembre, pour sonder ses intentions.
Après, ce serait une question de rapport de forces. L’implantation du parti populiste AfD (Alternative für Deutschland), anti-euro et anti-islam, risque de rendre plus difficile la formation d’une coalition stable. En 2013, l’AfD avait échoué sur la barre des 5% nécessaires pour avoir des députés au Bundestag. Compte-tenu de ses résultats à toutes les consultations locales depuis, aussi bien à l’ouest qu’à l’est, son entrée prochaine au Parlement ne fait guère de doute. Aux élections régionales du Mecklembourg-Poméranie occidentale – le Land d’Angela Merkel —, le 4 septembre, l’AfD pourrait atteindre 20% des suffrages et même dépasser la CDU.
La grande coalition est une garantie pour une majorité au Bundestag. Mais c’est aussi une recette pour l’inaction. La paralysie entre les deux grandes forces populaires de droite et de gauche ouvre un boulevard pour les partis protestataires de type AfD. D’autre part, le SPD n’a rien à gagner à rester trop longtemps le junior partner de la démocratie-chrétienne, même s’il est parvenu, dans la législature actuelle, à imposer nombre de ses idées. Une cure d’opposition lui ferait du bien alors qu’il plafonne autour de 20% dans les intentions de vote. Son président, Sigmar Gabriel, a déjà ouvert la campagne électorale en critiquant la politique du gouvernement auquel il appartient.
Attentisme bavarois
Sortie du nucléaire, accueil des réfugiés, création de crèches pour permettre aux femmes de concilier le travail et la famille, quotas pour les femmes dans les directions d’entreprise, PACS pour les couples de même sexe, etc., la voie est dégagée pour une alliance entre les Verts et Angela Merkel, au grand dam des plus conservateurs qui trouvent que la chancelière a poussé trop à gauche la démocratie chrétienne.
C’est notamment du côté de la CSU bavaroise que pourrait se dresser le principal obstacle à une coalition noire-verte. On dit que le ministre-président bavarois, Horst Seehofer, s’entend bien avec Winfried Kretschmann, peut-être mieux même qu’avec la chancelière. Mais cela ne suffit pas à aplanir tous les différends.
La CSU réserve d’ailleurs sa position sur une nouvelle candidature d’Angela Merkel. Le parti bavarois laisse entendre qu’il pourrait avoir son propre candidat à la chancellerie. Ses chances seraient nulles sans le soutien de la CDU nationale mais le but est de troubler le jeu et de faire pression sur Angela Merkel. Celle-ci a besoin de démontrer que malgré toutes les critiques contre sa politique envers les réfugiés et sa popularité en baisse, elle reste le meilleur atout, de la démocratie chrétienne pour garder le pouvoir. Voire le seul.