Trois scrutins porteurs d’optimisme

Trois élections avaient lieu le dimanche 26 octobre dans trois pays situés sur des continents différents, dans des conditions très différentes, mais avec quelques points communs. Ce sont trois pays qui, dans les années passées, ont connu des régimes autoritaires.
Le Brésil en est sorti le premier. La démocratie a succédé au pouvoir militaire dans la seconde moitié des années 1980. Depuis, l’alternance démocratique a si bien fonctionné qu’en 2002 le chef du Parti des travailleurs, plutôt qualifié d’extrême-gauche à l’époque, le syndicaliste Luiz Ignacio Lula da Silva a été élu président de la République. Sa protégée, Dilma Rousseff, lui a succédé en 2010 et vient d’être réélue. Avec un score très serré, certes (51,65%). Mais nul ne conteste sa victoire.

Les Tunisiens, eux, se sont débarrassés plus récemment du système autoritaire de Ben Ali. La « révolution de jasmin », commencée en décembre 2010, a provoqué bien des désillusions qui se reflètent sans doute dans la participation relativement faible aux élections législatives (autour de 62%) mais les Tunisiens ont voté dans le calme, en donnant une majorité relative au parti laïque Nidaa Tounès, devant le parti islamique Ennahda qui a gouverné dans les premiers mois ayant suivi le changement de régime. Une élection présidentielle devrait suivre à partir de fin novembre.
Avec des institutions stabilisées, la Tunisie peut passer pour un exemple de réussite du « printemps arabe », par contraste avec l’Egypte où les militaires ont repris le pouvoir, avec la Lybie qui a plongé dans le chaos ou avec la Syrie qui a sombré dans la guerre civile. Les Tunisiens se sont libérés par eux-mêmes, sans aide étrangère. Au contraire. Les chancelleries occidentales manifestaient une coupable indulgence envers Ben Ali, plusieurs fois « réélu » avec plus de 90% des voix !

L’Ukraine propose un autre exemple de passage à la démocratie. Le régime communiste s’est effondré depuis près d’un quart de siècle mais le pays doit faire face à un double défi : en finir avec un système où un capitalisme mafieux a aggravé les tares du soviétisme et rétablir l’intégrité territoriale du pays contre les séparatistes soutenus par Moscou.
Les élections parlementaires anticipées du 26 octobre donnent une majorité confortable aux partisans du rapprochement avec l’Union européenne. Plus de 70%, selon les premiers résultats. Les partisans de l’ancien président Viktor Ianoukovitch, évincé en février, plafonnent à moins de 10% de suffrages. Avec l’annexion de la Crimée par la Russie et la guerre dans le Donbass qui a empêché quelque 2 millions d’Ukrainiens de voter, le parti prorusse a été coupé de ses partisans traditionnels. Démentant la propagande de Moscou qui dénonçait le gouvernement de Kiev comme étant « une junte fasciste », les partis radicaux de droite sont marginalisés.
Le prochain gouvernement sera une coalition entre le Bloc Porochenko, le parti du président, et le Front national du Premier ministre Arseni Iatseniouk, soutenue par la formation créée par le maire de Lviv, la grande ville de l’ouest de l’Ukraine. Les députés et les ministres devront apprendre à travailler ensemble, contrairement à ce qui s’est passé, il y a dix ans. La « révolution orange » de 2004 a échoué à cause des rivalités entre deux personnalités pro-occidentales, le président d’alors Viktor Iouchtchenko et Ioulia Timochenko (dont le parti vient de subir une défaite).

A des titres divers, le Brésil, la Tunisie et l’Ukraine sont confrontés à des tâches considérables : lutte contre la corruption, relance de l’économie… Les Brésiliens ont plus d’une longueur d’avance et peuvent se flatter d’avoir surmonté nombre d’obstacles qui attendent encore les Tunisiens et les Ukrainiens. Ils montrent en tous cas la voie, celle d’une transition démocratique réussie que beaucoup d’autres peuvent leur envier.