Brésil : qui succédera à Lula ?

Huit mois avant l’élection présidentielle, la compétition est vive entre la candidate de Lula et son principal opposant. L’un des enjeux majeurs est la place du Brésil sur la scène internationale.

La campagne pour la succession de Luiz Inacio Lula da Silva, plus connu sous le nom de Lula, à la tête du Brésil est déjà bien engagée. Elu en 2002, réélu en 2006, le président sortant, qui reste très populaire dans son pays au terme de ses deux mandats, ne peut constitutionnellement en briguer un troisième. Son successeur sera désigné en octobre.

La question est aujourd’hui de savoir si Lula sera capable de faire élire celle qu’il a choisie personnellement pour lui succéder, sa ministre de le maison civile, sorte de premier ministre sans le nom, Dilma Rousseff, qui sera la candidate du Parti des travailleurs, ou si le social-démocrate José Serra, battu par Lula il y a huit ans et devenu entre-temps gouverneur de l’Etat de Sao Paulo, le plus riche et le plus peuplé du Brésil, parviendra à prendre sa revanche ?

Par delà l’affrontement de ces deux candidats, dont l’un incarne le centre gauche depuis le recentrage du Parti des travailleurs et l’autre le centre droit en dépit de sa référence à la social-démocratie, l’enjeu sera aussi, et peut-être surtout, la confirmation du nouveau statut international du Brésil, devenu au cours de la dernière décennie l’une des grandes puissances émergentes de la planète.

Dilma Rousseff victime de la dictature militaire

Mme Rousseff s’efforce de montrer qu’elle sera la digne continuatrice de Lula. Responsable du « programme d’accélération de la croissance » mis en place par le président sortant, elle se veut la garante de la bonne tenue de l’économie brésilienne. Mais elle se réclame aussi des valeurs de la résistance à la dictature militaire dont elle fut directement la victime puisqu’elle fut emprisonnée deux ans (de 1970 à 1972) et torturée. Le sujet demeure sensible au Brésil où le travail de mémoire sur la période 1964-1985 est loin d’être achevé.

Le président Lula vient de lancer un nouveau « programme national des droits de l’homme », qui vise à rendre justice aux victimes de la répression, notamment par la création d’une Commission de la vérité, chargée d’examiner les crimes commis alors contre les opposants, et par la révision de la loi d’amnistie de 1979. La tactique du Parti des travailleurs est de favoriser une radicalisation du débat, au risque d’irriter les militaires, afin de renforcer la légitimité de Mme Rousseff, qui ne détient aucun mandat électif.

Lula, qui n’a pas craint de mécontenter l’armée en choisissant, contre l’avis de ses chefs, l’avion français Rafale pour équiper la flotte aérienne brésilienne, tente de redonner à son gouvernement une légitimité de gauche, dont pourrait bénéficier sa candidate. Dans le même esprit, le programme de Mme Rousseff met l’accent, contre le « néolibéralisme » prêté à son adversaire, sur l’importance du rôle de l’Etat dans l’économie.

Les ambitions de José Serra

M. Serra refuse pour sa part de se laisser enfermer dans une telle dichotomie. Le prédécesseur de Lula, l’ancien président social-démocrate Fernando Henrique Cardoso, qui le soutient, vient d’entrer dans l’arène en affirmant qu’une partie des succès du Brésil est due à l’action de son propre gouvernement.

Exilé sous la dictature, M. Serra, qui fut ministre de la planification puis de la santé sous la présidence de M. Cardoso, fait valoir sa longue expérience face à l’inexpérience de Mme Rousseff. Reconnu comme un bon administrateur, il s’appuie sur son bilan de gouverneur de l’Etat depuis 2006 pour convaincre les électeurs de sa compétence et de son dévouement au bien public. L’un des thèmes d’attaque de l’opposition contre la gestion de Lula est la corruption, qui a donné lieu à de vives controverses.

Deux candidats trouble-fête

Aucun des deux candidats ne bénéficie du charisme du président sortant. Les sondages placent M. Serra en tête mais son avance s’est réduite ces dernières semaines. Deux autres candidats espèrent jouer les trouble-fête. L’un, Ciro Gomes, qui fut ministre des finances et gouverneur de l’Etat de Céara dans le nord du pays, représente le Parti socialiste qui, malgré son nom, est plutôt centriste. Il hésite encore à se présenter. Lula le presse de renoncer et lui promet en échange de le soutenir pour le poste de gouverneur de l’Etat de Sao Paulo, que M. Serra va quitter. Pourtant les premiers sondages montrent qu’il prendrait plus de voix à M. Serra qu’à Mme Rousseff.

L’autre est l’écologiste Marina Silva, ancienne ministre de l’environnement, qui fut membre du gouvernement Lula pendant cinq ans avant de le quitter avec fracas en mai 2008. Elle fait campagne sur le thème du changement de la vie politique. M. Gomes, né en 1957, et Mme Silva, née en 1958, appartiennent à une autre génération que Lula, né en 1945, M. Serra, né en 1942, et Mme Rousseff, née en 1947, mais il est probable qu’il leur faudra encore attendre leur tour.