Grande-Bretagne : la descente aux enfers du Labour

Les fins de règne sont pénibles. Le résultat des élections européennes est une nouvelle station dans la descente aux enfers du Parti travailliste britannique. Avec un peu plus de 15% des voix, le Labour se classe à la troisième pour la première fois dans une élection générale, depuis qu’il a supplanté les libéraux dans les années de l’entre-deux guerres.

Le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP) est arrivé deuxième, avec 17%, derrière les conservateurs (28%).

Le score de UKIP n’est pas en soi une surprise. Déjà aux dernières élections européennes, en 2004, le parti qui prône la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, avait obtenu 16,8 % des suffrages et avait envoyé douze députés à Strasbourg. Cette année, il en aura un de plus. Avec des conservateurs de plus en plus hostiles à l’Europe, l’euroscepticisme a de beaux jours devant lui outre-Manche.

La véritable sensation est la lourde défaite du Labour. Le parti du Premier ministre Gordon Brown s’attendait certes à des pertes mais l’arrivée en troisième position est symboliquement la pire situation dans un pays habitué au bipartisme. Dans les années 1980, les libéraux-démocrates avaient tenté en vain de ravir la deuxième place à des travaillistes qui étaient pourtant en mauvaise posture face à Margaret Thatcher.

Le résultat s’explique. Gordon Brown se débat depuis des semaines dans le scandale dit des notes de frais qui touche des ministres et des hauts responsables parlementaires du parti. Il a essayé de reprendre la main à la veille du scrutin en procédant à un vaste remaniement ministériel mais la décision n’a pas suffi ou est arrivée trop tard. Le Labour est usé par douze ans de pouvoir – Tony Blair et le « New Labour » ont gagné les législatives en 1997 – et la crise économique, qui a obligé Gordon Brown à changer radicalement de politique, a ruiné ce qui lui restait de popularité. Les prochaines élections doivent avoir lieu d’ici au mois de mai 2010 mais il est probable que les appels vont se multiplier dans la classe politique britannique et dans la presse en faveur d’un scrutin plus rapproché, et en ce qui concerne le Parti travailliste, sous un autre leadership que celui de Gordon Brown.

Si les conservateurs de David Cameron ont visiblement le vent en poupe, il ne faut cependant pas extrapoler les résultats des européennes sur les élections nationales. Quand il s’agit de voter pour la Chambre des communes, les Britanniques sont beaucoup plus traditionnalistes. Jusqu’à nouvel ordre, ils ont toujours privilégié les deux grands partis. Le score de UKIP, dimanche 7 juin, n’annonce pas un succès aux élections générales. En 2004, UKIP avait eu 16,8% des voix et l’année suivante au scrutin parlementaire, il avait dû se contenter de 2,2% et d’un seul élu.

Ce qui parait certain en revanche, c’est que le Parti travailliste aura beaucoup de mal à remonter la pente et à s’imposer une nouvelle fois contre les conservateurs. Le moindre mal pour lui serait ce que les Anglais appellent un hang Parliament, une Chambre sans claire majorité qui empêcherait la constitution d’un gouvernement tory trop puissant. C’est un espoir qu’ils ne peuvent réaliser qu’avec un nouveau leader.