A un mois de son départ de la Maison blanche, Barack Obama a remis en mouvement le débat sur les relations israélo-palestiniennes, passé au second plan des conflits au Moyen-Orient. Depuis l’échec de la tentative de médiation menée par le secrétaire d’Etat John Kerry, mollement soutenu par la Maison blanche, tout le monde avait l’air de se satisfaire de l’immobilisme. Les Palestiniens essayaient de marquer quelques points dans diverses instances internationales, les Israéliens continuaient d’étendre des colonies en « Judée et Samarie », l’expression biblique de la droite israélienne pour désigner la Cisjordanie, mais sur le fond rien ne bougeait, comme si les protagonistes locaux et leurs soutiens extérieurs se satisfaisaient d’une situation de blocage.
Laisser sa marque
Au cours de ses deux mandats, Barack Obama n’a pas pris d’initiative spectaculaire pour trouver une solution négociée au conflit israélo-palestinien. Sans doute a-t-il tiré les leçons des tentatives avortées de ses prédécesseurs. Il n’a pas pour autant renoncé à laisser sa marque. Pour preuve, l’abstention de la représentante américaine aux Nations unies, Samantha Power, qui a permis l’adoption au Conseil de sécurité par 14 voix contre 0, d’une résolution demandant à Israël de mettre fin à la colonisation dénoncée comme un obstacle à la solution de deux Etats, et condamnant par ailleurs – ce que feignent d’oublier les critiques israéliennes – les provocations et les actes de violence du côté palestinien.
La résolution 2334 a été proposée par la Nouvelle-Zélande, la Malaisie, le Sénégal et le Venezuela. Elle reprend pour l’essentiel un texte préparé par l’Egypte que celle-ci avait retiré sous la pression du président-élu Donald Trump qui a eu un entretien téléphonique avec le maréchal Sissi. Benjamin Nétanyahou accuse Barack Obama d’être le véritable instigateur de la résolution 2334 : « D’après les informations que nous avons, a déclaré le premier ministre israélien, nous n’avons aucun doute que l’administration Obama est à l’origine de la résolution, qu’elle est derrière, qu’elle en a coordonné la rédaction et a demandé qu’elle soit adoptée. »
Il a dénoncé un geste « honteux et anti-israélien », convoqué les ambassadeurs des pays qui ont voté pour le texte ainsi que l’ambassadeur américain, « puni » les Etats signataires de la résolution, menacé de réduire sa participation aux organisations de l’ONU et gelé certaines formes de coopération civile avec l’Autorité palestinienne.
Une défaite politique
La résolution n’est pas contraignante et le gouvernement israélien a annoncé qu’il ne s’y soumettrait pas. Elle n’en représente pas moins une défaite politique pour Benjamin Nétanyahou. En décidant l’abstention des Etats-Unis, Barack Obama ne contrevient pas aux principes qui guident la politique américaine, soutenue par les deux grands partis, dans le conflit israélo-palestinien. Depuis des décennies déjà, les présidents, républicains comme démocrates, sont partisans de la solution dite des deux Etats, soit l’existence d’un Etat palestinien démilitarisé, à côté de l’Etat hébreu, dans les frontières de 1967 (moyennant quelques rectifications).
Barack Obama n’a pas dérogé non plus au principe du soutien apporté par les Etats-Unis à la sécurité d’Israël. Sous sa présidence a été décidée l’aide militaire la plus massive : 38 milliards de dollars sur dix ans. Ce qui n’a pas empêché Nétanyahou de se plaindre. Il comptait sur 45 milliards et soupçonne Obama d’avoir pratiqué une coupe de 7 milliards en représailles de son discours tenu devant les deux chambres du Congrès sans en avoir averti le président.
Trois fois plus colonies
C’est la première fois depuis longtemps en revanche que Washington ne met pas son veto à un texte critique pour Israël. Barack Obama, qui n’a pu obtenir de Benjamin Nénanyahou la fin des colonies dans les territoires occupés, évente le double langage et le double jeu du premier ministre israélien. En effet le chef de la droite a fini par accepter formellement la solution des deux Etats mais il fait tout pour la rendre impossible. En poursuivant la colonisation et en tolérant les colonies déclarées illégales par la Cour suprême israélienne installées sur des terres privées palestiniennes, il crée des faits accomplis qui empêcheront la création d’un Etat palestinien viable, possédant un minimum de continuité territoriale.
Depuis 1967, 125 colonies ont été construites dans les territoires occupés, sous tous les gouvernements, de gauche comme de droite. Il faut y ajouter une centaine de colonies "sauvages". Depuis les accords d’Oslo en 1993, leur nombre a été multiplié par trois. 590 000 colons juifs vivent au milieu de 6 millions de Palestiniens.
Le premier ministre israélien estime que ce double jeu lui a plutôt réussi jusqu’à présent. Il calme la droite la plus dure dont il a besoin pour sa majorité à la Knesset. Naftali Bennett et son parti, Le Foyer juif, demande la légalisation des colonies déclarées illégales par la Cour suprême et l’annexion de 60% de la Cisjordanie.
Ce double jeu n’empêche pas le développement du réseau de relations internationales y compris avec des pays musulmans sunnites. Il développe la stratégie dite TTP, pour terrorisme – Israël est à la pointe de la lutte —, technologie – Israël est à la pointe de l’innovation —, et paix – Israël recherche un modus vivendi avec ses voisins.
Trump, atout ou handicap ?
Benjamin Nétanyahou compte sur Donald Trump pour restaurer les bonnes relations avec Washington. Après le vote de l’ONU, le président-élu a annoncé dans un twitt – c’est son mode de communication favori – que « les choses changeraient après le 20 janvier », date de son investiture. Il a nommé en Israël un ambassadeur, David Friedman, sans aucune expérience diplomatique mais surtout un partisan de l’annexion de la Cisjordanie et du transfert de l’ambassade de Tel Aviv à Jérusalem. « Trump nomme les gens qu’il veut mais il n’est pas habilité à déterminer où est la capitale d’un autre Etat », a réagi Saeb Erekat, le chef des négociateurs palestiniens.
L’abstention décidée par Barack Obama entravera la politique de son successeur – c’est aussi un de ses objectifs – car elle apporte une caution internationale à la solution des deux Etats. Paradoxalement, les prises de positions de Trump, proches de celles de la droite dure israélienne, peuvent aussi gêner Benjamin Nétanyahou, qui ne pourra plus s’abriter derrière la pression américaine pour ne pas faire ce qu’il ne veut pas faire. A savoir choisir entre le sabotage et la fiction de la solution des deux Etats.
Son intérêt politique, tel qu’il le comprend, est de continuer à maintenir l’ambiguïté et à jouer sur les deux tableaux. Jusqu’à présent, il a réussi. Les pressions contraires de Barack Obama et de Donald Trump pourraient le mettre dans l’embarras.