L’afflux d’immigrants clandestins aux frontières méditerranéennes de l’Union européenne ne cesse de grandir, mettant à l’épreuve les capacités d’accueil des Etats d’arrivée. Leur nombre serait d’environ 220 000 en 2014. D’une année sur l’autre, le flux a augmenté de 170%, et les premiers chiffres de 2015 montrent que le mouvement continue de s’amplifier. Les migrants sont de plus en plus nombreux à tenter de gagner l’Europe au péril de leur vie. Environ 3 500 d’entre eux ont trouvé la mort en 2014, portant à quelque 20 000 personnes le bilan des victimes de la mer depuis vingt-cinq ans.
Selon la voie maritime choisie, la Grèce et Chypre à l’Est, l’Italie et Malte au centre, l’Espagne à l’Ouest sont les principaux pays par lesquels les réfugiés abordent aux rivages européens. S’il leur incombe, ne serait-ce que pour des raisons humanitaires, d’assurer l’accueil et l’hébergement de ces groupes d’hommes, de femmes et d’enfants sans ressources, épuisés par une longue traversée, ils ont aussi besoin de la solidarité des autres Etats européens pour tenter d’apporter une solution globale à la question soulevée par ces arrivées massives de migrants.
Juncker : « un impératif humanitaire »
Cette question est double. Elle appelle donc, selon les dirigeants européens, une double réponse. Pour freiner, à défaut de les stopper, ces vagues d’immigration clandestine, l’Europe doit mettre en œuvre un meilleur contrôle de ses frontières extérieures. Pour recevoir les réfugiés avec humanité, elle doit garantir une meilleure application du droit d’asile. Ces deux volets de l’action européenne ont été rappelés récemment par Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, qui a fait de la définition d’une « nouvelle politique migratoire » une des priorités de son mandat. « Aider ceux qui ont dû quitter leur pays pour chercher une vie meilleure en Europe est un impératif humanitaire, a-t-il déclaré en présentant ses grandes orientations. Nous devons travailler ensemble pour que des situations comme celle que connaît Lampedusa ne se reproduisent plus jamais. Parallèlement nous devons faire en sorte que nos frontières restent sûres ».
Le contrôle des frontières extérieures est devenu d’autant plus nécessaire que celui des frontières intérieures a été supprimé, pour la plupart des Etats membres, par les accords de Schengen. Le dispositif mis en place par l’Union européenne est « très élaboré », explique la politologue Corinne Balleix dans un texte publié par Notre Europe-Institut Jacques Delors (« Contrôles aux frontières et droit d’asile : quel nouveau cap pour l’UE ? » juin 2014). Il fixe notamment des conditions communes en matière d’attribution de visas, de sanctions contre les passeurs, de répression de la traite des êtres humains, de recensement d’informations, de surveillance. Il est doté d’un outil opérationnel, l’agence Frontex, qui coordonne l’action des Etats.
Ce dispositif, selon la politologue, est encore insuffisant. Non seulement les moyens dont dispose l’agence Frontex restent faibles, mais les divergences de vues entre les Etats ne favorisent pas l’unité d’action. « Les instruments de contrôle des frontières, écrit-elle, sont aussi développés que perfectibles ». En outre, le secours en mer ne fait pas partie des missions de l’agence Frontex. Les Etats ont considéré que « l’inscription d’un objectif de secours en mer aurait pu être interprétée par des trafiquants sans scrupules comme une invitation à mettre sciemment des migrants en situation de détresse ».
625 000 demandeurs d’asile en 2014
La mise en place du système européen d’asile est une autre urgence. « Actuellement un demandeur d’asile peut avoir 70 à 75% de chances de se voir accorder l’asile dans un pays particulier de l’Union européenne et moins de 1%, avec un même dossier, dans un autre pays », souligne Jean-Claude Juncker. « Il est facile de savoir où les demandeurs d’asile iront en premier, ajoute-t-il, mais ce n’est certainement pas le moyen d’organiser le partage des responsabilités entre les Etats membres ». En 2014, le nombre des demandeurs d’asile s’est élevé à 625.000, soit une augmentation de 44% (ils étaient 332.000 en 2012, 434.000 en 2013). Les Syriens étaient au nombre de 123.000 (soit environ 20%), suivis par les Afghans (41.100) et les Kosovars (37.900). Les plus fortes demandes ont été déposées auprès de l’Allemagne (202.645), de la Suède (81.180), de l’Italie (64.625) et de la France (62.735). Le taux d’acceptation a été de 76,8% en Suède, 58,5% en Italie, 41,7% en Allemagne, 21,7% en France.
Plusieurs directives ont été adoptées pour renforcer les droits des demandeurs d’asile et fixer des normes communes. Un bureau européen d’appui en matière d’asile, créé en 2011 et installé à Malte, doit faciliter la coopération entre les Etats, dont la solidarité est également encouragée par des financements européens. Toutefois beaucoup reste à faire pour permettre un équilibre effectif des charges entre les pays et désengorger les systèmes d’asile saturés par l’afflux exceptionnel de migrants.