La question européenne est l’un des principaux thèmes des élections législatives du 7 mai en Grande-Bretagne, depuis que le premier ministre sortant, David Cameron, s’est engagé, en cas de victoire, à consulter les Britanniques sur un éventuel retrait de l’Union européenne. Même si ce sujet n’est pas le seul qui intéresse les électeurs à quelques jours du scrutin, il fixe quelques-unes des lignes de partage qui séparent les divers protagonistes dans un paysage politique recomposé. De l’europhobie la plus résolue, manifestée par l’eurodéputé Nigel Farage, à l’europhilie la plus constante, affichée par le vice-premier ministre Nick Clegg, le spectre des positions exprimées par les partis en présence est assez varié pour que tout le monde y trouve son compte.
Les attaques de Nigel Farage
Du côté des eurosceptiques, Nigel Farage, 51 ans, infatigable pourfendeur de l’Union européenne, eurodéputé depuis 1999 et chef de file du Parti de l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP), est en concurrence directe avec David Cameron, 48 ans, numéro un du Parti conservateur, au pouvoir depuis 2010, qui ne perd pas une occasion d’opposer la souveraineté britannique aux ingérences de la bureaucratie européenne. C’est pour éviter qu’une partie de ses électeurs ne se tournent vers le parti de Nigel Farage qu’il a eu l’idée de proposer un référendum sur l’appartenance, ou non, de la Grande-Bretagne à l’Union européenne. Il demandera au préalable à ses partenaires européens la négociation d’un nouveau traité, plus respectueux des souverainetés nationales, et c’est ce texte qui sera soumis au vote du peuple.
David Cameron ne souhaite pas, à la différence de Nigel Farage, que la Grande-Bretagne sorte de l’Union européenne. Il continue de penser que l’Europe est un atout pour son pays, à condition qu’elle n’empiète pas trop sur ses prérogatives. Son espoir est que les dirigeants européens se montrent assez conciliants pour satisfaire une partie, sinon la totalité, de ses exigences, en échange du maintien de la Grande-Bretagne dans l’UE. Rassurés, les électeurs britanniques accepteraient, selon lui, de renoncer à rompre avec l’Europe. Ce pari est-il raisonnable ? Ce qui est vrai, c’est que les partenaires de la Grande-Bretagne ne souhaitent pas que celle-ci quitte l’UE, même si elle les agace souvent par ses atermoiements. Ils savent que l’Europe serait affaiblie par le départ d’un des ses membres les plus dynamiques, qui sert de contrepoids à la puissance franco-allemande. Mais ils ne sont pas prêts à consentir, pour cette seule raison, à toutes les demandes britanniques.
Ed Miliband chef de file des pro-européens
Dans le camp des pro-européens, Ed Miliband, 45 ans, chef du Parti travailliste, est candidat à la succession de David Cameron. Ce fils d’un théoricien marxiste renommé a été membre des gouvernements de Tony Blair et de Gordon Brown. Il se situe dans la tradition d’ouverture à l’Europe qui a caractérisé, avec des nuances, le New Labour lorsqu’il était au pouvoir. Ed Miliband est le seul, parmi les dirigeants britanniques en compétition, qui combatte l’idée d’un référendum sur l’Union européenne. « Nous croyons fermement que l’avenir de la Grande-Bretagne est dans l’Union européenne », a-t-il déclaré en annonçant il y a quelques semaines qu’en cas de victoire il ne proposerait pas la tenue d’un référendum. Cet engagement a été notamment salué par le Financial Times, quotidien proche des milieux d’affaires.
Ed Miliband peut trouver des alliés, s’il est en position de prétendre au poste de premier ministre, du côté d’autres forces politiques qui se partagent un paysage aujourd’hui fragmenté, à commencer par les Ecossais du Parti national écossais, dont la présidente, Nicola Sturgeon, 44 ans, a été mise en vedette par plusieurs débats télévisés. Le paradoxe est que les nationalistes écossais sont en Ecosse les principaux adversaires des travaillistes, qu’ils devraient priver d’une bonne partie de leurs sièges, et qu’en même temps ils apparaissent, si besoin est, comme leurs alliés potentiels. Ed Miliband a repoussé, pour le moment, leurs appels du pied. Les nationalistes écossais sont de fervents partisans de la construction européenne mais ils sont favorables à l’organisation d’un référendum qui pourrait leur servir de prétexte, si le non l’emportait, pour réclamer une nouvelle consultation sur l’indépendance de l’Ecosse, après leur défaite de septembre 2014. Autre pro-européen convaincu, l’actuel vice-premier ministre Nick Clegg, 48 ans, pourrait être tenté de se séparer de David Cameron pour rejoindre un éventuel gouvernement travailliste. Les Verts, conduits par Natalie Bennett, 49 ans, pourraient également s’associer à une telle coalition favorable à l’Europe.
L’hebdomadaire britannique The Economist estime que les élections de 2015 auront « une influence décisive » sur la place de la Grande-Bretagne en Europe, même si les électeurs n’en sont pas pleinement conscients et continuent de donner la priorité aux questions économiques et sociales. Au moment où les Européens s’interrogent sur leur avenir face aux défis de l’immigration et aux difficultés de la mondialisation, la réponse qu’apporteront les électeurs britanniques aux questions posées par leurs dirigeants ne sera pas sans conséquences sur l’évolution de la construction européenne.