Poutine dans le bourbier syrien

Voilà déjà plusieurs semaines que Vladimir Poutine prétend avoir gagné la guerre en Syrie. Selon le président russe, il ne resterait que quelques poches de résistance de l’Etat islamique, les opposants au régime de Bachar el-Assad ayant été décimés sous les assauts conjoints de l’aviation russe et des pasdarans. L’offensive turque contre les Kurdes dans le nord de la Syrie a certes ouvert un nouveau front mais le Kremlin ne semble pas en tenir rigueur à son nouvel acolyte Recep Tayyip Erdogan.
Depuis la chute d’Alep, la deuxième ville de Syrie, à la fin de 2016, qui a été le point d’orgue de l’intervention russe dans la guerre civile commencée à l’automne 2015, la cause semblait entendue. Loin des états d’âme occidentaux, qui ont retenu Barack Obama de faire respecter les « lignes rouges » tracées par lui-même, Vladimir Poutine n’a pas lésiné sur les moyens pour réduire l’opposition syrienne sous couvert de lutte contre le « terrorisme ». Il n’a pas réussi à écarter totalement les Américains qui sont présents dans le nord-est de la Syrie mais il est parvenu à les cantonner à un rôle marginal dans la recherche d’une issue politique.
Il ne veut exclure totalement ni les Etats-Unis ni les Européens des négociations mais fort de ses succès militaires sur le terrain et de l’appui qu’il apporte à Bachar el-Assad, il souhaiterait dicter ses conditions avant de les faire avaliser par l’ONU. Les difficultés qu’il rencontre pour réunir son « Congrès de la paix » à Sotchi montrent cependant qu’il lui est difficile de se sortir du bourbier syrien.
Cette réunion au bord de la mer Noire, plusieurs fois annoncée et plusieurs fois ajournée, devrait rassembler quelque 1600 protagonistes de la guerre en Syrie issus de tous les camps, depuis les représentants du régime jusqu’à l’opposition laïque. Mais il manque toujours quelqu’un à l’appel, ce qui rend la réunion sans objet. Le Comité des négociations syriennes, qui regroupe la plupart les opposants, et le PYD, qui représente les Kurdes de Syrie, ont décidé de ne pas participer au Congrès de Sotchi.
Washington, Paris et Londres se sont entendus pour s’en tenir éloignés afin de ne pas cautionner les manœuvres de Vladimir Poutine. Selon les trois capitales occidentales, les négociations doivent avoir lieu sous l’égide de l’ONU, mais les réunions de Genève ont toutes été jusqu’à maintenant des rendez-vous manqués. Le sort de Bachar el-Assad, la période de transition et la future Constitution syrienne restent des pierres d’achoppement.
Contrairement aux espoirs nés de son engagement militaire, le président russe doit composer plus qu’il ne voudrait avec les intérêts contradictoires, non seulement des puissances extérieures qui n’ont pas renoncé à jouer un rôle, mais aussi de ses alliés du moment, iraniens et turcs. Ceux-ci veulent sortir de la guerre avec des gains territoriaux ou idéologiques qui ne sont pas nécessairement conformes aux buts de Moscou, soucieux de maintenir une forme d’équilibre régional.