Le contraste ne pouvait être plus éclatant, lundi 14 mai, entre la cérémonie de déménagement de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem, le jour même du 70ème anniversaire de la création de l’Etat d’Israël, et la violente répression des manifestations palestiniennes qui ont provoqué la mort de plusieurs dizaines de protestataires à la frontière entre Gaza et Israël. « Une célébration et un massacre », résume une éditorialiste du New York Times. D’un côté, le triomphe de Benyamin Netanyahou et de la droite dure israélienne, qui refusent d’engager une négociation réelle avec l’Autorité palestinienne sur le partage du territoire. De l’autre, la détresse des habitants de Gaza qui réclament leur droit au retour, à la veille du jour de la Nakba (la « catastrophe »), choisi pour commémorer le déplacement forcé des Palestiniens en 1948.
Les Américains, qui ont tenté depuis des années de jouer les intermédiaires entre Israéliens et Palestiniens pour parvenir à un accord de paix, ont clairement abandonné, à l’initiative de Donald Trump, leur posture de (relative) neutralité. Le président américain, en application, il est vrai, d’une décision du Congrès adoptée en 1995 mais différée d’année en année par les hôtes successifs de la Maison Blanche, s’est rangé, par le transfert symbolique de l’ambassade américaine à Jérusalem, aux côtés du premier ministre israélien, lequel a salué avec enthousiasme un « jour historique ». Donald Trump n’a pas assisté à la cérémonie, mais il a parlé, sur son compte Twitter, d’un « grand jour pour Israël ». Il a expliqué que la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël n’était que le reflet d’une « réalité évidente ».
« Ceux qui provoquent les violences »
Le président américain n’a pas commenté les tueries dont les Palestiniens ont été victimes mais un porte-parole de la Maison Blanche a invoqué « le droit d’Israël à se protéger », tandis que le gendre de Donald Trump, Jared Kushner, chargé du dossier du Proche-Orient, s’est contenté de dénoncer « ceux qui provoquent les violences ». Au Conseil de sécurité des Nations unies, Washington a bloqué l’adoption d’un texte qui appelait à une enquête indépendante sur la répression des manifestations. Par ailleurs, Donald Trump a affirmé que les Etats-Unis restent « pleinement engagés » dans la recherche d’un accord de paix durable entre les deux protagonistes et que la reconnaissance de Jérusalem, même si elle heurte les Palestiniens, ne devrait pas y faire obstacle.
Pourtant la question du statut de Jérusalem est l’une des clés d’un futur accord. Même si la Maison Blanche assure que cette question demeure ouverte, les déclarations répétées de Benyamin Netanyahou sur Jérusalem capitale « indivisible et éternelle » d’Israël, principe proclamé depuis l’annexion de la partie orientale de la ville en 1967 et inscrit depuis 1980 dans la loi fondamentale, ne favorisent pas le dialogue avec les Palestiniens sur ce sujet. Donald Trump n’a pas contredit le premier ministre israélien. Au contraire, il a plutôt conforté sa position en s’abstenant de toute référence aux revendications des Palestiniens sur Jérusalem-Est, où ils entendent établir, le jour venu, leur propre capitale. En s’alignant, pour des raisons qui relèvent largement de la politique intérieure des Etats-Unis, sur les « faucons » israéliens, le président américain choisit l’épreuve de force plutôt que la négociation. Il attise les colères au risque d’une nouvelle « intifada » palestinienne, comme en 1987 et en 2000.
Le choix de la brutalité
Comme l’écrit le New York Times, le transfert des capitales occidentales à Jérusalem aurait pu et dû être l’aboutissement d’un long processus de paix au cours duquel les Etats-Unis auraient joué pleinement leur rôle de médiateur en maintenant un certain équilibre entre les deux camps et en contribuant à la recherche d’un compromis. Donald Trump a préféré appuyer de toutes ses forces, unilatéralement, son allié israélien. Comme dans le dossier iranien, il a opté pour la brutalité, sans craindre d’accroître l’instabilité régionale là où la priorité devrait être le retour de la stabilité.