Les partis allemands divergent sur l’avenir de l’Union

A la veille des élections législatives du 24 septembre, les partis politiques allemands débattent notamment de l’avenir de l’Union européenne. Aux partisans d’une intégration plus résolue s’opposent, en Allemagne comme ailleurs, les eurosceptiques et les souverainistes tandis que l’extrême-gauche dénonce une Europe non-démocratique. Une chercheuse du Conseil européen des relations extérieures (ECFR), Christel Zunneberg, a examiné en détail les chapitres des manifestes électoraux consacrés aux politiques européennes dans le domaine de la défense, des migrations, des finances et du commerce extérieur. Si certains de ces programmes se recoupent, des divergences subsistent entre les principaux partis.

La question européenne est présente dans la campagne des élections législatives allemandes, en particulier à travers la question migratoire, qui lui est indissociablement liée depuis que l’UE tente d’organiser l’accueil des réfugiés dans les Etats membres et qui vient encore de rebondir après l’attentat du 28 juillet à Hambourg. Mais l’enjeu européen est également mis en exergue par deux caractéristiques du scrutin du 24 septembre 2017. La première est la candidature, à la tête du SPD, de l’ancien président du Parlement européen (2012-2017) Martin Schulz, dont le parcours politique est, depuis plus de vingt ans, dominé par l’engagement européen.

La percée de l’extrême-droite

La seconde particularité est la percée redoutée du parti d’extrême-droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), qui a construit ses premiers succès sur le refus de l’euro puis sur le rejet des migrants et qui pourrait entrer, pour la première fois, au Bundestag après avoir fait son apparition dans plusieurs Parlements régionaux. Face à Angela Merkel, qui sollicite un quatrième mandat, l’avenir de l’UE apparaît ainsi devenu, à droite comme à gauche, comme un des grands thèmes de la campagne. Les candidats à la succession de la chancelière ont tous inclus la question européenne dans leurs programmes. Des plus européens aux plus eurosceptiques, ils se distinguent sur plusieurs points et se rapprochent sur quelques autres.

Pour mesurer ces différences et ces proximités, Christel Zunneberg, chercheuse au Conseil européen des relations extérieures (European Council on Foreign Relations, EFCR), un think tank européen, a analysé les manifestes électoraux des six grands partis allemands – la CDU, le SPD, les Verts, les libéraux du FDP, Die Linke, Alternative pour l’Allemagne – sur quatre des principaux chapitres de la politique européenne : la politique de défense et de sécurité commune, les migrations, la politique financière, le commerce extérieur.

Quel rôle pour l’OTAN ?

Sur ces quatre sujets, Die Linke, à l’extrême-gauche, et AfD, à l’extrême-droite, se singularisent souvent par rapport aux quatre partis de centre gauche et de centre droit mais ceux-ci ne sont pas toujours d’accord entre eux. En matière de défense, Die Linke rejette la militarisation de l’UE et appelle l’Allemagne à sortir de l’OTAN pour entrer dans un système de sécurité collective incluant la Russie. AfD estime que l’OTAN doit rester une alliance purement défensive. Le SPD, la CDU et le FDP, qui plaident pour une Europe de la défense, insistent sur la complémentarité entre l’UE et l’OTAN. Toutefois le SPD est le seul à évoquer une armée européenne. L’augmentation des dépenses militaires est combattue par Die Linke, les Verts et le SPD alors que le FDP et la CDU soutiennent l’objectif de 2% du PIB en 2024.

En matière de migration, le SPD, la CDU et le FDP veulent renforcer Frontex, l’agence européenne de garde-côtes et de garde-frontières. Le FDP souhaite même qu’elle devienne une véritable force placée sous la supervision du Parlement européen. En revanche, Die Linke demande sa suppression et son remplacement par des équipes de secours en mer. Die Linke veut aussi mettre fin à l’accord avec la Turquie sur les réfugiés. Les Verts jugent cet accord « problématique » mais la CDU veut l’étendre à plusieurs pays d’Afrique du Nord.

Un gouvernement de la zone euro

En matière financière, les partis allemands proposent une variété de réformes pour réguler les marchés financiers et stabiliser la zone euro. Le SPD est le plus ambitieux : il recommande la création d’un gouvernement et d’un budget de la zone euro pour approfondir l’Union monétaire. La CDU veut mettre en place un Fonds monétaire européen. Le FDP propose d’autoriser les pays qui le veulent à quitter la zone euro sans quitter l’UE et de supprimer progressivement le mécanisme européen de stabilité. Die Linke souhaite la mise en place d’une agence publique de notation et l’organisation d’une conférence européenne sur la dette.

En matière de commerce, les accords européens de libre-échange tels que le CETA (avec le Canada) et le TTIP (avec les Etats-Unis) sont rejetés par Die Linke et acceptés sous conditions par les Verts, le SPD et le FDP. La CDU se prononce pour l’application du CETA et la poursuite des négociations sur le TTIP. AfD préfère des accords multilatéraux et donne la priorité à la protection des sociétés allemandes.

L’axe franco-allemand

Au-delà des quatre thèmes étudiés par Christel Zunneberg, ce sont bien des visions différentes de l’Europe et de son avenir qui s’affrontent sur la scène politique allemande. AfD défend une Europe des Etats souverains et promet l’organisation d’un référendum pour permettre aux électeurs de choisir s’ils veulent ou non sortir de l’UE. A l’autre extrême, Die Linke combat une Europe qu’elle qualifie de « néolibérale » et de non-démocratique. Elle veut s’attaquer au pouvoir des marchés financiers, assurer le contrôle du secteur bancaire, renforcer les compétences du Parlement européen. Le SPD plaide aussi pour une Europe plus sociale et plus démocratique. Il souhaite une réforme du traité de Lisbonne. Les Verts et le FDP demandent plus de transparence et d’efficacité. La CDU entend profiter de la relance de l’axe franco-allemand, au lendemain de l’élection d’Emmanuel Macron, pour redynamiser l’Europe. Beaucoup de ces propositions vont dans le même sens mais des divergences demeurent entre les partis.