Le nouveau premier ministre suédois Stefan Lofven (social-démocrate) a annoncé son intention de reconnaître la Palestine comme un Etat. Il n’a pas précisé quand mais la Suède serait ainsi le premier grand pays européen à accomplir ce geste. Certains membres de l’Union européenne ont déjà reconnu l’Etat palestinien mais ce sont des pays de l’ancienne Europe de l’Est. Ils l’ont fait avant d’entrer dans l’UE, du temps de la guerre froide, quand ils suivaient la politique soviétique.
La France n’a pas franchi le pas mais elle aussi devrait reconnaître la Palestine comme Etat « le temps venu », a dit Laurent Fabius, le ministre des affaires étrangères. Pourquoi attendre ? La France a déjà voté pour l’adhésion à part entière de la Palestine à l’UNESCO, en 2011, et l’année suivante elle a soutenu l’octroi du statut d’observateur non-membre de l’Assemblée générale de l’ONU.
Les Etats qui sont les plus proches d’Israël, comme les Etats-Unis, estiment que cette reconnaissance est « prématurée », bien qu’ils se prononcent en principe pour la coexistence de deux Etats sur le territoire de la Palestine historique. Comme le gouvernement de Benjamin Nétanyahou, ils considèrent que la création d’un Etat palestinien doit être le résultat de négociations internationales et d’abord d’un accord entre Israël et l’Autorité palestinienne. Tout geste « unilatéral » serait contre-productif.
C’est possible. On remarquera simplement que l’adhésion à l’UNESCO et l’entrée à l’ONU par la petite porte n’ont pas nui aux négociations israélo-palestiniennes. Si la dernière série menée par le secrétaire d’Etat américain John Kerry a échoué c’est pour des raisons internes à ces négociations. Et en particulier par le refus d’Israël d’arrêter l’extension des colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
Le gouvernement Nétanyahou est mal placé pour dénoncer des « gestes unilatéraux » de la part du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, alors que lui-même multiplie les faits accomplis visant à empêcher l’émergence d’un Etat palestinien, malgré les remontrances de la communauté internationale, y compris du président Obama. « Bibi » a accepté du bout des lèvres le principe de la solution de deux Etats mais il fait tout pour le faire capoter.
Il reste que la reconnaissance d’un Etat palestinien par des membres importants de la communauté internationale (selon l’Autorité palestinienne cent-trois auraient déjà pris cette décision) a des effets plus symboliques que pratiques. L’Etat palestinien n’a pas de frontières « sûres et reconnues », pour reprendre le jargon diplomatique. Son territoire est coupé en deux (Cisjordanie et Gaza) et à l’intérieur même de la Cisjordanie, les colonies juives dessinent une peau de léopard qui gêne la continuité territoriale. Il a depuis peu un gouvernement de coalition, entre le Fatah et le Hamas, mais les deux composantes du mouvement palestinien sont a priori en désaccord sur le principe même de l’existence de l’Etat d’Israël. En Cisjordanie, le maintien de l’ordre est assuré en grande partie par l’armée israélienne.
On peut le regretter mais l’Etat palestinien est encore largement fictif. Sa reconnaissance n’y changera rien. Elle serait utile si elle constituait un moyen de pression efficace sur le gouvernement israélien pour qu’il négocie de bonne foi avec des interlocuteurs qui perdent patience et qui risquent d’être obligés de laisser un jour la place à de plus radicaux.
Pour le moment elle contribue plutôt à raidir les positions israéliennes, tous partis confondus, et à encourager la droitisation de l’opinion israélienne. Benjamin Nétanyahou se soucie comme d’une guigne de la décision du Premier ministre suédois et des admonestations de la Maison blanche. Avant les élections de mid-term aux Etats-Unis, le 4 novembre, il a le champ libre d’autant plus que les républicains devraient marquer des points. Et surtout, avec « Da’ech », Barack Obama a d’autres soucis au Moyen-Orient.