Donald Trump voulait transformer les élections de mi-mandat en un référendum pour ou contre sa personne. Il a échoué. En perdant la Chambre des représentants au profit des démocrates, le président américain a essuyé une défaite, qui pèsera sur la suite de son mandat. Même s’il a cru bon de saluer une « immense victoire » après le succès des républicains au Sénat, ce succès ne compense pas le basculement de la Chambre des représentants qui redonne à ses adversaires des raisons d’espérer deux ans avant la prochaine élection présidentielle et qui leur fournit surtout, dans le respect des institutions, les moyens de lutter plus efficacement contre la politique menée par l’hôte de la Maison-Blanche.
La cheffe des démocrates à la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, a déclaré que le résultat du vote allait permettre de « rétablir les contre-pouvoirs ». De fait, Donald Trump n’aura plus les mains libres au Congrès. Il devra compter avec une opposition revigorée qui sera en mesure de bloquer les lois proposées par le président et surtout de lancer des enquêtes sur des sujets aussi brûlants que l’ingérence russe dans le processus électoral en 2016 ou le refus de Donald Trump de rendre publiques ses déclarations de revenus. Il sera plus difficile au président, comme le note, parmi d’autres, le New Yorker, de « réaliser ses ambitions législatives » et de refuser de rendre des comptes sur son action.
La Chambre des représentants dispose en outre de l’arme suprême que constitue la mise en accusation du président, selon la procédure de l’impeachment, que les républicains avaient tenté il y a dix ans de mettre en œuvre contre Bill Clinton. Une telle procédure n’a aucune chance d’aboutir puisque son succès dépend en dernier ressort du Sénat, qui reste acquis aux républicains. Il n’est pas sûr que les démocrates aient politiquement intérêt à s’engager dans une opération de cette nature. Mais la menace existe et elle suffit à affaiblir le locataire de la Maison-Blanche. Celui-ci va donc être contraint de négocier pour faire avancer ses projets, ce qui n’est pas vraiment dans sa nature.
Si la perte de la Chambre des représentants est un revers pour Donald Trump, la « vague bleue » dont rêvaient les démocrates n’a pas non plus eu lieu. Le Sénat reste solidement ancré à droite et plusieurs personnalités démocrates ont été battues. Le résultat du scrutin est mitigé. Les électeurs n’ont pas donné au trumpisme le soutien qu’espérait le président. Ils ne l’ont pas non plus répudié. On pourrait même dire que celui-ci s’est installé dans la vie politique américaine et que la victoire inattendue de 2016 s’est révélée plus durable que certains ne l’escomptaient. Face à des républicains largement unis derrière leur champion, les démocrates, divisés, sont donc loin d’avoir la partie gagnée en 2020. Il leur faudra à la fois préciser leurs propositions et se donner un chef capable de les porter devant les électeurs.
La gauche américaine, comme la gauche européenne, se cherche. Il lui faut d’abord choisir, dans les prochaines semaines, si elle accepte de nouer des compromis avec le président, au nom de l’intérêt supérieur de la nation, ou si elle préfère l’attaquer tous azimuts en réponse à ses provocations incessantes. Elle doit ensuite mettre d’accord son aile « socialiste », qui sort renforcée du scrutin, dans le sillage de Bernie Sanders, réélu dans le Vermont, et son aile « libérale », qu’incarnent ses dirigeants les plus connus, comme Barack Obama, qu’on a beaucoup vu pendant la campagne, ou son ancien vice-président Joe Biden.
Aux Etats-Unis comme en Europe, le populisme, teinté de nationalisme et de xénophobie, reste puissant. Mais il n’est pas invincible. Le retour des démocrates à la Chambre des représentants montre qu’il peut être combattu avec un certain succès. La leçon vaut aussi pour le vieux continent à l’approche de la confrontation, annoncée par Emmanuel Macron, entre les « progressistes » et les « nationalistes ».