La reconstruction de l’Europe se fera lentement. Les chefs d’Etat et de gouvernement, réunis le 16 septembre à Bratislava, reconnaissent, comme l’a dit Angela Merkel, que l’Union est dans un état critique, mais ils demandent du temps pour trouver les remèdes qui la guériront. La réunion de Bratislava, expliquent-ils, n’était que « le début d’un processus ». Elle sera suivie d’autres rencontres, qui devraient permettre de faire progresser la réflexion et de fixer enfin, dans six mois, à l’occasion du 60ème anniversaire du traité de Rome, en mars 2017, des « orientations » pour l’avenir commun des Européens.
En attendant, les Vingt-Sept, en réponse aux Britanniques, qui ont choisi de rompre, et à tous ceux qui seraient tentés de suivre leur exemple, affirment qu’à leurs yeux l’Union européenne « demeure indispensable » et que, si elle « n’est pas parfaite », elle est « le meilleur instrument » dont disposent les Européens pour relever « les nouveaux défis ». Aussi se disent-ils déterminés à assurer sa réussite après le départ de la Grande-Bretagne. Ils s’engagent même à offrir à leurs citoyens, dans les prochains mois, « une vision d’une UE attrayante, à même de susciter leur confiance et leur soutien ». Ils affirment, contre l’opinion d’une grande partie de leurs peuples, qu’ils ont « la volonté et la capacité d’y parvenir ».
Reste à en apporter la preuve. Au cours des consultations qui ont précédé le sommet de Bratislava, le président du Conseil européen, le Polonais Donald Tusk, a estimé que les trois grands défis auxquels l’Europe doit faire face sont « les migrations irrégulières incontrôlées, le terrorisme et les craintes liées à la mondialisation ». La « feuille de route » adoptée dans la capitale slovaque reprend ces trois thèmes en invitant les Vingt-Sept à répondre en priorité aux craintes des citoyens « liées aux migrations, au terrorisme et à l’insécurité économique et sociale ». Dans ces trois domaines, elle définit des objectifs et annonce des « mesures concrètes » en s’efforçant d’utiliser « un langage clair et honnête ».
Il est vrai que la déclaration de Bratislava est rédigée dans un langage plus simple et plus direct que nombre de textes issus des institutions européennes. Sur les migrations, elle promet un « contrôle total » des frontières extérieures, notamment par la mise en place du corps de garde-frontières et de garde-côtes dont la création a été décidée il y a quelques mois, et la définition d’une politique migratoire à long terme. Sur le terrorisme, elle propose d’« intensifier la coopération et l’échange d’informations entre les services de sécurité des États membres » et d’avancer dans la voie d’une défense commune. Sur l’économie, elle envisage l’extension du Fonds européen pour les investissements stratégiques et souhaite que l’UE soutienne les Etats dans leur lutte contre le chômage des jeunes.
Le diagnostic est juste et les prescriptions semblent pertinentes. Si l’Europe manque de souffle, il est normal de la mettre en réanimation avant qu’elle ne reprenne sa convalescence. Il n’était pas inutile de rappeler, au lendemain du Brexit, que les Vingt-Sept n’ont pas perdu toute confiance dans l’Union européenne et qu’ils n’ont pas renoncé à la sauvegarder. Mais on est loin de la « nouvelle impulsion » qu’ils souhaitent lui donner pour répondre enfin aux attentes des citoyens et les prémunir, comme le souligne la déclaration de Bratislava, contre « les solutions simplistes des forces politiques extrémistes ou populistes ».
La fragmentation de l’Union européenne, marquée par des divergences profondes entre les Etats du Nord, du Sud et de l’Est, rend encore improbable un élan commun. On voit mal comment il deviendrait possible dans six mois. Le mieux que l’on puisse espérer, c’est que l’UE reprenne, à petits pas, sa marche en avant pour améliorer, dans quelques domaines-clés, la coopération entre ses membres.