Le G20 vu de Paris

Le succès du G 20, célébré sur toutes les antennes, reconnu par tous les observateurs, commenté par tous les éditorialistes, permettra-t-il à Nicolas Sarkozy de regagner dans l’opinion française une confiance qui lui fait aujourd’hui défaut. On l’espère à l’Elysée sans néanmoins se faire trop d’illusion.

Incontestablement le président français se sort très honorablement de cette épreuve internationale. Les chefs d’Etat et de gouvernement des vingt plus grandes puissances économiques de la planète n’avaient certes pas droit à l’erreur. Ils étaient tous conscients qu’un échec du sommet de Londres serait une catastrophe. La réussite était indispensable pour redonner confiance aux économies mondiales sinon encore pour les relancer.

Chacun a interprété au mieux sa partition. Barack Obama a démontré sa capacité d’écoute et d’adaptation. Le président chinois Hu Jintao a pleinement joué le jeu. Le couple franco-allemand a retrouvé l’efficacité qui lui faisait défaut depuis des mois. Les bénéfices politiques de ce succès sont donc également partagés et Nicolas Sarkozy en a toute sa part.

Si l’on oublie l’épisode quelque peu grotesque de la menace de la chaise vide, brandie à la veille du sommet par le président français, ce dernier a objectivement conduit cette séquence diplomatique avec intelligence, énergie et efficacité. On notera même que, contrairement à son habitude, Nicolas Sarkozy a eu la sagesse de ne pas tirer indument la couverture à lui. On l’a ainsi entendu souligner sur les antennes que le succès de ce G 20- dont il fut pourtant à, l’origine, l’inspirateur et l’initiateur (*), était un succès partagé, celui d’une sorte de nouvelle gouvernance mondiale.

Toutefois, les effets dans l’opinion française de ce sommet seront éphémères. Le G20 ne déclenchera évidemment pas le miracle d’une reprise économique à court terme. Le succès du G20 était nécessaire pour restaurer la confiance, indispensable pour créer les conditions d’un possible rebond de l’économie, mais celui-ci ne saurait intervenir avant le milieu des années 2010 aux dires des économistes les plus optimistes. Pour l’heure, les annonces de fermeture d’entreprises et de plans sociaux vont continuer de ponctuer l’actualité quotidienne dans l’Hexagone. Le succès du G20 ne compensera en aucune manière les insuffisances du plan de relance français critiqué par de nombreux experts qui déjà appellent un nouveau plan plus ambitieux et mieux à même d’encourager la consommation des ménages.

Les téléspectateurs qui ont suivi les travaux du G20 ont certes été impressionnés par les efforts déployés par les grands de ce monde pour remettre du charbon dans la machine économique planétaire et pour tenter d’en mieux réguler le fonctionnement. Ils ont ainsi appris qu’on a allait dresser des listes noires et des listes grises des paradis fiscaux. Mais ils ont aussi très bien compris que, contrairement à ce que leur avait annoncé le président français lorsqu’à l’automne dernier celui-ci annonçait qu’il faudrait trouver les responsables de cette crise, il n’a pas été question à Londres de punir les coupables. Avec un solide bon sens, l’opinion a fort bien perçu qu’in fine il reviendra aux contribuables de régler l’addition faramineuse de cette crise suivant le vielle adage selon lequel les profits sont privatisés mais les pertes socialisées.

De son côté, le noyau dur de l’électorat de Nicolas Sarkozy risque d’être quelque peu perturbé par la conversion idéologique du chef de l’Etat, au nom du pragmatisme, au dirigisme et à l’étatisme. Il avait voté pour un candidat incarnant l’idéologie libérale contre les vieux tropismes jacobins de ses prédécesseurs, il a désormais un président champion de la régulation et du contrôle étatique !

Enfin, les défenseurs des droits de l’homme auront noté – bien que la chose fût passée quasi inaperçue, que Nicolas Sarkozy, à Londres, avait eu tôt fait de sacrifier sur l’autel de la raison d’Etat la cause tibétaine afin de se concilier les bonnes grâces de Pékin.

Au total, il est fort probable que la réussite de ce G20 et le rôle très positif qu’y a joué Nicolas Sarkozy ne suffiront pas à redresser la popularité du président ni ne lui seront d’un grand secours pour affronter une colère sociale qui n’est sans doute pas près de s’éteindre.

La seule consolation du chef de l’Etat en la matière est, jusqu’à nouvel ordre, l’inexistence de l’opposition. Celle-ci n’est jamais parvenue à trouver le ton juste durant toute cette séquence du G20.

 

(*) c’est Nicolas Sarkozy qui a lancé l’idée de ce G20 en septembre 2008 à la tribune des Nations Unies.