L’Office européen des brevets vient de publier son index pour 2020. Les Européens ont déposé auprès de lui 65 854 brevets contre 44 293 pour les Américains et 13 432 pour les Chinois. 4 pays européens figurent dans les dix premiers et 11 d’entre eux dans les 20 premiers. Cela n’empêche pas les commentateurs d’expliquer à tous vents combien le vieux continent est en retard pour l’innovation et d’en convaincre les décideurs comme les citoyens, attentant gravement à leur moral en déformant la réalité.
Que dire alors des délires hurlants à propos des vaccins, réputés nous délivrer des confinements ? La somme d’articles, de commentaires « éclairés », d’évidences colportées sur « l’échec de l’Europe » doit être scrupuleusement conservée afin d’être opposée, dans quelques mois, à leurs auteurs qui n’ont pas peur de citer en exemple les Etats-Unis ou le Royaume-Uni, la Chine ou la Russie, qui auraient mieux réussi que l’Union européenne.
Auront-ils honte d’avoir oublié d’expliquer que les deux premiers affichent le plus grand nombre de décès, que les Britanniques ont décalé l’administration d’une deuxième dose rendant le vaccin effectif, que la Russie n’a pas de quoi vacciner sa population et que les Chinois ont choisi la privation de libertés pour vaincre un virus qui leur a échappé faute de précautions suffisantes, etc. ?
Aucun Etat n’a de leçon à donner, mais les Européens, comme souvent, adorent s’auto-flageller, alors que ce sont eux qui inventent et financent les vaccins dont ils vont devenir dans quelques mois les principaux producteurs mondiaux.
Vivant sur le continent qui affiche le plus gros PIB en valeur absolue, celui qui a inventé presque tout ce qui se matérialise dans notre entourage, de l’électricité à l’Internet en passant par la machine à vapeur et la fusée, les Européens sont persuadés que d’autres les dépassent. Alors qu’ils ont inventé la démocratie et plus encore le respect de la personne, habitant les terres où la culture fait partie de l’essence humaine au point d’avoir illuminé le monde tant de fois, ils semblent pourtant ne plus croire en leur avenir. Ou plutôt, face à l’importance des défis qui leur sont lancés et à une vraie concurrence désormais exacerbée par l’émergence de nouvelles puissances, ils donnent le sentiment d’avoir baissé les bras. N’ont-ils vraiment plus envie de se battre, de rivaliser, de conquérir, de découvrir ?
L’Europe, le continent des confinements, serait-elle devenue une vieille terre fatiguée peuplée de frileux apeurés par leur propre abandon ?
Nul ne peut sous-estimer les défis qu’elle devra relever face à des concurrents redoutables à la démographie favorable, qui ont accès aux sciences et aux techniques, qui mêlent les savoirs et s’enrichissent de la connaissance accumulée, qui bouleversent les habitudes et les codes les mieux installés ! Mais de là à sous-estimer leurs forces, à s’auto-mutiler, à toujours débiner ce qu’ils ont construit, à ne voir que leurs défauts, il y a un pas que les Européens ont franchi et qu’incarne parfaitement leur attitude dans une crise sanitaire qui pourrait bien n’être qu’un affolement dommageable.
Les Etats européens sont riches et puissants. Leurs sociétés de droit et de liberté sont plus solides que les dictatures et les régimes autoritaires. Leur mode de vie attire, leurs solidarités séduisent et leur culture ébahit. Leur alliance impressionne et dérange. Les Européens ont encore la force, mais ont-ils encore la foi ?