En vertu du traité de Nice toujours en vigueur, le président de la Commission est désigné par la majorité qualifiée des Etats membres. Il doit ensuite être approuvé par le Parlement. Les pays nomment chacun leur commissaire. Puis la répartition des postes se fait avec l’accord du nouveau président désigné de la Commission. Le tout requiert l’aval de la majorité du Parlement (chaque commissaire passe un oral et reçoit l’approbation du Parlement). Seule certitude, le Portugais José Manuel Barroso brigue un deuxième mandat à la présidence. Il est soutenu par son parti conservateur, ainsi que par le gouvernement social-démocrate portugais et d’autres socialistes comme l’Espagnol José Luis Zapatero.
S’il est confirmé, le Français Michel Barnier, ministre de l’agriculture et ancien ministre des affaires étrangères reviendrait en terrain connu : il a été commissaire aux politiques régionales de 1999 à 2004. Chose sûre : la France convoite un « poste économique important », comme le marché intérieur ou la concurrence.
En pleine année électorale, l’Allemagne se débattra au sein de la « grande coalition » au pouvoir. La chancelière Angela Merkel pousse Peter Hintze, ancien coordonnateur du gouvernement fédéral pour la navigation aérienne et spatiale et secrétaire général de la CDU (conservateurs) de 1992 à 1998. Alors que le vice-chancelier socialiste, Frank-Walter Steinmeier, ministre des affaires étrangères, soutient Martin Schulz, chef de file du groupe socialiste au Parlement européen.
Parmi les autres grands pays de l’Union, l’Espagne et le Royaume-Uni maintiendraient leur commissaire actuel. La travailliste britannique Catherine Ashton, chargée du commerce, vient en effet d’arriver à Bruxelles, en remplacement de Peter Mandelson, et voudrait rester. Encore doit-elle convaincre son parti, où l’on évoque aussi un homme plus expérimenté, Geoff Hoon, secrétaire d’Etat aux transports et ancien ministre des affaires européennes.
De son côté, le gouvernement socialiste de l’Espagnol Zapatero reconduirait Joaquín Almunia, dont le bilan à l’économie est jugé correct (notamment en matière de lutte contre les déficits publics des Etats membres). Almunia a été très présent depuis le début de la crise financière en appelant à plus de coordination entre les pays de l’UE. En le maintenant à Bruxelles, Madrid tiendrait ainsi à distance une figure de la vieille garde socialiste. Reste le cas Javier Solana : l’actuel Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) sera-t-il nommé au poste de Haut représentant « pour les affaires étrangères et la politique de sécurité » ? Une fonction prévue par le traité de Lisbonne, qui sera à cheval entre Commission et Conseil de l’UE.
Ceux qui resteraient
Les trois commissaires baltes reviendraient : le Letton Andris Piebalgs (Energie), la Lituanienne Dalia Grybauskaité (programmation financière et budget) - sauf si elle se présente et est élue aux élections présidentielles de son pays en mai -, et enfin l’Estonien Siim Kallas (administration, audit et lutte antifraude). Autres maintiens : aux transports, Antonio Tajani, cofondateur de Forza Italia avec l’actuel chef du gouvernement Silvio Berlusconi, lequel n’a pas encore eu le temps de convaincre (il n’est arrivé à Bruxelles qu’au printemps 2008) ; le Finlandais Olli Rehn, après l’Elargissement, convoite les affaires étrangères ou un gros portefeuille économique. Et, surtout, la Luxembourgeoise Viviane Reding rempilerait pour un troisième mandat. Commissaire chargée des télécommunications et des médias, elle a conquis les consommateurs avec le plafonnement des prix des appels mobiles et des SMS d’un pays à l’autre de l’UE. Grand succès de cette Commission. Elle s’est, en retour, mise à dos les opérateurs de téléphonie mobile et les ex-monopoles qui n’ont pas vraiment envie de la voir revenir au même poste.
Ceux qui partiraient
Du changement est à prévoir en Europe centrale. La commissaire autrichienne aux affaires étrangères Benita Ferrero-Waldner resterait volontiers. Mais son parti conservateur pourrait officialiser la candidature de Wilhelm Molterer, président du parti ÖVP et ancien vice-chancelier.
En Belgique, le libéral francophone Louis Michel cèderait sa place à un Flamand. On a longtemps pensé à Karel De Gucht, ministre des affaires étrangères. Mais les médias belges évoquent de plus en plus l’envoi à la Commission d’Yves Leterme, ancien Premier ministre tristement célèbre pour ses échecs à trouver des compromis entre francophones et néerlandophones.
Partiraient également la libérale Néerlandaise Neelie Kroes, titulaire du puissant portefeuille de la concurrence. Redoutée par les entreprises, Neelie Kroes a notamment lutté avec force contre les cartels (en leur infligeant des amendes records)dans des secteurs aussi variés que le verre, les ascenseurs, les vitamines, les disjoncteurs, la chimie. Mais Mme Kroes restera surtout connue pour sa bataille contre le comportement anticoncurrentiel de Microsoft en lui infligeant une amende totale de 1,676 milliard d’euros. Et ce n’est pas fini puisqu’elle a lancé d’autres enquêtes contre le géant des logiciels. La raison de son départ relève surtout de raisons liées à la politique nationale néerlandaise : Neelie Kroes, libérale, n’est pas du même bord que la coalition entre chrétiens-démocrates et travaillistes au pouvoir aux Pays-Bas. Pour le futur commissaire néerlandais (pas forcément à la Concurrence), on évoque Frans Timmermans, le ministre travailliste des affaires européennes, et Cees Veerman, l’ancien ministre démocrate-chrétien de l’agriculture.
Le départ de l’Irlandais Charlie McCreevy paraît plus logique : il a déçu au marché intérieur, n’ayant pas fait preuve d’initiatives pour réguler les marchés financiers (en 2007, il disait qu’il n’était pas nécessaire de les réguler). A propos du traité de Lisbonne, il avait annoncé, en pleine campagne référendaire dans son pays, que ce traité était trop compliqué et qu’il ne l’avait pas lu intégralement, suscitant de vives protestations jusqu’au sein de la Commission. Aux Pays-Bas, on cite en remplacement le travailliste Frans Timmermans (ministre des affaires européennes) et l’ancien ministre démocrate-chrétien de l’agriculture Cees Veerman. Et, en Irlande, John Bruton, ancien Premier ministre.
Même si les Vingt-Sept se mettent d’accord sur la présidence de M. Barroso dès juin, les difficultés ne s’arrêteront pas là. Les commissaires devront attendre le verdict du traité de Lisbonne. Car si les Irlandais disent « oui » après avoir rejeté le texte en juin 2008, l’UE conservera ses vingt-sept commissaires. Mais s’ils disent « non », le traité de Nice de 2001 prévoit d’en supprimer.