Plusieurs pays d’Amérique latine s’apprêtent à renouveler leurs dirigeants en 2018. Trois d’entre eux – le Brésil, la Colombie, le Venezuela – retiennent particulièrement l’attention. Tous trois vivent une crise politique qui divise profondément leur population à l’approche des prochains scrutins.
Au Brésil, où auront lieu en octobre à la fois l’élection présidentielle et les élections législatives, la question est de savoir si l’ancien président Lula, en tête aujourd’hui dans les sondages mais toujours sous le coup d’enquêtes judiciaires, est capable de revenir au pouvoir et si son parti, le Parti des travailleurs, miné par la corruption, est en mesure de rallier une majorité d’électeurs.
En Colombie, où le président sortant, Juan Manuel Santos, ne peut pas se présenter à un troisième mandat, l’enjeu des législatives (en mars) et de la présidentielle (en mai) est l’avenir de l’accord de paix conclu il y a un an avec les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) après un demi-siècle de guérilla.
Au Venezuela, où le président sortant, Nicolas Maduro, demandera en octobre le renouvellement de son mandat, ce qui est en cause est le maintien, ou non, de la dictature que le successeur d’Hugo Chavez a peu à peu imposée au pays. L’instabilité qui menace ces trois Etats au terme d’expériences politiques singulières accroît l’importance de ce cycle de consultations électorales.
Percée de l’extrême-droite au Brésil
Après plusieurs années de croissance, marquées, sous la présidence de Lula, par une réduction de la pauvreté et des inégalités, la situation du Brésil s’est dégradée. Gangrené par la corruption, le système politique est en lambeaux. Très impopulaire, le président sortant, Michel Temer, qui a évincé en 2016 l’ancienne collaboratrice de Lula, Dilma Rousseff, destituée par le Parlement, ne sera pas candidat à sa succession.
Lula a décidé de se battre pour retrouver son fauteuil. Sa victoire serait quai-assurée s’il parvenait à échapper aux foudres de la justice. Il sera fixé le 24 janvier lorsque le tribunal se prononcera en appel sur sa condamnation pour corruption.
En attendant, les grandes manœuvres ont commencé, à droite comme à gauche, pour désigner ses éventuels adversaires. Elles font le jeu, pour le moment, de l’extrême-droite, dont le candidat, Jair Bolsonaro, un ancien militaire qui ne cache pas sa nostalgie de la période de la dictature, progresse dans les sondages, qui le placent en seconde position derrière Lula.
Difficile réconciliation en Colombie
En Colombie, le pape François est venu en septembre prêcher le pardon et la réconciliation. « Accueillons tout être humain qui a commis des délits, les reconnaît, se repent et s’engage à réparer en contribuant à la construction de l’ordre nouveau où brillent la justice et la paix », a-t-il notamment déclaré. Mais les violences n’ont pas cessé. Quant à la population, entre méfiance et hostilité, elle ne paraît pas prête à l’apaisement. La candidature du dirigeant historique des FARC, Rodrigo Londono, alias Timochenko, suscite la colère d’une partie d’entre elle, en particulier celle de l’ancien président Alvaro Uribe, qui rappelle avec indignation les « crimes atroces » de la guérilla. Juan Manuel Santos, qui fut l’artisan des accords, n’a pas vraiment de successeur. Ceux qui, dans son camp, aspirent à la fonction présidentielle se montrent d’une grande prudence sur la mise en oeuvre du processus de paix. A l’approche des élections, la droite continue de se déchirer. Pendant ce temps, l’ancien maire de Bogota, Gustavo Petro, candidat de la gauche, grimpe dans les sondages.
Renforcement de la dictature au Venezuela
Au Venezuela, en dépit de la libération de trente-six prisonniers politiques et de la poursuite des discussions avec la Table de l’unité démocratique, coalition des partis d’opposition, le président Nicolas Maduro ne paraît pas résolu à desserrer l’étreinte qu’il exerce sur la vie politique du pays. Il a annoncé, au lendemain des élections municipales, boycottées par l’opposition, que les partis qui n’avaient pas participé à ce scrutin ou qui avaient appelé à l’ignorer ne seraient pas autorisés à prendre part aux élections futures.
La menace concerne, en premier chef, l’élection présidentielle d’octobre, qui serait donc interdite à l’opposition. Elle marque un pas supplémentaire dans la marche à la dictature, engagée par le pouvoir vénézuélien depuis qu’il a refusé de reconnaître les résultats des dernières élections législatives et choisi de mettre en place une assemblée constituante à sa dévotion. Pour stigmatiser l’évolution du régime et soutenir ceux qui le combattent, le Parlement européen a décidé d’attribuer aux députés empêchés d’exercer leur fonction et aux prisonniers politiques vénézuéliens son prix Sakharov 2017 pour la défense des droits de l’homme et des libertés fondamentales.