Après plus de cinquante ans d’hostilité, les Etats-Unis et Cuba vont rétablir leurs relations diplomatiques. Barack Obama et Raoul Castro l’ont annoncé au même moment, le mercredi 17 décembre. Washington va rouvrir son ambassade à La Havane, permettre au régime castriste de participer à nouveau aux réunions de l’Organisation des Etats américains, faciliter les voyages des Américains à Cuba. Une visite de Barack Obama « n’est pas exclue ».
Préparée par dix-huit mois de négociations secrètes auxquelles le pape François n’a pas été étranger, la décision américaine concrétise une promesse du candidat Obama lors de sa première campagne électorale de 2007.
Comme il fallait s’y attendre, elle a été critiquée par les membres du Congrès sensibles aux pressions du lobby proche des exilés cubains. Mais Barack Obama se sent d’autant plus libre d’aller de l’avant qu’il ne peut pas se représenter en 2016. Après avoir paru trop hésitant, il tente d’échapper à son statut de lame duck, selon l’expression consacrée pour les présidents américains en fin de second mandat. C’est vrai de la politique intérieure comme de la politique étrangère, même s’il doit bousculer ses amis et provoquer l’ire de ses adversaires républicains.
Il a pris l’initiative de relancer les négociations sur le climat en signant un accord avec la Chine. Il ne désespère pas de trouver un modus vivendi sur le programme nucléaire iranien avec le régime des mollahs. Il a proposé la régularisation de 5 millions d’immigrés aux Etats-Unis…
Les démocrates ont perdu les élections de midterm de novembre dernier. Les républicains ont gagné la majorité au Sénat et élargi leur influence sur la Chambre des représentants. Loin de paralyser Barack Obama, ces défaites ont l’air d’avoir galvanisé son énergie. Il ne peut pas toujours passer outre l’opposition du Congrès. C’est ainsi que la levée de l’embargo qui frappe Cuba depuis 1961 est du ressort du Sénat qui ne l’acceptera pas facilement. Le problème serait le même en cas d’accord avec l’Iran, pour la levée des sanctions. Mais le président a une marge de manœuvre grâce aux décrets (executive orders) et il parait déterminé à l’utiliser.
Le face-à-face hostile entre les Etats-Unis et l’île caraïbe située à quelques centaines de miles des côtes de Floride était un des derniers vestiges de la guerre froide. Il avait failli dégénérer en guerre ouverte entre les Américains et les Soviétiques lors de la crise des fusées en octobre 1962. Un président démocrate, John Kennedy, avait alors désamorcé la crise au prix d’une rupture des relations avec Cuba et le régime de Fidel Castro arrivé au pouvoir en 1959. Il revient à un autre président démocrate de mettre un terme à ce qui apparaissait de plus en plus comme une anomalie. « Nous sommes tous américains », a dit Barack Obama, y compris en espagnol, pour montrer que Cubains et citoyens des Etats-Unis avaient un destin commun.
L’espoir est que la politique d’ouverture aura des effets positifs à Cuba même, en favorisant le développement économique et en encourageant les réformes démocratiques. Autrement dit qu’elle aura plus d’effet que cinquante ans de politique punitive. C’est la marque que Barack Obama voudrait laisser dans l’Histoire. A Cuba et au-delà.