Le gouvernement français vient de remettre à la Commission européenne son projet de budget pour 2015, en application des règles de surveillance budgétaire issues du Pacte de stabilité et de croissance et de la législation qui l’a complété ces dernières années. Les autres pays de la zone euro ont dû se plier au même exercice avant la date-limite du 15 octobre. La Commission européenne rendra son avis au plus tard le 30 novembre. Si elle constate des « manquements graves » aux obligations du pacte de stabilité et de croissance, elle peut demander des changements.
Toutefois, elle n’est pas autorisée à modifier d’elle-même le projet de budget ni à contraindre un Etat en infraction à suivre strictement son avis. Michel Sapin n’a donc pas tort de dire que la Commission n’a pas le pouvoir de « censurer » ni de « rejeter » un budget, celui-ci ne relevant que des Parlements nationaux. « La valeur ajoutée de cet exercice, expliquent les services de la Commission, réside dans les orientations directes qui sont fournies dans le cadre de la procédure budgétaire ». Même si la Commission rend un avis négatif, celui-ci n’entraîne pas de sanctions.
Les deux volets de la surveillance budgétaire
L’application de sanctions relève en effet d’une autre procédure, qui constitue l’autre volet de la surveillance budgétaire. La Commission distingue la surveillance « ex-ante », ou surveillance préventive, dont fait partie l’évaluation du projet de budget, et la surveillance « ex-post », ou surveillance corrective, qui seule peut donner lieu à des sanctions. L’une porte sur l’avenir (en l’occurrence l’année 2015), l’autre sur le passé (l’année 2014). La première demande si les règles européennes vont être respectées, la seconde examine si elles l’ont été.
Les Etats en déficit excessif (comme l’est la France depuis 2009) doivent soumettre à la Commission un « programme de partenariat économique » qui prévoit des réformes structurelles susceptibles de réduire le déficit. Ce document s’ajoute au projet de budget présenté le 15 octobre mais ne se confond pas avec lui. Il sert de base au jugement de la Commission, qui peut ensuite adresser au pays concerné une mise en demeure avant de prendre éventuellement des sanctions contre lui. Projet de budget, procédure de déficit excessif : les deux processus sont formellement distincts mais dans les faits ils sont évidemment liés puisque la Commission est appelée à mesurer les efforts faits par les Etats pour revenir dans les clous du Pacte de stabilité et de croissance (un déficit inférieur à 3% du PIB, une dette inférieure à 60%).
Selon la recommandation du Conseil européen de juin 2013, la France doit mettre fin à son déficit excessif en 2015. Dans cette perspective, son déficit nominal aurait dû être de 3,9% en 2013 et de 3,6% en 2014 avant d’atteindre 2,8% en 215. Le projet présenté par Michel Sapin prévoit un déficit de 4,4% en 2014, de 4,3% en 2015, de 3,8% en 2016 et de 2,8% en 2017. La France n’est donc pas près de satisfaire aux exigences du Pacte de stabilité et de croissance. Dix autres pays sont soumis à la procédure de déficit excessif (Malte, Irlande, Pologne, Portugal, Slovénie, Royaume-Uni, Chypre, Grèce, Espagne, Croatie), six viennent d’en sortir (Belgique, Autriche, Pays-Bas, Slovaquie, Danemark, République tchèque) après s’être pliés aux injonctions de Bruxelles.
La Commission va ouvrir des discussions avec les Etats membres sur leur projet de budget pour 2015. Elle va également poursuivre ses négociations avec les Etats encore soumis à la procédure de processus excessif, qui vont faire valoir les réformes qu’ils ont engagées pour aller dans le sens des recommandations de Bruxelles. Plusieurs scénarios sont possibles. Sur le volet de la surveillance préventive, celle du projet de budget, la Commission peut soit accepter le plan qui lui est présenté soit donner un avis négatif. Dans ce dernier cas, l’Etat lui soumet un projet révisé « dès que possible » et au plus tard dans les trois semaines. Si la Commission persiste dans son avis négatif, celui-ci, explique-t-on à la Commission, « a peu de conséquences autres que politiques ». En 2013, la Commission avait estimé que le projet de budget de la France était « globalement conforme » mais sans « aucune marge de manœuvre ».
Sur le volet de la surveillance correctrice, la Commission peut soit mettre en suspens la procédure, si elle juge que des actions significatives ont été menées, soit proposer à l’Etat une « nouvelle trajectoire » en lui accordant un nouveau délai, soit enfin prendre acte de sa mauvaise volonté en ouvrant la voie des sanctions. Jamais des sanctions n’ont été appliquées jusqu’à ce jour à des Etats en déficit excessif.