La France est en guerre. C’est le président de la République qui le dit. Elle est en guerre contre « da’ech », l’ « Etat islamique en Irak et au Levant ». Comme le sont les Etats-Unis, et une quarantaine de pays du monde, dont la Belgique, le Danemark et, depuis le vendredi 26 septembre, la Grande-Bretagne. L’Allemagne ne bombarde pas ; elle se limite à envoyer des armes et à former les peshmergas kurdes. Il n’en reste pas moins que plusieurs Etats européens participent, d’une manière ou d’une autre, à la lutte contre les djihadistes.
Et l’Union européenne ? Elle est étrangement silencieuse. Elle est supposée développer une politique extérieure et de sécurité commune. Elle dispose d’un service d’action extérieure à la tête duquel se tient un Haut représentant qui est aussi vice-président(e) de la Commission de Bruxelles. En l’occurrence Catherine Ashton jusqu’au 1er novembre et Federica Mogherini à partir de cette date. Que disent-elles à propos de « Da’ech » dont les dirigeants nationaux affirment qu’il constitue une menace pour la sécurité européenne ? Rien.
Si l’on n’est pas trop pessimiste, on peut avancer une explication conjoncturelle : la Commission de Bruxelles se trouvant dans une période de transition entre l’équipe Barroso qui s’en va et l’équipe Juncker qui n’est pas encore installée, Mme Ashton n’a plus la légitimité pour parler au nom de l’Europe et Mme Mogherini n’en a pas encore l’autorité.
Malheureusement l’argument est insuffisant. La vraie raison du silence européen est plus inquiétante. C’est l’incapacité de l’UE à définir une politique extérieure commune et à parler d’une seule voix, en particulier quand l’utilisation de moyens militaires est en jeu. La responsabilité n’en repose pas seulement sur une Commission sur le départ mais sur le Conseil européen, composé des chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-huit, qui est en dernière analyse compétent pour la politique étrangère et la sécurité.
Face à un danger qui conduit à la guerre, on aurait pu imaginer que la présidence du Conseil – Herman Van Rompuy, qui s’en va aussi à la fin de l’année – ou la présidence tournante (italienne) – que le traité de Lisbonne n’a pas abolie —, convoque un sommet des chefs d’Etat et de gouvernement. Il n’en a rien été. Chacun est resté dans son coin, prenant ses décisions sans véritable consultation des partenaires. Chacun est parti en campagne de son côté, avec pour seul élément fédérateur les Etats-Unis qui coordonnent les frappes contre les positions djihadistes.
Lors de sa conférence de presse, François Hollande s’en est ému. Mais surtout pour regretter que la France supporte seule, ou presque, le, poids financier d’une politique de défense supposée être au service de l’Europe toute entière et pas seulement des intérêts nationaux français. Ils ne sont en effet pas nombreux les pays européens capables de déployer des troupes à l’extérieur, de participer à des opérations en Afrique ou de bombarder les « terroristes » au Moyen-Orient. Et ils sont encore moins nombreux, ceux qui en auraient les moyens mais qui n’en ont pas la volonté politique.
Pour faciliter le respect par la France du Pacte européen de stabilité et de croissance, le président de la République souhaiterait qu’une partie du budget de la défense soit défalquée du budget national, puisque la France s’engage pour les autres. Ce ne serait peut-être que justice. Mais ça ne saurait remplacer une politique européenne commune de défense et de sécurité.