Il y a deux ans, le 23 juin 2016, les Britanniques décidaient, par référendum, de sortir de l’Union européenne, dans laquelle ils étaient entrés le 1er janvier 1973. L’échéance approche. A partir du 29 mars 2019, dans neuf mois, le Royaume-Uni cessera de faire partie de l’Union, même si une période de transition lui permettra de négocier jusqu’au 31 décembre 2020 sa relation future avec ses anciens partenaires. Cette relation future reste encore énigmatique. La première ministre, Theresa May, n’a pas encore tranché entre un Brexit « dur », défendu par ceux qui veulent rompre clairement avec l’Union européenne, au nom de la souveraineté retrouvée du pays, et un Brexit « doux », prôné par ceux qui souhaitent conserver des liens étroits avec le continent.
Dans un cas, le Royaume-Uni redeviendra un pays comme les autres, autorisé à conclure tous les accords qu’il voudra avec le reste du monde sans être entravé par son appartenance à l’UE. Avec celle-ci, il pourra conclure un traité de libre-échange et des accords de coopération dans des domaines comme la défense ou la sécurité, mais il recouvrera sa totale indépendance et retombera, en matière commerciale, dans le droit commun de l’OMC (Organisation mondiale du commerce), hors des contraintes européennes de la libre circulation et du marché unique.
Dans l’autre, il choisira de maintenir une association de fait avec l’UE, sur le modèle possible de la Norvège, qui participe, au titre de l’EEE (Espace économique européen), au marché unique (sauf pour l’agriculture), ainsi qu’aux agences et programmes communautaires, et qui contribue au budget européen. Selon un livre blanc publié par le gouvernement norvégien, la Norvège est intégrée à 75% à l’UE. L’EEE, qui réunit les vingt-huit Etats de l’UE et trois pays de l’Association européenne de libre-échange (Norvège, Islande, Liechtenstein), s’apparente à une union économique sans union douanière.
A la recherche d’un compromis
On peut imaginer des solutions intermédiaires entre la séparation franche et la sauvegarde d’une union plus ou moins forte entre Londres et Bruxelles. C’est à la recherche de ce compromis que travaillent les négociateurs. Theresa May doit à la fois apaiser les Brexiters purs et durs, qui lui enjoignent de respecter strictement la volonté des électeurs, et rassurer les pro-européens, qui la pressent de limiter les dégâts potentiels du Brexit. D’une déclaration à l’autre, elle oscille entre les deux camps pour tenter de préserver l’unité de son gouvernement et la cohésion de son parti. Mais il lui faudra bien sortir de l’incertitude. « Nous sommes de plus en plus frustrés du manque de clarté », a déclaré l’un des responsables d’Airbus, qui menace de quitter le Royaume-Uni.
Le prochain Conseil européen fera le point le 29 juin sur l’état des négociations. La discussion tournera autour de trois thèmes : l’accord de retrait, qui porte notamment sur le statut des expatriés et la contribution financière du gouvernement britannique, la question de la frontière entre les deux Irlandes, qui demeure un casse-tête, le cadre de la future relation entre le Royaume-Uni et l’UE. Sur le premier thème, un accord est en vue. Sur les deux suivants, beaucoup reste à faire, selon les négociateurs.
La question irlandaise
L’Union européenne a rappelé, à l’occasion du précédent Conseil européen, le 23 mars, qu’elle souhaite « un partenariat aussi étroit que possible » avec le Royaume-Uni à l’avenir, en particulier dans le domaine de la coopération économique et commerciale, de la lutte contre le terrorisme, de la politique étrangère et de défense. Mais elle estime que les positions de Londres, notamment sa volonté de quitter l’union douanière et le marché unique, limiteront la portée d’un tel partenariat. Elle souligne que la participation au marché unique ne saurait se faire « à la carte », c’est-à-dire dans certains secteurs, et non dans d’autres, selon le principe du « cherry picking ».
Voilà donc Theresa May face à ses responsabilités. Les chefs d’entreprise en particulier s’inquiètent de ses tergiversations. « Il faut débloquer la situation du Brexit, et vite », affirme le président de la Confédération de l’industrie britannique, le principal syndicat patronal. La première ministre a obtenu de sa majorité parlementaire qu’elle renonce à réclamer un droit de veto sur l’accord qui sera conclu avec Bruxelles au terme des négociations. Encore faut-il que les négociateurs parviennent à un accord, qu’il soit « dur » ou « doux ». Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, n’hésite pas à dire que l’UE se prépare au pire, c’est-à-dire à une absence d’accord.
Le choix que fera Theresa May est encore compliqué par la question irlandaise. Pour éviter le rétablissement d’une frontière entre la République d’Irlande, qui est et demeurera membre de l’Union européenne, et l’Irlande du Nord, qui la quittera en même temps que le reste du Royaume-Uni, les négociateurs européens suggèrent que l’Irlande du Nord reste dans l’union douanière, voire dans le marché unique. Une proposition jugée inacceptable par Londres, qui refuse de séparer l’Irlande du Nord du reste du Royaume-Uni mais qui, pour le moment, n’a pas été capable de présenter une contre-proposition crédible. Le dernier document présenté par Theresa May « soulève plus de questions qu’il n’apporte de réponses », déclaré Michel Barnier. Le blocage reste entier.