Au sein de l’Union et de ses institutions, l’Allemagne pèse lourd. D’importants scrutins régionaux s’y dérouleront : après les élections du 14 mars en Bade-Wurtemberg et en Rhénanie-Palatinat (1), d’autres auront lieu en Saxe-Anhalt le 6 juin et en Thuringe, Mecklembourg-Poméranie occidentale et à Berlin le 26 septembre en même temps que des élections législatives fédérales.
Angela Merkel a annoncé sa décision de ne pas se représenter. Une nouvelle page politique s’ouvre donc dans la principale économie européenne. Elle est pleine d’incertitudes, voire d’inquiétudes, quant à la coalition qui succédera à l’actuelle alliance gouvernementale CDU/CSU-SPD et quant aux orientations du nouveau gouvernement. Nombre de réponses aux défis européens du moment en dépendront.
L’Allemagne n’a pas hésité à frileusement fermer ses frontières pour se protéger de la Covid-19, qu’elle n’a finalement pas mieux gérée que d’autres. Elle rêve davantage d’un retour de l’influence américaine en Europe avec Joe Biden plutôt que d’autonomie stratégique avec Emmanuel Macron. Elle donne le sentiment de remettre en cause les projets franco-allemands agréés dans la défense, parce qu’elle ne les dirige pas ou qu’ils seraient « trop français ». Et si elle ne s’est jamais vraiment embarrassée de l’avis de ses partenaires pour sortir brutalement et unilatéralement du nucléaire, par exemple, elle s’est, comme bien d’autres, beaucoup repliée sur elle-même et ses intérêts immédiats.
Or, du fait de son histoire et de sa Loi fondamentale, son processus décisionnel n’est curieusement pas idéalement formaté pour la stabilité et la durée exigées par les coopérations européennes, avec un Bundestag tout puissant et une Cour constitutionnelle souverainiste. Elle est aujourd’hui plus « nationale » que beaucoup de ses partenaires et moins européenne que par le passé.
Quelle relation avec la France ?
L’Allemagne qui sortira de tous ces scrutins confirmera-t-elle une relation privilégiée avec la France ? Suivra-t-elle Angela Merkel qui a su faire, à sa demande, les gestes européens nécessaires en acceptant finalement de surmonter le tabou de la dette commune pour répondre à la grave crise économique et financière résultant des décisions sanitaires ? Confirmera-t-elle son acceptation d’une Europe plus forte et plus indépendante comme la France l’a anticipée et comme semblent l’accepter les citoyens allemands mais le redouter les décideurs au plus haut niveau ? Saura-t-elle donner à ces orientations des suites concrètes, notamment en matière de capacités de défense, de projets militaires communs aujourd’hui mis en cause par ses industriels plus intéressés par le business que par une vision globale ? Sera-t-elle enfin favorable à une politique étrangère européenne ?
D’elle dépendent beaucoup de réponses sur l’avenir de l’Europe, tant il est vrai que rien n’est possible sur le continent sans une entente étroite et forte entre la France et l’Allemagne et que tout le devient avec une vision enfin ambitieuse de la place de l’Europe dans le monde.
(1) NDLR : les élections du 14 mars en Bade-Wurtemberg et en Rhénanie-Palatinat ont été marquées par un net recul de la CDU, qui a perdu 2,9 points dans le premier et 4,1 points dans le second, et par la reconduction des sortants, les Verts dans l’un et le SPD dans l’autre.