Quelle issue pour Vladimir Poutine ?

L’armée ukrainienne a resserré l’étau autour des villes de Donetsk et de Louhansk tenues par les séparatistes prorusses et elle se prépare à donner l’assaut. Dans le même temps, la Russie a massé plus de 10 000 soldats et du matériel à la frontière de l’Ukraine, faisant craindre aux observateurs de l’OTAN une intervention directe sous couvert d’une mission humanitaire ou d’une opération de maintien de la paix. Pour éviter un affrontement entre les deux armées, les Occidentaux ont intérêt à proposer au président russe une porte de sortie.

Soldats russes au repos
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Il y a presque un an, Vladimir Poutine réussissait un coup diplomatique qui sortait Barack Obama d’une mauvaise passe. Le président américain avait fixé comme « ligne rouge » à Bachar el-Assad l’utilisation d’armes chimiques contre les insurgés. Assad avait franchi la ligne et Barack Obama était coincé dans un dilemme : se dédire et perdre la face ou décider des frappes aériennes contre la Syrie et contrevenir à une de ses convictions profondes, à savoir que les Etats-Unis doivent tout faire pour ne pas s’engager dans de nouvelles aventures extérieures. En proposant la destruction du stock d’armes chimiques de son allié syrien, le président russe a sorti son collègue américain d’un mauvais pas. Il ne l’a pas fait par compassion. Il a évité à Bachar el-Assad des frappes qui auraient pu être dévastatrices pour son régime et il lui a même permis de consolider son pouvoir, tout en maintenant la Russie au centre du jeu syrien.

Le choix entre deux mauvaises solutions
Mutatis mutandis, Vladimir Poutine se trouve aujourd’hui à propos de l’Ukraine devant la même sorte de choix qu’Obama à l’automne 2013, un choix entre deux mauvaises solutions : ou bien il abandonne les séparatistes prorusses qu’il a encouragés et formés, ou bien il vole à leur secours alors qu’ils sont sous la menace d’une offensive décisive de l’armée ukrainienne dans les quelques bastions qui leur restent. Dans le premier cas, il se déconsidère, et pas seulement vis-à-vis des forces les plus nationalistes de Russie, mais d’une large opinion publique qui l’a soutenu dans sa campagne pour défendre les russophones hors de Russie. Dans le second, il prend le risque d’une aggravation de la crise avec les Occidentaux. Malgré les rodomontades officielles russes, les sanctions commencent à toucher durement l’économie du pays. Mais surtout, la situation stratégique en Europe s’en trouverait complètement bouleversée, avec une Russie totalement isolée après avoir détruit tous les espoirs de dialogue encore entretenus par ses derniers soutiens.

Nostalgie impériale et cynisme guébiste
Américains et Européens n’ont intérêt ni à laisser la tension monter aux extrêmes ni à pousser Vladimir Poutine dans ses derniers retranchements, sachant que le président russe, imprégné d’un mélange de nostalgie impériale et de cynisme guébiste, choisira toujours la pire solution s’il pense sauver son pouvoir. Avant qu’il ne soit trop tard et que les soldats ukrainiens se trouvent face à des forces russes surarmées, sous prétexte de « mission humanitaire » ou de « maintien de la paix », les Occidentaux doivent prendre une initiative diplomatique. Avec trois objectifs bien précis : empêcher alors qu’il en est encore temps des affrontements armés directs entre les armées ukrainienne et russe, sortir Poutine du dilemme dans lequel il s’est enfermé et éviter de se retrouver eux-mêmes dans la pénible situation de devoir assister, impuissants, à l’invasion d’une partie de l’Ukraine par la Russie, mises à part quelques protestations verbales ou des sanctions économiques renforcées (On en est déjà à la phase 3 des sanctions et aucune phase 4 n’est prévue !) L’OTAN montrera ses muscles, rappellera les engagements de sécurité vis-à-vis de ses membres contenus dans l’article 5 mais qui ne couvrent pas l’Ukraine, et laissera faire. Il est donc dans l’intérêt de tous d’éviter le pire.

Une porte de sortie
Le compromis pourrait consister en un désarmement des milices prorusses et leur rapatriement en Russie en échange d’une réforme de la Constitution ukrainienne qui octroierait une large autonomie aux régions russophones de l’est. La proposition a déjà été faite et elle a été refusée soit par les séparatistes, soit par la Russie ? Sans doute mais on n’était pas à la veille d’une confrontation directe entre deux armées sur le territoire européen, une situation qu’on n’avait pas connue depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale, même pendant les guerres de Yougoslavie dans les années 1990.

En massant des troupes à la frontière ukrainienne comme à plusieurs reprises depuis la révolution de Maïdan, Vladimir Poutine fait monter les enchères mais il n’a pas encore franchi de pas irrémédiable, même si l’annexion de la Crimée est contraire au droit international. Il est grand temps de lui montrer une porte de sortie. Sans garantie qu’il saisira l’occasion.