Pendant la campagne de 2008, Barack Obama avait fait deux promesses en politique étrangère : sortir les Etats-Unis des guerres dans lesquelles ils étaient empêtrés depuis 2001 et tendre la main à deux vieux ennemis, Cuba et l’Iran. Sur le premier point, il a perdu. Sur le second, il est en passe de gagner son pari.
Rien n’est encore définitivement joué. Mais la réouverture des ambassades américaine à la Havane et cubaine à Washington est plus qu’un symbole du rapprochement entre deux pays que la révolution castriste en 1959 et la calamiteuse expédition de la Baie des cochons deux ans plus tard avaient séparés. La normalisation diplomatique ne signifie pas que les relations commerciales et humaines entre les Etats-Unis et l’île caraïbe vont redevenir rapidement normales. Elle laisse encore moins présager, à court terme, une libéralisation du régime des frères Castro. Elle met fin en tous cas à une anomalie, reliquat de la guerre froide.
Avec l’Iran, l’avenir des relations est encore plus incertain. L’accord sur le programme nucléaire de Téhéran signé le 14 juillet à Vienne entre les représentants de la communauté internationale et le République islamique écarte pour un temps au moins le danger de la prolifération dans une région instable déjà gorgée d’armes. C’est un succès collectif auquel les Russes, les Chinois et les Européens – ces derniers étaient à l’origine du processus de négociations — ont contribué. Dans la dernière ligne droite il doit beaucoup à la diplomatie bilatérale américano-iranienne.
Toutefois l’objectif de Barack Obama dépasse la question nucléaire. Le président américain voudrait faire en sorte que la réintégration de l’Iran dans le système des relations internationales et sa reconnaissance comme puissance régionale amènent le régime des mollahs à jouer un rôle stabilisateur au Moyen-Orient. Alliés tacites contre Daech, les Etats-Unis et l’Iran s’opposent sur tous les autres fronts. La République islamique participe directement ou indirectement aux rebellions chiites dans le Golfe et au Yémen, arme le Hezbollah, soutient le Hamas et reste un des derniers espoirs de Bachar el-Assad. Pour faire taire les critiques de Benjamin Netanyahou contre l’accord nucléaire, Barack Obama pourrait augmenter les livraisons d’armes à Israël, ennemi juré de l’ayatollah Khamenei.
Pour transformer le succès du 14 juillet, le président américain a besoin de l’Iran afin de se sortir du guêpier moyen-oriental où il a été contraint, contre son gré, de remettre les pieds. Ce n’est pas la seule condition mais elle est nécessaire. En 2011, il a cru pouvoir tenir sa promesse électorale de retirer les soldats américains que son prédécesseur avait envoyés en Irak contre Saddam Hussein. Deux ans plus tard, il a résisté à la tentation d’une intervention en Syrie que lui réclamait François Hollande. Il voulait se détourner du Proche-Orient. Il a été obligé d’y revenir pour lutter contre Daech.
En Afghanistan aussi, il s’apprête à remplir son engagement de retirer ses forces, qui s’y trouvent depuis l’automne 2001, à la suite des attentats contre le World Trade Center de New York et le Pentagone à Washington. Les Américains s’en vont, et avec eux les troupes internationales, sans que le pays, toujours en butte à des affrontements armés, soit à l’abri d’un retour des talibans. Ni « state building », ni « nation building », plus de dix ans d’intervention militaire internationale laissent les Afghans face à eux-mêmes.
En 2009, Barack Obama a eu le prix Nobel de la paix, « prématurément », comme il l’a avoué lui-même. Ses discours y étaient pour beaucoup, plus que ses réalisations. Huit ans après, il quittera la Maison blanche avec un bilan mitigé en politique étrangère. Il n’aura pas résolu toutes les crises. Il ne le pouvait pas et il savait que la puissance des Etats-Unis est de plus en plus relative. Mais il aura plus qu’amorcé la réconciliation de son pays avec deux de ses plus vieux ennemis. Les jurés d’Oslo ne s’étaient pas totalement trompés.