Alexis Tsipras a gagné les élections anticipées provoquées par sa démission du poste de Premier ministre après qu’une partie des députés de son parti eurent refusé de voter en faveur de l’accord avec les créanciers. Mais il a échoué à atteindre son objectif initial : avoir la majorité absolue. Avec 35,5% des voix, Syriza est le premier parti de la Grèce et obtient un bonus de 50 sièges. Son groupe parlementaire comptera ainsi 145 députés sur 300. Alexis Tsipras a décidé de reconduire la coalition avec les Grecs indépendants, une formation souverainiste de droite qui obtient 10 députés. Il a écarté l’hypothèse d’une alliance plus large avec le Pasok et/ou Potami. Celle-ci aurait été un signal en direction des partenaires européens que la Grèce est décidée à mettre en œuvre l’accord du 13 juillet avec l’eurogroupe. Mais Alexis Tsipras préfère une petite coalition qui lui laissera les mains libres pour les mouvements tactiques dont il a le secret.
Une victoire d’ampleur inattendue
L’ampleur de sa victoire est inattendue alors que les sondages laissaient prévoir un résultat très serré entre Syriza et la Nouvelle démocratie. Comme lors du référendum de juillet, les sondeurs se sont trompés. Alexis Tsipras devait pourtant faire face à des vents contraires. En sept mois, il avait changé radicalement de politique. Elu sur un programme anti-austérité et anti-troïka, il a fini par accepter des conditions encore plus draconiennes que ses prédécesseurs. Il devait affronter une dissidence sur sa gauche qui risquait de lui coûter les quelques points dont il avait besoin pour arriver en tête aux élections anticipées. Enfin, il refusait d’envisager une grande coalition avec la Nouvelle démocratie qu’une majorité de Grecs jugeaient nécessaire pour sortir le pays de l’ornière.
Alexis Tsipras a balayé tous ces arguments. Au cours de ces quelques mois passés au pouvoir, il n’a rien perdu de son charisme. Il a convaincu ses électeurs qu’il était courageux et qu’il s’était bien battu face aux Européens qui cherchaient à pousser la Grèce hors de la zone euro. Et qu’il continuerait de se battre pour obtenir le meilleur possible lors des négociations sur la mise en œuvre de l’accord de juillet. A son actif, il peut brandir la promesse d’une restructuration de la dette que réclame aussi le FMI. Enfin, il a promis de lutter contre la corruption que favorisaient les partis de « l’ancien système » et de mener à bien les réformes exigées non seulement par l’Europe mais aussi et surtout par l’état du pays.
Le plus dur reste à faire
Toutefois Syriza et son chef ont moins obtenu un succès d’adhésion qu’une victoire par défaut. Le taux d’abstention montre que les Grecs n’étaient pas convaincus que les autres partis feraient mieux. D’ailleurs, le Pasok et la Nouvelle démocratie ont alterné au pouvoir depuis quarante ans, et ont même gouverné ensemble pendant deux ans de 2012 à 2014, sans que rien ne change. Les électeurs continuent de leur faire porter la responsabilité de la crise. L’heure est au fatalisme et à la résignation. Les Grecs savent que le plus dur est encore devant eux. Ils en feront l’expérience dès cet automne où les hausses d’impôts et du coût de la vie en général vont les frapper de plein fouet.
Alexis Tsipras ne pourra pas échapper au programme qu’il a signé avec les partenaires européens, sauf à risquer une nouvelle discussion sur un « Grexit » (la sortie de la Grèce de la zone euro). Il pourra toujours mener une petite guérilla sur tel ou tel point mais il n’aura guère d’autre choix que d’appliquer les accords. Les réformes seront douloureuses : hausse de la TVA, report de l’âge de la retraite à 67 ans, réduction du nombre des pré-retraites, privatisations, baisse des subventions aux agriculteurs, etc. Et en même temps réforme de l’Etat en vue de créer une administration efficace et imperméable au clientélisme politique.
Avec ses amis de la gauche radicale, ceux au moins qui continuent à le soutenir malgré sa « trahison », le Premier ministre grec n’a pas renoncé à « changer l’Europe ». Il doit commencer par tenter de changer la Grèce.