Immigration et asile : dossier urgent en Europe

Alors que l’Union européenne (UE) va renouveler, d’ici fin décembre, son programme pluriannuel dit « de Stockholm » fixant les priorités en matière de justice et d’affaires intérieures pour 2010-2014, l’immigration et l’asile s’imposent dans les débats.

Quel rôle l’UE doit-elle jouer en matière d’immigration et d’asile ? Chaque drame humain en Méditerranée rend la question plus pressante. Le dernier en date - cinq clandestins érythréens, recueillis le 20 août au large de l’île italienne de Lampedusa (sud de la Sicile), ayant raconté que 73 de leurs compagnons étaient morts de faim et de soif en trois semaines d’errance entre Afrique et Europe – ne fait évidemment pas exception.

La présidence suédoise de l’UE et la Commission européenne ont promis des propositions pour la rentrée, alors que les pays du Sud (Italie, Grèce, Malte et Chypre) réclament avec insistance des « actions concrètes » contre l’immigration illégale, mais aussi plus de « solidarité européenne » en matière d’asile.

En préparation depuis quelques mois, des projets sont attendus pour septembre. Mais les initiatives de Bruxelles ne règleront pas tout le problème. Car, comme l’a rappelé récemment un porte-parole de l’exécutif européen, le rôle de la Commission est de coordonner la politique d’immigration et des frontières revenant à chacun des 27 Etats membres.

Il n’empêche, Bruxelles va tenter de susciter une solidarité intra-européenne à l’égard des pays du Sud de la Méditerranée et, avant tout, vis-à-vis du petit archipel de Malte où échouent en nombre croissant des clandestins et des demandeurs d’asile. Le tout en surfant sur l’élan initié par la France qui, le 9 juillet, a accepté d’accueillir 91 Somaliens, Erythréens, Soudanais, Sri Lankais et Ivoiriens (selon les données maltaises) qui s’étaient vus reconnaître par Malte une protection juridique en raison des risques encourus dans leur pays. 

Le « projet-pilote » maltais vise à répartir un certain nombre de réfugiés dans d’autres pays de l’UE. Dès la mi-septembre, donc, les Vingt-Sept seront invités à dire s’ils veulent participer et combien de réfugiés ils sont prêts à accueillir. Pour l’heure, aucune autre déclaration officielle à signaler hormis celle du ministre français de l’Immigration, Eric Besson, qui a indiqué que son pays renouvellerait l’opération du 9 juillet en 2010.

En dépit des pressions de l’Italie, de la Grèce, de Malte et de Chypre, les pays du Nord sont de fait réticents à toute nouvelle contrainte en matière d’immigration. Mais les positions ont quelque peu évolué. Exemple : le ministre allemand l’Intérieur Wolfgang Schäuble a montré des signes d’ouvertes, le 16 juillet à Stockholm, à l’occasion d’une réunion informelle avec ses collègues européens. Il a certes rappelé que son pays avait fait sa part du travail en reprenant des réfugiés des Balkans dans les années 90, puis en proposant récemment d’accueillir des réfugiés irakiens. En ajoutant, néanmoins : « Si nous ne sommes pas prêts à organiser une solidarité, le système de Dublin (sur lequel repose la coordination européenne en matière d’asile) va tomber en morceaux. Et si le système de Dublin s’effondre, c’est la politique commune d’asile et d’immigration qui sera privée de sa base ». Aux pays qui, comme l’Autriche, s’inquiètent d’un appel d’air à l’immigration, le commissaire chargé du dossier, Jacques Barrot, a rétorqué : « leur nombre restera acceptable si l’Europe se montre solidaire ». 

