A l’été 2011, Athènes avait connu ses manifestations des « indignés », comme d’autres capitales occidentales. Elles étaient alors dirigées contre un gouvernement de centre gauche accusé de céder aux injonctions de l’Europe, en réalité de l’Allemagne, pour mener une politique d’austérité qui écrasait le peuple grec. Le parti de la gauche radicale Syriza, alors dans l’opposition, a utilisé la révolte des « indignés », indépendante des formations politiques, pour préparer son arrivée au pouvoir.
En janvier 2015, c’était chose faite. Après avoir remporté les élections législatives en début d’année, Syriza a gagné un référendum et des élections anticipées en septembre 2015. Et le voilà aujourd’hui en butte à un mouvement comparable, né en dehors des structures politiques traditionnelles. L’utilisation des réseaux sociaux n’est pas originale. On l’a vue à l’œuvre au moment des « printemps arabes » et plus récemment en France avec la pétition contre la loi El Khomri. Elle est nouvelle en Grèce.
Un succès mitigé
La manifestation du mercredi 15 juin à Athènes est un succès mitigé. Personne n’a crié victoire mais personne n’a parlé d’échec patent. Les partis politiques sont embarrassés. Dans un premier temps, des responsables de Syriza ont réagi violemment, accusant les personnes à l’origine du # paraititheite d’être des sous-marins de Nea Demokratia (centre-droit) qui n’osaient pas dire leur nom. Le ministre de l’éducation, Nikos Filis a déclaré que la manifestation était « à la limite, inconstitutionnelle ». La porte-parole du gouvernement, Olga Gerovasili, a affirmé qu’elle était « hostile au pays ».
Le gouvernement est moins dur avec les mouvements sociaux qui se multiplient, notamment dans les services publics. Les grèves succèdent aux grèves, dans les transports, chez les dockers ou les contrôleurs aériens. Elles sont organisées par les syndicats et soutenues par le Parti communiste (KKE). Ce sont des formes de protestation bien connues de Syriza qui y a eu abondamment recours quand il était dans l’opposition.
Une menace exagérée ?
En revanche, les motivations et les modes de fonctionnement d’un mouvement réuni par les réseaux sociaux lui échappent. Il est plus difficile de les contrôler et quasiment impossible de négocier avec des gens qui ne se manifestent que par un hashtag. Le gouvernement a peut-être exagéré la menace, pour des raisons tactiques, mais aussi par crainte que la situation devienne incontrôlable. Alexis Tsipras n’a certainement pas l’intention de démissionner même si sa majorité au Parlement ne tient à qu’à trois voix apportées par son allié de droite, le parti des Grecs indépendants. Pour le moment, les risques semblent donc limités. Même si les manifestants de mercredi étaient très divers, la majorité avait plus de 40 ans et était composée de chômeurs ou de retraités.
Toutefois, Syriza n’est pas le seul parti à s’inquiéter de cette montée de la protestation qui sort des cadres habituels. Pour sa part, le président de Nea Demokratia, Kyriakos Mitsotakis, a réagi avec calme. Nous ne sommes pas les organisateurs de cette manifestation, mais tout membre de notre parti doit se sentir libre de participer ou pas, a-t-il dit en substance. Au PASOK (social-démocrate), on se montre plus circonspect. On insiste sur le fait que les partis doivent être le lieu de l’expression politique. On se méfie d’un mouvement qui pourrait facilement se tourner, non seulement contre le gouvernement actuel, qui mène une politique contraire à toutes ses promesses électorales, mais contre toute la classe politique grecque coupable d’avoir entraîné le pays à la faillite et de l’avoir abandonné au bon vouloir des créanciers internationaux. Sur ce point, Nea Demokratia et le PASOK qui se sont succédé au pouvoir pendant quarante ans sont autant responsables que Syriza.