Un mois après le tsunami de décembre 2004, des négociations officielles ont commencé entre le gouvernement indonésien et le mouvement séparatiste d’Aceh (GAM). Ces négociations, qui n’étaient pas vraiment une nouvelle initiative, ont découlé de pourparlers secrets amorcés au cours de l’année précédente par le vice-président indonésien, Jusuf Kalla. Quatre jours avant que le tsunami ne déferle sur l’Aceh, l’ancien président finlandais Martti Ahtisaari avait été invité par le vice-président Kalla et un homme d’affaires finlandais pour faciliter les négociations, après l’entente conclue entre le gouvernement et les négociateurs du GAM de poursuivre les pourparlers. Ahtisaari et une ONG finlandaise ont obtenu l’approbation de médiation du bureau du GAM basée en Suède et ils ont invité les deux parties à Helsinki.
L’accord de janvier 2005
Les négociations de janvier 2005 se sont concentrées sur les besoins urgents de secours et de reconstruction post-tsunami, tandis que la deuxième étape des pourparlers (du 21 au 23 février 2005) a porté sur le processus de paix complet. Avant cette deuxième réunion, le GAM a annoncé que le mouvement mettrait de côté ses demandes d’indépendance. Cette concession du GAM a facilité la poursuite des discussions. Un deuxième élément important a été la participation du secrétariat du Conseil de l’UE et de la Commission européenne, et leur proposition d’une mission de contrôle dirigée par l’UE.
Le 17 juillet 2005, les parties ont paraphé un protocole d’entente qui a été signé officiellement le 15 août 2005. Protocole selon lequel le GAM déposait les armes et l’Indonésie s’engageait à retirer tous ses effectifs de police, sauf ceux affectés à la surveillance normale, de même que son armée ; accordait une amnistie générale aux prisonniers membres du GAM ; fournissait une compensation au GAM ; indemnisait la population de l’Aceh pour la perte de propriété et les violations des droits de la personne à cause du conflit ; réhabilitait le GAM ; modifiait la législation pour tenir compte de la formation de partis politiques locaux ; accordait à la province 70 % des revenus de tous les gisements d’hydrocarbures actuels et futurs et d’autres ressources naturelles (ce point était à l’origine du conflit) ; jugeait tous les crimes civils commis par le personnel militaire dans les tribunaux civils en Aceh ; et mettait en place une commission de divulgation des faits et de réconciliation.
Circonstances exceptionnelles
La transition pour la paix aurait été peu probable en Aceh sans le tsunami, malgré la grande faiblesse militaire du GAM avant le désastre. Le tsunami n’a certes pas été l’élément déclencheur des efforts de paix entre le gouvernement et le GAM ; cependant, la transition réussie pour la paix et l’autogestion en Aceh sont dues surtout aux circonstances exceptionnelles qui ont résulté du désastre. Le tsunami a accéléré et amplifié les tendances politiques qui existaient avant le désastre à différents niveaux, ce qui a favorisé une résolution rapide du conflit. Parmi ceux-ci, il y a eu la démocratisation et la décentralisation de la politique indonésienne ; les négociations continues sous le vice-président Kalla ; l’engagement personnel du président de résoudre le conflit paisiblement et ses rapports militaires ; les effectifs militaires affaiblis du GAM et son désir d’une sortie politique. Parmi les autres facteurs, il y a eu l’intérêt américain à résoudre le conflit et un intérêt général de l’UE à stimuler la négociation.
Autant pour le GAM que pour le gouvernement, ce besoin de paix était d’abord lié aux exigences de réponse massive et durable au désastre et il a été renforcé par la nouvelle vigilance nationale et internationale. Pour le gouvernement et l’armée indonésienne, les opportunités pour améliorer les relations avec l’étranger pour des raisons stratégiques et économiques étaient en jeu. Pour le GAM, le tsunami a créé des conditions extrêmement favorables pour faire connaître le conflit à l’international. La situation post-tsunami a internationalisé le processus de construction de la paix par le déploiement d’une mission de surveillance de l’Aceh et une présence internationale massive. Cela a créé une position favorable de négociation, ainsi qu’une responsabilité plus grande et un engagement à signer des accords avec le gouvernement. En bout de ligne, la sympathie et les facteurs de solidarité, en plus des répercussions psychologiques de ce désastre catastrophique, ont aidé à conclure un accord entre le GAM et le gouvernement et consolidé les meilleures chances de paix durable en Aceh depuis trente ans.
Paix instable
Malgré la fin du conflit entre le GAM et le gouvernement dans l’année qui a suivi la signature du PE, la paix demeure fragile à long terme. Il y a des incertitudes quant à la pertinence de la Loi qui gouverne l’Aceh et, selon la Banque mondiale, les conflits locaux augmentent. Les déboursements de fonds consacrés à la reconstruction s’achèvent en 2008. La stabilité du gouvernement civil en Aceh est encore fragile. Si la paix dure en Aceh, ce sera la première fois qu’un conflit séparatiste en Indonésie a été réglé par des moyens politiques. La paix en Aceh est donc perçue par plusieurs observateurs non seulement comme une tentative des efforts internationaux de bâtir la paix dans une région sinistrée, mais aussi comme un indicateur de la performance de l’Indonésie dans sa transition vers la démocratie. Le fait que le régime indonésien ait eu besoin d’une catastrophe humanitaire pour précipiter la fin de 29 ans de conflit armé suggère que la démocratie et la société civile en Indonésie ne sont pas encore assez puissantes pour instaurer par elles-mêmes les transformations nécessaires à la paix.