Autrefois fleuron du pays aux cèdres, le secteur éducatif est durement frappé par la crise que traverse le pays. Les écoles publiques, déjà surchargées et en manque de moyens, sont désormais inefficientes. Les cours à distance, généralisés dans le pays depuis plus d’un an, nécessitent des moyens dont l’enseignement public ne dispose pas. Les élèves ne peuvent s’équiper en matériel informatique et la plupart d’entre eux a complètement décroché.
Déjà en 2020, l’année scolaire se terminait à distance et les diplômes etaient délivrés en contrôle continu. Le problème est que ces diplômes perdent ainsi de leur valeur et certains pays, comme le Qatar, ont décidé de ne pas les reconnaître. Cette année 2021 risque fort de ressembler à la précédente. En effet, depuis le début de l’année scolaire, les établissements n’ont dispensé (en moyenne) que cinq semaines de cours en présentiel. Les élèves qui avaient des difficultés ont pour la plupart décroché et seuls les meilleurs éléments tirent leur épingle du jeu. D’ailleurs, de nombreux élèves ayant une double nationalité ont quitté le pays pour poursuivre leurs études en France, au Canada ou encore au Royaume-Uni.
Une déperdition qui concerne aussi les enseignants. En effet, les professeurs sont payés en livres libanaises. Or cette monnaie s’effondre un peu plus chaque semaine depuis plus d’un an. Par conséquent, un professeur qui était payé l’équivalent de 1600 euros en septembre 2019 touche désormais l’équivalent de 200 euros. Dans le même temps, tous les prix ont augmenté et le personnel enseignant qui appartenait à la classe moyenne supérieure lutte désormais pour survivre. Les aides octroyées par des puissances étrangères comme la France mais aussi l’Allemagne ou le Qatar permettent juste de payer les factures mais en aucun cas de se projeter dans l’avenir. Certaines écoles risquent de mettre la clef sous la porte.
Aucune école n’est épargnée
C’est tout le secteur éducatif qui est en faillite, des établissements publics – déjà en difficultés avant la crise – aux écoles étrangères en passant par les universités privées. Les lycées français de l’AEFE et de la MLF ont vu leur effectif d’élèves diminuer d’environ 30% et ont donc licencié à tour de bras. La situation dans ces établissements de prestige est particulièrement délicate et le fossé se creuse entre personnel détaché payé en euros et bénéficiant de la sécurité de l’emploi d’une part et les recrutés locaux payés en monnaie locale et assis sur un siège éjectable d’autre part. Dans le même temps, le précieux sésame qu’est le baccalauréat français est bradé sur l’autel du contrôle continu avec son lot de plagiat et de pressions des élèves comme des parents, conscients du poids de leur souscription.
A l’Université Américaine de Beyrouth la situation n’est pas meilleure. Toutes les factures sont en dollars et il est impossible d’augmenter davantage les frais de scolarité. Les étudiants vivent désormais dans une précarité extrême et ont organisé de nombreuses manifestations et autres sit-in pour dénoncer leur situation. Le pays, qui attend un nouveau gouvernement depuis le mois d’août 2020, semble prêt à abandonner sa jeunesse. Face à l’appauvrissement général de la société libanaise, l’éducation, très majoritairement privée dans un pays ayant succombé depuis longtemps aux sirènes du libéralisme, devient un luxe que peu de familles peuvent s’offrir. Beaucoup de jeunes quittaient déjà le pays pour poursuivre leurs études ou obtenir un emploi mais le phénomène prend dorénavant une nouvelle ampleur et il est désormais couplé à la déscolarisation. L’avenir du pays passe pourtant par la formation d’une jeunesse éclairée et consciente des enjeux contemporains. De toutes les crises que traverse le pays, celle du système éducatif est par conséquent la plus inquiétante.