Si Barack Obama n’a pas écrasé son adversaire, il a au moins arrêté l’hémorragie. Ses supporteurs reprennent goût à la vie, ils vont se remobiliser. Mais les républicains ne sont pas découragés, ils vivent toujours des fruits de la bonne performance de Mitt Romney pendant le premier débat. Ce qui est frustrant, c’est qu’on évalue ces débats comme s’il s’agissait d’un match de boxe où l’un ou l’autre des combattants sortira gagnant, par KO ou par décision du juge-arbitre censé être neutre et au-dessus de la bataille. Un débat politique concerne trois personnes, car en dehors des combattants, il y a le public. Et ce public n’est pas un juge-arbitre ; le public est censé apprendre de l’expérience, clarifier ses propres intuitions, et éventuellement infléchir aussi le style des combattants. Hélas, ce n’était pas l’effet principal visé par le débat de mardi soir.
« Pourquoi je devrais voter pour vous ? »
Il faut d’abord décrire le public rassemblé dans la salle, à Hempsted, dans l’Etat de New York. Sélectionné par Gallup, ce public devait représenter ces Américains qui sont vraiment indépendants, qui n’appartiennent ni au Parti démocrate ni au Parti républicain et qui sont susceptibles de pencher vers l’un ou l’autre camp. On y voyait toute la variété du peuple américain : des races, des ethnies, des hommes et des femmes, des jeunes et des vieux, des gros et des minces. Chacun venait avec sa question. Sous ce aspect-là, le débat était réussi, car les candidats — et nous qui regardions — devaient discuter, par exemple et en vrac, de l’immigration, des emplois (et des salaires), des femmes, des armes à feu, des emplois pour des jeunes fraichement sortis de l’université, de la contraception. Il y eut enfin, ce grand noir qui s’est levé pour dire à Barack Obama : j’ai voté pour vous en 2008, qu’est-ce que vous avez fait pour moi et pourquoi devrais-je voter pour vous en 2012 ?
Malheureusement, il faut reconnaitre que les réponses n’étaient pas au niveau des questions. Chaque candidat revenait à son discours de campagne, bien rôdé, qu’il appliquait afin de proposer une réponse qui dépassait la singularité de la question posée pour faire appel à l’opinion, tout en évitant de donner trop l’impression d’esquiver. Si cette façon politicienne de répondre sans répondre, de faire appel à « mon plan qui comporte cinq points… », n’était pas inattendue, ce qui dérangeait plus, c’était l’absence totale de contexte, comme si « mon plan » pouvait être mis en œuvre sans difficulté, sans rencontrer d’opposition de la part des forces politiques ou simplement se heurter à la réalité réelle. Ce duel de « plan » contre « plan » a fini par lasser.
L’attentat de Benghazi
Mitt Romney a tenté une attaque directe contre Barack Obama, à propos de l’attentat contre le consulat américain de Benghazi qui a coûté la vie à l’ambassadeur en Libye. On va certainement y revenir lors du troisième débat qui aura lieu lundi 22 octobre. Mitt Romney ayant de toute évidence affirmé une contre-vérité en accusant le président de ne pas avoir employé le mot « terrorisme », la modératrice a dû le rappeler à l’ordre.
A propos de la modératrice, ses interventions n’empêchaient pas les deux concurrents de s’affronter, de s’interrompre, de contester les affirmations et les chiffres de l’un ou de l’autre. Elles étaient dans l’ensemble bienvenues, surtout comparé au rôle passif de Jim Lehrer lors du premier débat. Enfin, une dernière petite remarque : les réponses agressives de Mitt Romney concernant cette question libyenne semblent lui avoir nui auprès d’un certain public féminin…qui n’apprécie pas non plus sa politique sociale.
Les partisans d’Obama sont donc plutôt contents, et ceux de Romney ne sont pas non plus mécontents. J’en veux pour preuve les commentaires entendus immédiatement après le débat sur la chaine de télévision de plus en plus marquée à droite : Fox News. Il y avait unanimité à fêter une victoire de Mitt Romney, à dénoncer les affirmations d’Obama qui ne seraient que des mensonges, des chiffres pris hors contexte, ou de simples calomnies. Or, il faut l’admettre aussi : la propagande ne marche que parce qu’elle contient un grain, une petite part de vérité. Et comme la politique n’est pas un cours de philosophie, ce sera la mobilisation des partisans pendant les dix jours qui séparent le dernier débat du jour du scrutin qui décideront du résultat de l’élection. Rien n’est encore gagné, et rien n’est non plus perdu.