Malgré la fête, Mitt Romney ne parvient pas à effacer un fond de pessimisme

La convention républicaine réunie à Tampa (Floride) a confirmé la nomination de Mitt Romney comme candidat républicain contre Barack Obama, à l’élection présidentielle du 6 novembre. Malgré l’organisation de la fête — qui a dû être écourtée d’un jour à cause de l’ouragan Isaac, un certain pessimisme règne sur la capacité de Mitt Romney a entrainé l’adhésion populaire. Chaque mercredi, Dick Howard, professeur émérite à l’Université Sony de New York cmmente la campagne.

La convention républicaine qui devait durer quatre jours a dû céder devant la force de la nature qu’est l’ouragan Isaac. Mais il faut avouer que les gens s’intéressent plus aux imprévisibilités de la météo qu’à la politique qui en l’occurrence est plus prévisible ! Cette prévisibilité est une des raisons pour lesquelles les trois chaînes de télévision nationales ne reprennent de la campagne qu’une heure par jour. La malchance pour le parti Républicain pourrait venir de la démonstration de l’utilité, face à l’imprévisible, de ce gouvernement national qu’ils veulent « affamer » et réduire au strict minimum. L’ironie de l’histoire veut que le stade où l’on se réunit soit un stade de hockey sur glace …en Floride ! Sa construction fut financée à 62 % par des fonds gouvernementaux !

 

Etre ou ne pas être aimable

 

Tous les commentateurs sont d’accord pour dire que la convention est le moment où Mitt Romney doit démontrer son humanité, dépasser l’image du froid homme d’affaires riche et raisonneur pour montrer une affabilité « reaganienne ». 

Il faut rappeler la foi « reaganienne » qui anime toujours le parti Républicain. Mais en 1980 Ronald Reagan était l’ancien gouverneur d’une Californie prospère dans une Amérique prospère. Reagan incarnait l’optimisme du Sun Belt. Nous sommes dans une autre Amérique ; et la base du parti Républicain est plutôt hargneuse, aigrie et amère. Il est vrai que dans les sondages Romney et Obama sont à peu près à égalité, mais une analyse plus serrée montre par exemple que 58 % des personnes interrogées trouvent qu’Obama est « aimable » (likeable) tandis qu’ils ne sont que 23% à dire la même chose de Romney. En revanche, ils sont aussi 58 % à dire qu’Obama est incapable de faire face aux problèmes économiques. Mais attention, ils sont 52% à craindre que Romney ne soit pas capable d’y faire face non plus — ce qui explique le pessimisme ambiant malgré l’esprit festif convoqué à Tampa[1].

 

Une fête bigarrée à Tampa

 

Cet esprit de fête scellera-t-il l’unité du parti après des primaires plutôt agressives ? Est-ce que le parti est vraiment unifié ? Peut-il compter sur l’enthousiasme des militants ? Beaucoup de questions demeurent, car si le parti est unifié par son désir de renvoyer Barack Obama —depuis deux ans, le leader du parti au Sénat, Mitch McConnell répète à qui veut l’entendre que c’est la tâche prioritaire du parti— si on regarde sous la surface des choses, des factions plus ou moins compatibles apparaissent. On y trouve des évangéliques, des Tea Party, des libéraux-libertaires économiques et des moralistes tradionnalistes qui flétrissent le relativisme des mœurs modernes ; et à cela s’ajoute ce qui reste des néoconservateurs prêts à l’aventure militaire. Comment peuvent-ils coexister ? Sur quels principes, et sur quels projets positifs, peuvent-ils s’unir ? On ne le verra pas dans les discours de Tampa mais à l’épreuve de la campagne.

 

Au-delà de ces différences idéologiques que l’on pourrait dire « de principe », il faut, dans une bataille politique, trouver des accords sur des propositions pratiques. C’est la fonction de la « plateforme » électorale du parti.

 

Un programme formel

 

Il faut se rendre à deux évidences : d’une part, les gens ne lisent pas le programme ; d’autre part, le programme du parti n’est pas nécessairement celle du candidat. Pour n’en donner qu’un exemple, si les déclarations du candidat au Sénat Todd Akin à propos du viol « légitime » étaient ignorantes et insultantes, sa réaffirmation de l’interdiction absolue de l’interruption de grossesse est en conformité parfaite avec le programme du parti républicain (et les prises de position antérieures de Paul Ryan). Or, Mitt Romney (comme Paul Ryan) lui demandait d’abandonner sa candidature… évidemment pour le bien du parti ! Ceci dit, « l’affaire Akin » aura surtout rappelé aux femmes le caractère rétrograde de la politique sociale du parti de l’éléphant.

 

Le « bien du parti » : la victoire de Romney ou la défaite de Barack Obama ?

 

Pour que le « bien du parti » soit la victoire de Romney, et non la défaite de Barack Obama, il faudrait que la convention ait réussi ce que j’appelais l’ « humanisation » de Romney et que les électeurs le voient comme un homme de principes plutôt que comme une girouette pour qui tout compromis qui rapporte des voix est acceptable.[2] Au lieu de quoi, la tendance semble être plutôt négative et la campagne se résumer dans un slogan sur l’économie : « Il ne pouvait pas la réparer, nous le ferons ». Mais il est difficile de faire admettre à celui qui est tombé follement amoureux qu’il a pris ses désirs pour la réalité, et qu’il doit trouver un amant plus pratique. C’est ce dilemme psychologique qui explique, du moins en parti, le pessimisme ambiant, malgré l’apparence de fête à Tampa.

 

 

 

 

 

[1] Un sondage Gallup (27 août) indique que 58% du public pense qu’Obama remportera la mise contre 36% qui parient sur Romney. Plus surprenant, seulement 65% des supporteurs de Romney pense qu’il gagnera tandis que 86% des électeurs Obama pense qu’il vaincra. 

 

[2] On se souvient que le père de Mitt Romney, à l’époque gouverneur du Michigan, a quitté ostensiblement la convention républicaine de 1964 lorsque la droite extrême dirigée par Barry Goldwater a pris le pouvoir ; son père, George Romney, était devenu le candidat préféré dans la course de 1968, avant d’admettre qu’il s’était lourdement trompé en soutenant la guerre au Vietnam. Le fils n’est pas de la même trempe.