Le rendez-vous européen du 7 juin prochain a d’abord et avant tout un enjeu national. Et cet enjeu se confond totalement avec la personne et la politique de Nicolas Sarkozy. Le président est aujourd’hui victime d’une crise de confiance. Lorsque l’on demande aux Français ce qu’ils pensent du chef de l’Etat et de sa politique, ils sont une large majorité à ne pas lui faire confiance et à désapprouver son action. Mais Nicolas Sarkozy bénéficie, dans le même temps, de la crise politique que traverse le pays du fait de l’absence d’une alternance crédible. Quand on demande aux Français quel autre responsable politique ferait mieux que l’actuel chef de l’Exécutif, ils n’en voient aucun. C’est à cette aune que sera lu le résultat du scrutin le mois prochain.
Objectif 2012
L’importance ou non du vote sanction sera déterminante pour la suite du quinquennat et pour la présidentielle de 2012. Pour poursuivre le train de réformes qu’il appelle de ses vœux, le président de la République a besoin en effet d’un minimum de consensus. Sans cette confiance, la volonté réformatrice présidentielle achoppe. On l’a bien vu avec la réforme de l’Université ou avec celle de l’Hôpital. L’ordre d’arrivée des différentes listes ne sera pas non plus sans conséquence sur la prochaine présidentielle. Un score calamiteux de l’UMP pourrait hypothéquer pour partie les chances de réélection de Nicolas Sarkozy en 2012. La chance de Nicolas Sarkozy, si l’on peut dire, est le très mauvais score réalisé par l’UMP aux européennes de 2004. Entre les 16,6% obtenus par le parti majoritaire, il y a cinq ans, et le score réalisé au par Nicolas Sarkozy au premier tour de la présidentiel de 2007, la marge est grande !
Parce que l’enjeu de ces élections européennes est d’abord national et qu’il s’identifie à la personne et à l’action de Nicolas Sarkozy d’autant plus que ce dernier est à la fois président de la République et chef de parti, la campagne ne pouvait réellement commencer qu’avec l’entrée en scène du chef de l’Etat. Le grand meeting organisé par l’UMP à Rueil- Malmaison, le 28 avril dernier, bien qu’ayant bénéficié de la présence de 14 ministres du gouvernement, n’a pas donné le "la" de cette campagne majoritaire. Le vrai et seul patron de la campagne pour la majorité est Nicolas Sarkozy.
C’est lui qui a défini le triptyque thématique de la campagne que va mener l’UMP dans un hymne vibrant à l’action et au volontarisme en forme de satisfecit. A Nîmes, Nicolas Sarkozy a célébré le volontarisme dont il dit avoir fait preuve dans la mise en œuvre de ses réformes, dans la manière dont il a assuré la présidence du Conseil européen au deuxième semestre 2008 et dans la façon dont il gère la crise et prépare la sortie de crise.
L’Europe selon Sarkozy
Qui dit élection européenne dit théoriquement enjeu européen. Le président de la République donnant le coup d’envoi de la campagne de son parti ne pouvait pas ne pas dessiner le portrait de l’Europe à laquelle il dit aspirer. Se livrant à un exercice d’auto-congratulation dont il a le secret, Nicolas Sarkozy a pris sa propre présidence du Conseil européen pour modèle de ce que pourrait être le fonctionnement d’une Europe volontaire et ambitieuse, une Europe qui sait ce qu’elle est et qui sait ce qu’elle veut. Il n’a pas eu de mots assez durs pour critiquer l’Europe de l’inaction et de l’impuissance, pour stigmatiser l’enlisement de l’Union dans un élargissement sans fin et pour condamner une nouvelle extension à la Turquie, pour stigmatiser aussi l’Europe du dumping et du marché, pour regretter enfin une Europe incapable d’harmoniser les fiscalités de ses membres.
Le portrait, à l’aube de la campagne des élections européennes, de cette Europe souhaitée a de quoi séduire. Il ne correspond que bien imparfaitement pourtant à ce qu’a été la présidence française du Conseil européen et moins encore aux options prises depuis par Paris.
Comme le souligne cruellement le grand expert des questions européennes qu’est Jean-Louis Bourlanges, Nicolas Sarkozy a sans doute fait du mieux qu’il pouvait lorsqu’il présidait l’Union. Mais, au bilan, l’Europe n’a fait dans l’affaire géorgienne que céder aux Russes ce qu’elle ne pouvait pas leur contester faute d’avoir une défense crédible. Et l’Europe, présidée par la France, n’a fait dans la crise que donner aux banques que ce qu’elle ne pouvait leur refuser. Mais faute d’un gouvernement économique, elle a été incapable de mettre sur pied un plan de relance commun et coordonné. Chacun a bricolé son plan de relance dans son coin, la France comme les autres et plus que les autres.
Cette Europe du marché et du dumping qu’aujourd’hui le président dénonce, il la célébrait hier dans sa phase libérale et avant que la crise n’appelât l’intervention autoritaire des Etats. Il est d’ailleurs le premier aujourd’hui à encourager l’exception fiscale des Irlandais, façon d’acheter leur vote en faveur du traité de Lisbonne.
Mais le plus étrange peut-être, est que le président, alors même qu’il lance une campagne pour désigner des députés au Parlement européen, ne dit pas un mot de cette assemblée. Pas une seule mention dans son discours de cette représentation parlementaire dont le traité de Lisbonne, vanté par le chef de l’Etat, accroît les compétences. Pas la moindre allusion au fait que si ce traité était finalement adopté d’ici à l’automne prochain, il reviendrait aux parlementaires européens de désigner le président de la Commission. Une telle hypothèse a été d’emblée écartée. Paris a déjà clairement souhaité la reconduction de José Manuel Durão Barroso, l’actuel président de la Commission, brillant diplomate mais dont la principale vertu aux yeux de la France comme à ceux des autres pays européens est d’avoir mis la Commission en sommeil et de ne jamais prendre la moindre initiative. Nicolas Sarkozy appelle une Europe volontaire et ambitieuse mais ne veut point d’une Commission volontariste et active et il ignore tout bonnement le parlement européen. L’Europe à la sauce nîmoise est une Europe intergouvernementale. Elle n’a plus rien de la fédération des Etats-nations jadis défendue par Jacques Delors.