Les 28 membres de l’OTAN se sont mis d’accord sur le principe de création de leur propre système antimissile, complètement intégré, destiné à protéger les territoires et populations d’Europe. L’objectif à long terme du bouclier est de rendre démesuré le rapport coût-bénéfice d’une attaque à l’aide d’un missile et donc de contribuer à créer les conditions d’un monde sans armes nucléaire, conformément aux objectifs du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires conclu en 1968, rappelés en avril 2009 par Barack Obama dans son discours de Prague.
Le bouclier antimissile européen serait mis en place dans un premier temps pour se prémunir contre la menace croissante de développement des technologies et armes de destruction de masse par des pays ou des groupes à risque. L’Iran n’est pas cité officiellement dans le communiqué de l’OTAN mais a été mis en cause par Nicolas Sarkozy. Le coût d’un tel bouclier pour les Européens est estimé à 200 millions de dollars supplémentaires, au-delà du milliard déjà envisagé. Il est prévu que sa mise en place prenne dix ans.
Le Conseil OTAN-Russie qui s’est tenu dans la foulée du sommet atlantique a été l’occasion de signer plusieurs accords de coopération entre les Vingt-huit et Moscou. « La coopération entre la Russie et l’OTAN fait naître la perspective d’une paix durable, sinon éternelle en Europe », a déclaré Dmitri Rogozine, ambassadeur russe. En cas de succès, ce projet sera le premier exemple d’intégration de moyens militaires entre deux parties précédemment ennemies.
Une manœuvre de politique intérieure ?
Certains commentateurs russes ont cependant nuancé la portée de cette coopération. Les uns y ont vu une manœuvre de la politique étrangère russe, s’inscrivant dans la tradition des rapprochements passés sur fond de crise économique intérieure, la Russie comptant sur les investissements étrangers pour soutenir son économie. Les autres la considèrent comme faisant partie de la campagne de Dmitri Medvedev en vue de l’élection présidentielle de 2012, bien que la majorité de l’opinion publique russe continue à voir dans l’OTAN un ennemi potentiel plutôt qu’un partenaire pour la Russie.
L’attitude de Dmitri Medvedev au sommet de Lisbonne s’inscrit assurément dans la philosophie des recommandations de l’Institut du développement contemporain russe, dont il préside le conseil de tutelle. Ces recommandations ont été exposées dans le rapport intitulé « La Russie au XXIe siècle : vision d’un lendemain souhaitable ». Le rapport préconisait notamment l’entrée de la Russie dans l’Alliance atlantique, mais à des conditions spécifiques fondées sur « une union dans l’union », l’OTAN restant une organisation géopolitique et une puissance-clé, qui avait besoin l’aide de la Russie pour la mise en place d’un système performant de défense euro-atlantique.
La poursuite de la coopération stratégique entre la Russie et l’OTAN va dépendre non seulement des relations entre les puissances, mais aussi des conditions de cette coopération. Ce rapprochement se fait en effet sur fond de réchauffement des relations diplomatiques entre l’administration du président Obama et celle de Dmitri Medvedev. Ce réchauffement est à la merci des difficultés internes de l’une ou de l’autre partie.
Droit de regard et droit de veto
La Russie a posé ses conditions. Sa disponibilité sera fonction de la place qui lui sera réservée, selon le principe d’égalité dans l’échange d’informations et le processus décisionnel. Dmitri Medvedev a également indiqué que si les parties n’arrivaient par à tomber d’accord sur le développement conjoint d’un bouclier antimissile en Europe, une nouvelle course aux armements serait lancée dans les dix prochaines années. La Russie qui se sentirait menacée par un bouclier antimissiles strictement occidental, se verrait en effet contrainte d’augmenter et de moderniser ses armes stratégiques offensives. Cette déclaration a été reprise par le premier ministre russe Vladimir Poutine. Selon Moscou, les Etats-Unis porteraient l’entière responsabilité de cette relance de la course aux armements.
Malgré les commentaires positifs qui ont accueilli le sommet de Lisbonne chez la plupart des membres de l’OTAN, le doute persiste sur la possibilité d’impliquer la Russie dans cette coopération. Du côté russe, on continue de redouter l’OTAN comme étant un ennemi potentiel. Les analystes pensent que les Etats-Unis ne sont pas prêts à placer la Russie sur un pied d’égalité avec leurs alliés. Or l’objectif permanent de Moscou est d’obtenir un droit de regard et un droit de veto sur les décisions concernant la sécurité de l’ensemble de l’Europe. Dans ces conditions, on peut craindre que les tentatives de coopération stratégique ne se limitent à des déclarations de principes, oubliées à peine signées.