Trois scénarios

Dans une lettre envoyée dès juin aux ministres, le commissaire Barrot a exposé ses idées pour rationaliser le projet. Il a également promis un soutien financier aux pays participants. Trois scénarios ont envisagés : 1. Des Etats présentent un projet commun, sous l’égide d’un pays leader, avec le possible soutien d’une organisation internationale, comme le Haut-commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR). 2. Un pays a son propre projet, à l’instar de la France. Mais, dans ce cas, le jeu doit en valoir la chandelle : "S’il s’agit de réinstaller cinq réfugiés dans un Etat donné, il n’y aura pas d’intérêt à présenter de projet", prévient la Commission. Ce pays risquerait d’ailleurs de ne pas être éligible au Fonds européen pour les réfugiés. 3. Quelle que soit la structure (plusieurs pays ou un pays isolé), le HCR et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) participent, comme ils y sont prêts. Le cas français fait aussi référence, car Paris a eu recours aux services de santé, d’orientation culturelle, de formation linguistique et de transport de l’OIM. 

Une fois que les Etats intéressés se seront prononcés, la Commission lancera, avant fin septembre, un appel à propositions pour financer les futurs projets. Parallèlement, l’UE fixera noir sur blanc ses priorités pour la justice, les affaire intérieures (dont l’immigration et l’asile) pour les cinq prochaines années. Ce programme dit « de Stockolhm », feuille de route un peu fourre-tout, prendra la suite des programmes de Tampere (2000 - 2005) et de La Haye (2005 - 2010). Les Vingt-Sept doivent l’adouber en décembre.

 

 

 

 

Réfugiés : l’UE tente de redorer son image internationale

 

Le 2 septembre, la Commission européenne devrait mettre sur la table du Conseil des ministres un projet de mécanisme européen de « réinstallation » de réfugiés actuellement protégés par des « pays tiers » (hors UE).

 

Toute participation des Vingt-Sept sera volontaire. Mais la Commission a des arguments pour inciter les pays européens à réinstaller sur leur sol des réfugiés qui ne peuvent pas rentrer chez ni rester en sécurité où ils se trouvent.

 

D’abord, les besoins vont croissant. Sachant que le gros des 10 millions de réfugiés dans le monde est actuellement en Syrie, Jordanie, Iran, au Pakistan, Kenya et Tchad. Ensuite, si la réinstallation n’a concerné que 80 000 personnes en 2007, soit moins de 1 % de la population mondiale des réfugiés, pour 2009, le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) estime que 560 000 personnes devront être réinstallées. Principales nationalités d’origine : Birmans, Somaliens, Irakiens et Congolais. Il y a environ 80 % d’approbation, dit le HCR.

Or, dans ce domaine, l’UE fait pâle figure. Toujours en 2007, seuls 4 400 réfugiés ont été réinstallés dans toute l’Europe contre plus de 48 000 aux Etats-Unis et plus de 11 000 au Canada.

 

Créer un mécanisme européen permettrait donc à l’UE de « crédibiliser » son rôle dans le concert international et de démontrer sa solidarité vis-à-vis des pays tiers.

 

Les pays du Nord de l’Europe (Finlande, Danemark, Suède, Irlande, Pays-Bas, Royaume-Uni et, hors UE, Norvège et Islande) font déjà partie des traditionnels pays d’accueil. Depuis deux ans, la France, le Portugal, la République tchèque et la Roumanie ont lancé des programmes annuels. L’Allemagne, l’Espagne, le Luxembourg, l’Italie et la Belgique se sont spécifiquement engagés dans la réinstallation de réfugiés irakiens de Syrie et de Jordanie. Mais d’autres pays ne font rien.

 

« Pour le moment, les États membres représentent moins de 10 % de la réinstallation dans le monde. Cela leur laisse une grande marge de manœuvre pour faire plus », commente Judith Kumin, la directrice du bureau européen du HCR. La Commission va proposer d’établir des priorités de réinstallation à mettre à jour tous les ans. Sans évoquer l’idée de quotas (puisqu’il s’agit d’une base volontaire), Bruxelles veut donner la priorité aux réfugiés irakiens de Syrie et de Jordanie, aux Soudanais du Tchad ou encore aux Somaliens du Kenya. Et, plus précisément aux femmes seules, aux enfants et aux personnes traumatisées ou handicapées. 

Les Etats membres qui s’engageront pourront être soutenus financièrement par l’UE.