Impasse en Israël

La mise en examen du premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, pour corruption et fraude, ne fait qu’enfoncer un peu plus l’Etat hébreu dans le chaos. Celui-ci est en effet plongé dans une crise politique sans précédent, qui se traduit par la paralysie de ses institutions. Au terme de deux élections législatives anticipées, en avril et en septembre, le pays se révèle incapable de se donner un gouvernement, faute d’une majorité à la Knesset. Aucune formation ne peut crier victoire. Le paysage politique apparaît trop morcelé pour que l’un ou l’autre des grands partis puisse, à lui seul, exercer le pouvoir.

Tour à tour, Benyamin Nétanyahou et son principal rival, Benny Gantz, ont échoué dans leurs efforts pour former une coalition qui aurait permis à l’un ou à l’autre de prendre la direction de l’exécutif. Le Likoud du premier ministre sortant et le mouvement centriste Bleu Blanc de l’ancien chef d’état-major ont fait jeu égal à l’issue du dernier scrutin. Ni l’un ni l’autre n’ont obtenu assez de sièges pour prétendre gouverner sans le concours d’autres partis. Le président de la République a confié successivement aux deux dirigeants la mission de mettre sur pied une alliance majoritaire. Ils ont dû renoncer l’un après l’autre.

En attendant, Benyamin Nétanyahou continue d’expédier les affaires courantes, malgré sa mise en examen. Loin de chercher les voies de l’apaisement, il jette plutôt de l’huile sur le feu en se disant victime d’une « tentative de coup d’Etat contre un premier ministre sur la base de fausses accusations ». Premier ministre depuis 2009 après l’avoir été une première fois de 1996 à 1999, il bat tous les records de longévité pour un chef de gouvernement israélien. Il n’entend pas aujourd’hui s’avouer vaincu et préfère contre-attaquer en s’en prenant à ses juges. « Dans quelle démocratie, dans quel Etat de droit vivons-nous ? », s’est-il écrié après l’annonce de sa mise en examen. Son intransigeance rend difficile toute tentative de conciliation.

La solution raisonnable serait celle d’un gouvernement d’union nationale sous la conduite de Benny Gantz. Celui-ci dit avoir essayé de mettre sur pied une telle combinaison. « J’ai soulevé chaque pierre pour tenter de former un gouvernement d’union nationale », a-t-il dit après avoir reconnu son échec. Pourtant, les différences ne sont pas considérables entre l’ancien chef d’état-major, un ex-parachutiste qui a fait une belle carrière dans l’armée avant de devenir chef d’état-major, et le premier ministre sortant, en matière de sécurité. Benny Gantz a fait campagne, pour l’essentiel, sur des questions de politique intérieure, prenant pour cible la corruption et promettant de gouverner « dans l’intérêt de tous les Israéliens, et non dans l’intérêt de groupes de pression ».
Les deux principaux partis pourraient donc s’entendre pour gouverner ensemble. Benyamin Nétanyahou s’est dit prêt, lui aussi, à prendre la tête d’un gouvernement d’union nationale. Mais sa personnalité est telle qu’elle provoque les crispations et aiguise les oppositions, surtout après sa mise en cause par la justice et la posture de combat qu’il a aussitôt adoptée. Par leur vote, les Israéliens ont dit « non » au premier ministre sortant, à deux reprises, en lui refusant une majorité. Celui-ci, fort du soutien actif de Donald Trump, s’obstine à ne pas comprendre. Il est aujourd’hui un obstacle à la recherche d’un compromis.

Si la crise persiste, Israël s’acheminera vers une troisième élection législative en moins d’un an. Mais on ne voit pas comment ce nouveau scrutin pourrait donner des résultats très différents de ceux des deux précédents. La fragmentation de l’électorat israélien est et demeure un facteur de blocage. Celui-ci ne pourra être levé que par un accord entre les principales formations, ce qui demandera beaucoup de sagesse aux uns et aux autres. « Le chemin s’ouvre pour réparer la société israélienne », a déclaré Benny Gantz au lendemain des élections. Ce chemin paraît encore problématique.