Nouveau commissaire aux affaires économiques et financières, à la fiscalité et aux douanes, Pierre Moscovici veut se faire l’avocat de l’Europe en France, une Europe qui souffre, selon lui, d’un « déficit d’explication », même si cette lacune n’est pas la seule cause de la désaffection des citoyens. Il a entendu, dit-il, le message de « désenchantement », de « mécontentement » et de « méfiance » qu’ont envoyé les électeurs lors du scrutin européen. Il sera « l’ambassadeur » de l’Union européenne auprès des Français pour éviter que les prochaines élections européennes, dans cinq ans, ne soient celles du « rejet » de l’Europe. C’est dans cet esprit qu’il a rencontré à Paris les journalistes qui suivent les affaires européennes.
Pierre Moscovici pense, comme le nouveau président de la Commission, Jean-Claude Juncker, que les années qui s’ouvrent seront pour l’Europe celles de « la dernière chance ». Cette chance, il n’entend pas la laisser passer. Il s’est longuement préparé à sa tâche, ses engagements européens, rappelle-t-il, sont anciens, sa connaissance de la machine bruxelloise ne l’est pas moins puisqu’il fut naguère, à deux reprises, député européen (1994-1997 et 2004-2007) et, entre ces deux mandats, ministre chargé des affaires européennes dans le gouvernement Jospin (1997-2002).
Comme ministre de l’économie et des finances dans le gouvernement Ayrault (2012-2014), il a participé aux réunions du conseil des ministres et à celles de l’Eurogroupe. Bref, il s’est familiarisé avec deux des trois grandes institutions européennes, le Parlement et le Conseil, avant de faire partie de la troisième, la Commission.
Son nouveau rôle le place, affirme-t-il, « au cœur de l’agenda économique de la Commission » qui se résume par un « triptyque » : le sérieux budgétaire, des réformes structurelles pour améliorer la compétitivité et la croissance, la relance de
l’investissement. Le plan d’investissement de 300 milliards d’euros annoncé par Jean-Claude Juncker devrait être adopté avant la fin de l’année. « On y travaille d’arrache-pied, à marche forcée », a-t-il indiqué.
Pas de « French bashing »
La Banque européenne d’investissement sera son « bras armé essentiel ». Il devra être ciblé sur les secteurs d’avenir pour permettre de créer les emplois de demain, notamment dans le numérique, la recherche, l’innovation. Il devra également être équilibré entre public et privé. Pour le nouveau commissaire, il faut « changer les priorités » de l’action conduite par la Commission et par l’Union européenne.
Pierre Moscovici refuse que les Français pratiquent à l’égard de leur pays une « flagellation inutile et contre-productive ». Il rappelle que la France est la deuxième économie de l’Europe et la cinquième du monde. Malgré ses difficultés, elle n’est pas « l’homme malade de l’Europe ». Aussi dit-il non au « French bashing » et à la « condescendance ». Il reconnaît que la France ne peut pas invoquer des « circonstances exceptionnelles » pour justifier ses déficits excessifs mais souhaite lui éviter des sanctions en appliquant les flexibilités permises par le pacte.
Le Luxembourg et les « pratiques du passé »
Le commissaire ne considère pas que Jean-Claude Juncker soit affaibli par les révélations sur les accords fiscaux passés entre le Luxembourg et des multinationales. Des enquêtes sont en cours sur ces « pratiques du passé » à l’époque où le secret était un « totem ». Aujourd’hui chacun est conscient que l’Europe « bascule dans un nouveau monde » sans secret bancaire et que Jean-Claude Juncker partage la « volonté politique » de mettre fin à ces habitudes. « J’ai toute confiance en lui », dit Pierre Moscovici qui assure que le président de la Commission « s’exprimera quand il le jugera utile ».
Le commissaire souligne que Jean-Claude Juncker lui a confié, outre les affaires économiques et financières, la fiscalité. Il y voit un « signe » de son désir de lutter contre l’évasion fiscale. La lutte contre l’évasion fiscale sera une de ses priorités, précise-t-il, avec la taxe sur les transactions financières et l’harmonisation fiscale, en particulier sur l’assiette de l’impôt sur les sociétés. Il assure que, faute d’obtenir l’unanimité des Vingt-Huit sur ces sujets, il favorisera des « coopérations renforcées » entre les pays qui sont prêts à aller de l’avant, comme c’est le cas pour la taxe sur les transactions financières pour laquelle onze Etats ont lancé une telle procédure.