Sans surprise, Barack Obama a choisi Susan Rice pour succéder à Thomas Donilon au poste de conseiller à la sécurité nationale (National Security Adviser ou officiellement Assistant to the President for National Security Affairs). L’actuelle ambassadrice des Etats-Unis auprès des Nations-Unies rejoindra ainsi l’aile Ouest de la Maison Blanche au début du mois de juillet. En remplacement, Samantha Power fera, elle, le chemin inverse, du Conseil de sécurité nationale à la représentation permanente des Etats-Unis auprès des Nations-Unies.
Le choix de Susan Rice n’est pas un hasard. Prétendante au poste de secrétaire d’Etat, elle avait dû renoncer à ses ambitions en raison de l’hostilité des sénateurs républicains à son égard. Ces derniers lui reprochent en effet d’avoir fourni des informations erronées à la suite des événements de Benghazi, en septembre 2012, durant lesquels l’ambassadeur Christopher Stevens avait trouvé la mort. Craignant que sa nomination au poste de secrétaire d’Etat ne soit rejetée par le Sénat, dont le blanc-seing est indispensable pour la nomination des membres du cabinet, Barack Obama lui avait préféré John Kerry. La nomination au poste de conseiller à la sécurité nationale n’est, à l’inverse, soumis qu’à la discrétion du chef de l’Etat.
Une fidèle de la première heure
Le président Obama a nommé à ce poste clé une fidèle de la première heure. Susan Rice conseillait déjà le sénateur Obama sur les questions de sécurité nationale au début de la campagne des primaires démocrates pour l’élection présidentielle de 2008, alors que la plupart de ses confrères du parti s’engageaient aux côtés d’Hillary Clinton.
Elle est aussi une femme d’expérience. Déjà directrice des Affaires africaines au sein du Conseil de sécurité nationale sous le premier mandat de William Clinton, elle a participé de la passivité des Etats-Unis au moment du génocide rwandais. Ensuite nommée assistante au secrétaire d’Etat pour les affaires africaines (Assistant Secretary of State for African Affairs), elle a eu à s’occuper des crises au Zaïre et en Sierra Leone.
Durant les années George W. Bush (2001-2009), Susan Rice travaille à la Brookings Institution, un think tank de Washington, où elle fait des recherches sur la politique étrangère des Etats-Unis, les Etats faillis, la pauvreté et la sécurité internationale. Quatre ans après l’échec de la campagne de John Kerry, qu’elle a soutenue en tant que conseillère à la politique étrangère, elle rejoint la campagne de Barack Obama. Après la victoire de novembre 2008, elle fait partie de la vague de chercheurs de la Brookings Institution qui s’en vont grossir les rangs de la nouvelle administration.
A partir de 2008, en tant qu’ambassadrice auprès des Nations-Unies, Susan Rice a mené l’offensive diplomatique des Etats-Unis dans l’enceinte des organisations internationales pour soutenir la résolution de la crise en côte d’Ivoire, les pressions sur les régimes iranien et nord-coréen, la révolution libyenne et la coalition anti-Assad en Syrie. Elle a aussi joué un rôle central dans la stratégie de Barack Obama visant à restaurer la voix des Etats-Unis dans le système multilatéral, après la frustration des années Bush.
Mettre en œuvre le rééquilibrage stratégique vers l’Asie
Bien que Susan Rice fût nommée pour sa loyauté envers le président autant que pour son expérience, la charge de conseiller à la sécurité nationale ne sera pas une sinécure. Sous Thomas Donilon, le service de la sécurité nationale est devenu une machine administrative imposante qui n’a jamais compté autant d’employés.
Le virage stratégique ne fait que s’amorcer. Si M. Donilon a conçu la maquette du pivot ou, comme il préfère le dire, du « rééquilibrage stratégique » (strategic rebalancing) vers l’Asie-Pacifique, il reviendra à Susan Rice de le mettre en œuvre. L’ancien conseiller à la sécurité nationale a également plaidé pour un nouveau modèle de relation entre « une puissance actuelle (existing) et une puissance émergente », dont la rencontre entre Barack Obama et Xi Jinping, le président chinois, vendredi 7 juin en Californie, devrait être la première illustration.
C’est la raison du choix de la date du passage de relai entre Susan Rice et Thomas Donilon, qui vise à assurer une continuité de la politique étrangère de l’administration entre les deux mandats. Thomas Donilon a en effet assuré la transition pendant quelques mois, alors que les équipes de John Kerry et de Charles Hagel, le nouveau secrétaire à la Défense, tous deux sans expérience de l’exécutif (mis à part un bref passage au département des Anciens combattants sous la présidence Reagan pour Chuck Hagel), se mettaient en place. Il appartient désormais à Susan Rice et à John Kerry de résoudre les crises iranienne, syrienne, nord-coréenne, nigérienne et le changement climatique, et à bâtir l’héritage durable de la présidence Obama en matière de politique étrangère.
Une proximité idéologique
Par sa position, le conseiller à la sécurité nationale a l’oreille du président, qu’il renseigne et conseille sur toutes les questions de sécurité nationale et de politique étrangère. La nomination à ce poste d’une proche qui se définit comme « pragmatique » et avec laquelle Barack Obama partage une communauté de vues est ainsi révélatrice de l’hypercentralisation du processus de décision en politique étrangère. Dans ce domaine, le président s’implique fortement de la conception à la mise en œuvre et, concourent les témoignages, ne semble se fier qu’à lui-même. Presque un choix narcissique.