Le « trumpisme » fleurit aussi en Europe

L’idéologie populiste du futur président américain a de nombreux traits communs avec celle de l’extrême-droite européenne. De Marine Le Pen en France à Geert Wilders aux Pays-Bas, en passant par Nigel Farage au Royaume-Uni, celle-ci se réjouit du succès de Donald Trump qui, venant après le Brexit, la renforce dans son rejet des immigrés et de l’Islam. Elle partage avec le nouvel hôte de la Maison-Blanche une solide méfiance à l’égard des élites et l’affirmation d’un nationalisme oublié par une oligarchie mondialiste, aveugle aux souffrances des peuples.

Donald Trump avec Nigel Farage

Le dernier jour de sa campagne, Donald Trump a annoncé que l’issue du scrutin serait « un Brexit à la puissance trois ». Ce n’était pas la première fois que le futur président des Etats-Unis établissait un parallèle entre le vote du 8 novembre aux Etats-Unis et le résultat du référendum britannique du 23 juin sur la rupture du Royaume-Uni avec l’Union européenne. La suite des événements lui a donné raison. Dans un cas comme dans l’autre, non seulement le vote populaire a déjoué les sondages, qui prévoyaient la victoire d’Hillary Clinton aux Etats-Unis et la défaite des « Brexiters » au Royaume-Uni, mais il a consacré dans les urnes l’échec des élites – politiques, médiatiques, intellectuelles – qui combattaient le candidat républicain outre-Atlantique et le Brexit outre-Manche. Le mouvement qui vient de porter, contre toute attente, Donald Trump à la Maison-Blanche ressemble beaucoup à celui qui a bousculé l’Union européenne, à la surprise générale, il y a un peu plus de quatre mois.
Le chef de file des « Brexiters », Nigel Farage, ne s’y est pas trompé. Il était présent à la convention du Parti républicain qui a désigné le candidat républicain et participé ensuite à sa campagne. Il est allé jusqu’à dire qu’il serait heureux de prendre la nationalité américaine pour travailler avec le président américain et qu’il deviendrait volontiers son ambassadeur auprès de l’Union européenne. Il a salué chaleureusement la victoire de Donald Trump en affirmant qu’elle était encore plus belle que celle du Brexit au Royaume-Uni et qu’elle marquait, comme le référendum britannique, un désaveu de la classe politique en Occident, ainsi que le double échec des médias et des instituts de sondage. La proximité, revendiquée à la fois par Donald Trump et par Nigel Farage, entre le phénomène Trump aux Etats-Unis et le rejet de l’Union européenne au Royaume-Uni suggère que le résultat de l’élection américaine est l’expression d’un vaste refus qui dépasse les frontières des Etats-Unis et s’étend à l’ensemble du monde occidental.

Le combat contre l’immigration

L’extrême-droite européenne, en particulier, semble se reconnaître dans les propositions de Donald Trump, dont elle partage largement les idées, notamment son refus de l’immigration, principal fonds de commerce des uns et des autres. Nigel Farage n’est pas le seul dirigeant européen à s’être rendu aux Etats-Unis pour soutenir Donald Trump. Le chef de l’extrême-droite néerlandaise, Geert Wilders, allié de Marine Le Pen au Parlement européen, a pris part, lui aussi, à la convention républicaine. En écho aux déclarations de Donald Trump, il a violemment attaqué la politique migratoire de l’Union européenne, dénoncé la menace de l’Islam et condamné le multiculturalisme comme la plus grave maladie de l’Europe. Après la victoire du candidat républicain, il a été l’un des premiers à lui adresser ses félicitations en saluant une « victoire historique » et une « révolution ».
En France, Marine Le Pen, présidente du Front national, a été la plus rapide en faisant part, au milieu de la nuit, de ses félicitations « au peuple américain, libre », suivie par son vice-président, Florian Philippot, qui a parlé d’une année « très difficile pour l’oligarchie », ajoutant : « Il va falloir que toutes les élites autoproclamées qui dirigent la France se réveillent ». L’ancien président de la République Nicolas Sarkozy, candidat aux primaires de la droite et du centre, a pour sa part souligné que le vote des Américains traduit « le refus d’une pensée unique ». En Hongrie, le chef du gouvernement, Viktor Orban, qui avait affiché son soutien à Donald Trump pendant la campagne, a exprimé sa sympathie au nouveau président, en saluant « une bonne nouvelle » et en se réjouissant que la démocratie soit « encore vivante ».

Les étrangers boucs émissaires

La victoire de Donald Trump va sans doute donner un nouvel élan aux forces populistes qui ne cessent de monter en puissance sur le continent européen et qui affichent leur hostilité à « l’establishment », au « système » ou, comme Florian Philippot, aux « élites autoproclamées ». Ces forces, qui campent à l’extrême-droite ou quelquefois, comme Nicolas Sarkozy, à la droite de la droite, font entendre les mêmes accents nationalistes, souverainistes et, sur le plan économique, protectionnistes que le nouveau président américain. Elles s’adressent aux victimes de la mondialisation dont elles reflètent les frustrations et les colères en choisissant pour cibles les étrangers, transformés en boucs émissaires d’un déclinisme mortifère. Elles s’approchent du pouvoir dans plusieurs pays. Les eurodéputés socialistes français, parmi d’autres, s’en inquiètent. Ils appellent à une réaction rapide des Européens qui, disent-ils, « font semblant de ne pas voir tous les Trump d’Europe ».