Pour la première fois depuis qu’ont commencé, il y a deux mois, les manifestations contre le refus du président Ianoukovitch de signer un accord d’association avec l’Union européenne, le pouvoir ukrainien a reculé face aux pressions de la rue. Le premier ministre ukrainien, Mikola Azarov, a présenté sa démission, mardi 28 janvier, pour tenter de dénouer la crise qui paralyse le pays. La veille, le président Viktor Ianoukovitch, avait accepté d’abroger les lois répressives adoptées à la va-vite le 16 janvier, par le Parlement, qui n’avaient fait qu’exacerber les passions. Il avait également promis une loi d’amnistie. Auparavant, il avait proposé sans succès le poste de premier ministre à l’un des deux chefs de l’opposition, Arseni Iatseniouk, proche de l’ancienne première ministre Ioulia Timochenko, emprisonnée depuis plus de deux ans après avoir été condamnée pour abus de pouvoir.
Ces concessions seront-elles suffisantes pour mettre fin à l’escalade de la violence ? Vitali Klitschko, l’autre chef de l’opposition, a salué « un pas vers la victoire ». Pour être complète, la victoire supposerait que le pouvoir se rallie aux trois conditions posées par l’opposition : l’organisation de nouvelles élections, sans attendre la présidentielle de 2015 ; la révision de la Constitution afin de réduire les pouvoirs du président ; et la reprise des discussions avec l’Union européenne, interrompues par la décision de l’automne dernier. Ces trois objectifs sont loin d’être atteints.
Les manifestants qui se battent depuis deux mois pour imposer leur volonté à Viktor Ianoukovitch ne se contenteront pas de belles paroles. Les plus résolus ne renonceront pas à défendre des revendications pour lesquelles ils ont payé le prix du sang. Ils n’entendent pas non plus laisser les mains libres aux partis d’opposition dont ils ont critiqué à plusieurs reprises le manque de détermination. L’affrontement pacifique des premiers jours s’est en effet transformé en bataille rangée depuis la mise en place des lois du 16 janvier restreignant les manifestations sur la voie publique et encadrant strictement l’usage d’Internet.
Cette nouvelle législation, largement inspirée du modèle « poutinien » et abrogée le 28 janvier, à la demande de Viktor Ianoukovitch, par le Parlement ukrainien, a contribué à radicaliser le mouvement de protestation. Cinq manifestants ont été tués. La fuite en avant des autorités laissait craindre le pire. Le premier ministre ukrainien, de passage à Davos, en Suisse, avait même dénoncé une « tentative de coup d’Etat ». « C’est la guerre », avait affirmé la journaliste Tetiana Tchernovol, passée à tabac alors qu’elle enquêtait sur la fortune du clan présidentiel.
Le recul du pouvoir ne signifie pas que la guerre est finie, mais au moins permet-il d’instaurer une trêve entre les deux camps. Viktor Ianoukovitch a compris qu’il lui fallait reprendre l’initiative pour sortir de l’impasse. Des émissaires de l’Union européenne ont tenté de favoriser une médiation entre le gouvernement et l’opposition. A l’issue d’un sommet russo-européen, mardi 28 janvier à Bruxelles, Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, tout en appelant les Ukrainiens à la modération, a affirmé que l’accord d’association proposé par les Européens n’était pas incompatible avec l’union douanière avec Moscou.
De son côté, Vladimir Poutine a assuré que la Russie « n’interférera jamais » dans les affaires de l’Ukraine. Il a précisé que les accords économiques entre les deux pays ne seraient pas remis en cause si l’opposition accédait au pouvoir.
Le climat est donc à l’apaisement et le ton à la désescalade. Le temps de la négociation semble enfin venu. Mais la défiance demeure. Il faudra à chacune des deux parties beaucoup de sang-froid et de persévérance pour la dissiper.